UNE FEMME, DEUX MARIS de Fatou Fanny Cissé : Une fresque cruelle et inattendue
Du roman à l’eau de rose au roman social, il n’y a qu’un seul pas. Et ce pas est franchi par Fatou Fanny Cissé à travers Une femme, deux maris, roman de 246 pages paru récemment chez NEI/CEDA. Une fresque cruelle et inattendue.
L’œuvre de Fatou Cissé est cruelle et inattendue. C’est une fresque d’une vaste histoire d’une Afrique où prostitution, envoûtement, l’inceste, trahison, haine, polygamie et polyandrie font bon ménage en créant un univers pervers où seule la fin justifie les moyens.
Une belle femme, musulmane bon teint entre deux hommes. L’un habillé à l’occidentale et l’autre en boubou riche brodé. Le titre- Une femme, deux maris- écrit en rouge nous renvoie au cinéma ou au théâtre. Le regard et le sourire malicieux de la femme annoncent la couleur : les normes de l’espace et du temps se trouvent déjà bousculés.
De deux espaces authentiques
Dès les premières pages du roman, le narrateur nous plonge dans un espace qui pue la misère. Penda issue de ce milieu fera des pieds et des mains pour posséder l’autre espace, l’espace angélique, espace du pouvoir d’argent (P.59). Avec une technique narrative particulière, un humour macabre et même obscène qui déroutent tout lecteur. Le narrateur par des chemins sinueux et tortueux nous présente comment le rêve de Penda se réalise.
En effet, du plus vieux métier du monde (P.30) en passant par le métier de la servante, Penda , sachant que M Séka est incapable de procréer, réussit à se faire engrosser par le tailleur d'à côté , l'attribue à Séka son patron et devient son épouse (P.78). Du coup, l’espace des parents et le nouvel espace de Penda deviennent antithétiques. La peur de perdre le nouvel espace va pousser Penda à poser des actions obscènes.
En voyage d’affaires au Mali, Penda réussira à épouser l’époux de sa meilleure amie. De ces unions en naîtrons d’autres : le gendre s’entiche de sa drue et le demi-frère tombera sous le coup du charme de sa demi-sœur. Comme nous pouvons le constater, les deux espaces imbriquent en vue de former un seul : l’espace pervers, immoral.
De la portée idéologique de l’œuvre
Roman social assurément, Fatou Fanny Cissé tente d’en faire une parole cathartique, en mettant en lumière la question des enfants issus des unions cachées. Des enfants qui s’ignorent et ignorent leurs vrais pères à cause de la perfidie des mères. En effet, Penda donnera deux enfants à Séka: Jacques Issa et Marie Madina: "Penda avait conçu ces enfants avec quelqu'un d'autre (...) pour s'approprier M Séka et sa fortune, rien de plus" (P.242).
Au-delà de la trame, l'auteure a présenté l'horreur pour mieux choquer en vue de dédramatiser un tant soit peu son univers romanesque. Et pour se donner bonne conscience certainement, l’auteure tue d'abord Séka (P.177) et ensuite Penda... Au regard de l’intrigue du roman, la mort de Penda vient rétablir les fondements d’une société africaine en perpétuelle mutation, une société puritaine et conformiste.
Auguste Gnalehi
In Zaouli n°8
«Une femme, deux maris» de Fatou Fanny-Cissé aux Editions Nei/Ceda, Roman, 250pp
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