Sur Les Traces de l’Amour de François d’Assise N’Dah: L’amour n’est pas un cadeau sur un plateau d’or
Accompagnant son ami et associé à la gare des cars en partance pour Bouaké, Elvis Kofi découvre Roxane prête à partir : C’est le coup de foudre !
Finalement, le voyage, c’est lui qui l’effectue en vue de conquérir la belle inconnue. La prise de contact avec Roxane est âpre mais le séducteur réussit faire vaciller son cœur. Le doute comme un philtre mauvais s’incruste dans la tête de la jeune fille en même temps que l’image du prince charmant. Au fil des jours, elle se surprend à douter de l’amour de son fiancé qu’il trouve trop correct. Ses nuits sont troublées par des pensées inhabituelles et têtues. Ses principes s’écroulent. Et le besoin tyrannique de quêter l’amour incarné par Elvis la saisit de ses serres.
N’Dah nous entraîne dans les sinuosités insoupçonnées du cœur de la femme amoureuse. Un lieu déroutant et versatile où s’entrechoquent des sentiments contradictoires. Les tableaux qu’il décrit sont souvent en rupture avec le raisonnable et le normal. L’itinéraire de Roxane à la recherche d’un « fantôme » n’est ni linéaire, ni aisé. Il épouse souvent les contours d’une quête parsemée d’embûches. Elvis le « boffouê » ( nom désignant le chasseur talentueux en langue abidji) devient la proie. Fugitive et fugace, la proie ne se laisse pas apprivoiser. Même quand tel un prédateur, Roxane renifle sa présence à travers des fantaisies d’un poète ou d’un peintre, elle ne peut l’atteindre. Elle se nourrit d’illusions et se rassasie de désillusions. Le jeu de cache ‑ cache s’étire en exacerbant le drame de la jeune fille jusqu’au dénouement final. Sur les Traces de L’Amour est un livre de « la traque », une formidable « chasse à l’homme » qui rafraichit la richesse interprétative de l’amour.
Ecrit sur un ton mi ‑ réaliste, mi ‑ fantastique, dans une langue agréable et coulante, N’Dah présente l’amour comme une quête sans fin, un idéal inaccessible qui en même temps qu’il donne des ailes à l’homme le révèle à lui-même. Le livre ne se résume pas à la narration d’une aventure amoureuse. Elle transcende l’anecdote pour épouser la texture de la parabole. La langue de N’Dah mime la beauté de l’amour. Elle est un florilège d’images délicieuses et de tournures surprenantes. L’histoire romanesque se consomme goulûment. Difficile de reprendre son souffle. Le roman Sur Les Traces de l’Amour est la preuve probante que c’est par l’exploitation stylistique et esthétique des ressources de la langue qu’un thème même rabâché retrouve une certaine jeunesse, une nouvelle verdeur. Si N’Dah n’altère pas encore la langue comme le ferait un Amadou Kourouma, il est cependant un des espoirs les plus sûrs de la littérature ivoirienne.
ETTY Macaire
François D’Assises N’Dah, Sur Les Traces de l’Amour, Cercle Edition, Abidjan, 2012
publié dans LE NOUVEAU COURRIER du 18 mai 2012
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