« Gloire et Déclin apocalyptique » de Macaire Etty : Une œuvre d’un inflexible bon goût
Il est dit, et si ce n’est vrai, que la critique littéraire en Côte d’Ivoire a retrouvé ses lettres de noblesse à ses côtés. J’avais cru d’abord en lisant les chroniques de Macaire Etty que cette morale intransigeante, que ce style sec à l’image d’une éthique ignorait souvent les zones obscures où se tapissaient les lacunes littéraires de certains écrivains dont il lisait les livres.
Mais quel écrivain, quel lecteur ne s’est jamais arrêté devant les pages littéraires de son « Nouveau courrier », où, tous les vendredis, il exerce son influence considérable. J’en avais souvent voulu à ses éloquentes remarques, un peu trop douces comme de la soie. Mais il souffla sur la Côte d’Ivoire, souffla sur sa littérature. Celle-ci l’adopta plus que la Côte d’Ivoire par la voix solennelle de Josué Guébo qui signa la préface de son ouvrage. Et son génie littéraire éclipsa tous nos doutes.
« Gloire et Déclin apocalyptique », le premier ouvrage de Macaire Etty est paru aux éditions dhArt au Canada en 2012. De cette belle lignée d’écrivains ivoiriens qui, par des cheminements souterrains va de Tanella Boni, à Sery Bailly, en passant par Tiburce Koffi. Son œuvre s’y inscrit avec force.
Racontant l’histoire du roi, Tounka, « Roi-courage » qui tenait les rênes du royaume des Klys avec un attachement sans pareil. Jamais Roi n’avait mieux mérité son nom. Travailleur, généreux, blagueur, passionné de justice et de sainte équité. Jamais en défaut, Tounka avait tout exploré de son royaume, il connaissait son peuple, le royaume des Klys jusqu’au trésor caché du fleuve Pororo. Et on le lui rendait bien. Mais seulement voilà. Tounka était un roi seul. Aucune présence féminine à ses côtés. Aucune âme, aucune femme. Qu’adviendra t-il s’il venait à disparaitre ? Une descendance s’imposait. Un héritier. Le roi-courage se devait de trouver une femme. Et malgré les murmures, l’acharnement de ses conseillers, il attendait, refusait les propositions qu’on lui faisait. Il attendait. Peut être le précis moment de voir son cœur battre, imprégné du véritable amour dont il rêvait. Et était-ce ce moment là. « La Grande Fête ». Ce jour commémorant la montée au trône de Tounka. De toutes ces acclamations, de ce vacarme festif, de ces poignées de main qu’il serrait ça et là, Tounka devenait absent par ce regard qu’il dirigeait vers cette inconnue. « Il n’était plus là, il se sentit transporté dans un lieu de plénitude édénique. Il ne voyait plus rien d’autre que cette jeune fille à la beauté tonitruante ». C’était Miella qui scintillait « comme une luciole dans une nuit sans lune ». Tounka avait enfin trouvé sa femme. Le roi avait trouvé sa reine. Et de cette créature, il avait gardé des souvenirs qui ne se vidaient plus. Et la nuit tombée, de chanter, de poétiser ses rêveries amoureuses:
« beauté !/mon utopie ! /jeune fille de mes nuits comblées
flamme enjouée de mon cœur /enfin rencontrée
engendrée/ enfin…/divine splendeur
sculptée par mes nuits d’insomnie/surgie d’un giclement
de rayons solaires/ où étais-tu tout ce temps ? »
Mais est-il dit que le cœur a ses raisons que la raison elle-même ignore ? Et, Tounka perdait progressivement toute raison. Les pleurs du coq au matin, les mises en garde, le ciel qui obscurcissait le royaume, les présages de Koundi, ce vieil « aveugle et voyant » qui venait sans invitation au palais que dans des moments décisifs. Tous prévenaient le roi que choisir cette « belle inconnue » pourrait être l’une des pires décisions pour le roi et son royaume car Miella était autre que beauté et splendeur. Elle était fatale. Mais rien n’y fit. Tounka la voulait Reine. Son cœur avait choisi Miella. Il la voulait à tout prix. Jusqu’au prix du suprême sacrifice, jusqu’au prix du sang…Pour que le cours de l’histoire du royaume change définitivement.
On accepte sans peine « Gloire et déclin apocalyptique ». Et c’est ce qui rend ce livre si intéressant. Macaire Etty s’y laisse voir. On surprend partout sa main et ses artifices. Et son mérite essentiel, est d’avoir découvert et bien montré, dans le transport voluptueux, une fonction de l’irrégularité morale, de l’amour idiot, de la méchanceté bête, de la passion et du pouvoir. Macaire Etty est en haut, nous sommes en bas. Il nous délivre un message. Le reçoive qui peut. Une œuvre d’un inflexible bon goût que la jeunesse verra comme un message. Que si elle a yeux pour voir…justement.
Zacharie Acafou
Macaire Etty, « Gloire et déclin apocalyptique », Les Éditions dhArt Québec/Ontario, Canada, 2012, 198 pages.
in Le Nouveau Courrier du 27 septembre 2013
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