LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

COTE D’IVOIRE : LA SOURCE SACREE, L’ELEPHANT ET LA NECESSITE DU RENOUVEAU/ J.B. PAPA NOUVEAU REND HOMMAGE AU PROPHETE DE HOZALAM

 

 

L’essai intitulé Côte d’Ivoire : La source sacrée, L’Eléphant et  La Nécessité du Renouveau, édité au deuxième trimestre de l’année 2011, par le groupe NEI/CEDA en collaboration avec Présence Africaine, a été écrit bien avant la bourrasque de l’élection présidentielle ivoirienne de 2010. L’auteur Jean Benoît Papa Nouveau porte un patronyme qui  pour la mémoire collective ivoirienne,  évoque spiritualité et religion. Il est, en effet, le petit-fils du  prophète Papa nouveau, homme de Dieu et guide spirituel bien connu en CI.

L’ouvrage est un éclairage sur la mission du prophète de Hozalam et le parcours de la Côte d’Ivoire moderne avec pour point focal sa crise militaro-politique.  Sur cette crise, il existe, déjà, en effet, une foisonnante littérature. La majorité de ces ouvrages, malheureusement,  soutenus par une idéologie politique d’accusation et de diabolisation exaspère par leur caractère partisan et superficiel. Dans ce livre, J. Benoît Papa Nouveau s’efforce de nous faire entendre un autre son de cloche. La Côte d’Ivoire, démontre-t-il,  connait des tribulations parce qu’elle s’est écartée de sa destinée prophétique, celle qui avait permis à son premier président de la diriger dans un climat de paix et de stabilité favorable à la croissance économique. La Côte d’Ivoire prospère et stable symbolisée par l’éléphant  a été bâtie par Houphouët-Boigny, génie politique et illustre visionnaire. Mais ce que les non-initiés ignorent, selon l’auteur, est que l’éléphant a tiré sa force en s’abreuvant à la source sacrée : Et « la source sacrée qui a jailli de la terre ivoirienne depuis 1937  pour que s’abreuve l’éléphant d’Eburnie, se trouve être le prophète Papa Nouveau » (page 15). Dans cette veine l’auteur nous révèle que le pays pendant ses heures de gloire était soutenu par deux piliers d’interdépendants : Houphouët-Boigny et Papa Nouveau. Alors que le premier personnifiait le pouvoir temporel et politique, le second figurait  le pouvoir spirituel et invisible. Si le « Vieux » représentait la tête de ce pays, le prophète incarnait sûrement son âme. L’un dirigeait, l’autre intercédait et conseillait. Papa Nouveau, certes, reconnait « la souveraine suprématie du spirituel sur le temporel » (Page 9). Mais selon sa philosophie, le spirituel et le matériel ne sauraient se séparer ou s’opposer, c’est pour cela il ne faut point sacrifier l’un au détriment de l’autre. « Priez et travaillez, travaillez et priez. Ne vous arrêtez jamais de prier, ne vous arrêtez jamais de travailler » (page 160) clamait le prophète. Le village de Toukouzou-Hozalam est, dans cette perspective, une saisissante matérialisation de cette vision. Ce village, construit par ses soins, avec ses infrastructures scolaires, spirituelles et sociales, se veut une terre sainte, tout en restant le microcosme d’une Côte d’Ivoire  studieuse, hospitalière et  généreuse. Le Prophète Papa Nouveau fut l’inspirateur de Félix Houphouët-Boigny qui avait fait, de la Cote d’Ivoire un havre de paix et une terre d’accueil.

Ce livre en premier chef est un hommage à un homme de Dieu qui s’est mis au service de la Côte d’Ivoire. Il se veut « une lumière sur la source d’eau sacrée dans laquelle l’éléphant trempait depuis longtemps sa trompe, pour arroser et solidifier ses pattes » (page 11). Avec une conviction inébranlable, Jean Benoît Papa Nouveau présente « le messie de Hozalam » comme une mine de conseils, un trésor de sagesse, un nationaliste convaincu et un guide spirituel de grande envergure. Sa mission était d’être un phare pour la Côte d’Ivoire. Tous ceux qui ont dirigé ce pays ont eu besoin, à un moment donné de leur trajectoire, de recourir à sa lumière.  De Houphouët-Boigny, à Laurent Gbagbo en passant par Henri Konan Bédié et Guéi Robert. Il avait reçu dans son village et dans son église des personnalités politiques et militaires de premier ordre. Et chaque fois, avec la sincérité qu’on lui connait, il leur avait exprimé son point de vue sur la marche du pays et sur la conduite à tenir. Il était une tour de contrôle qui éclairait de sa torche depuis son village toute la Côte d’Ivoire. D’aucuns l’avaient écouté, d’autres avaient méprisé ses avertissements, mais toujours, c’est lui qui avait eu raison.

Des révélations sur la CI, il en avait fait. Le règne d’Houphouët-Boigny, le coup d’Etat de 99, la guerre de 2002 etc. Il avait révélé à Houphouët « qu’il mourrait de maladie en étant au pouvoir » (page 111). Trois jours avant l’élection présidentielle d’octobre 2000, il avait déclaré : « Celui qui dirigera la CI dans la paix ne sera pas issu de ce vote » (page 147).  Il affirmait également qu’il n’aura pas de guerre en Côte d’Ivoire de son vivant. « Le 20 septembre 2001, le prophète s’élève…le 19 septembre 2002, soit un an, jour pour jour, après son élévation, la guerre éclate dans notre pays » (page 149) nous révèle Jean Benoit Papa Nouveau.

Cet essai de 310 pages se présente également comme une véritable révélation sur l’histoire et surtout l’histoire récente de la Côte d’Ivoire. Car au-delà de la mission du prophète Papa Nouveau, ce livre nous retrace, en toile de fond, le parcours d’un pays… Il se veut un document de référence  pour comprendre la terre d’Eburnie, ses succès, ses soubresauts, sa force, ses manquements, ses péchés… afin de mieux appréhender l’avenir. Chacune des paroles du prophète de Hozaleme a la force d’un commandement religieux, le poids d’un verset biblique. A la page160 il assène: « Que les Ivoiriens ne confient pas la présidence de leur pays à une personne autre qu’un Ivoirien. Qu’ils aient en main la direction de leur pays et qu’ils ne mettent pas la Côte d’Ivoire en péril en l’exposant à la vente aux enchères » ; Aux pages143/144 : « Tout citoyen appelé à diriger la Côte d’Ivoire devra passer par Toukouzou-Hozalam, avant ou pendant l’exercice de son pouvoir d’Etat, afin de bénéficier de l’onction de cette terre sainte donnée au peuple de Côte d’Ivoire par la providence. Et ce jusqu’à la fin des temps. C’est une loi spirituelle ». C’était en effet des lois spirituelles données au pays. Et s’il (le pays) est tombé dans le gouffre, c’est parce qu’il a rompu avec les lois spirituelles qui la régissent.

Dans la cinquième partie de son livre, Jean Bénoit Papa Nouveau se propose alors  de montrer des voies pour « Le retour de l’Eléphant ». Et c’est à ce niveau que ce livre claudique et ruine nos attentes légitimes. L’essayiste, en se fondant sur les lois de la démocratie et de la bonne gouvernance, fait des propositions on ne peut plus communes et ordinaires  pour « le renouveau » éburnéen. Il nous sert des généralités sur la nécessité de la lutte contre la corruption, l’institution d’un vrai contexte démocratique, la justice pour tous, la sécurité pour tous, la lutte contre la pauvreté, l’éducation et la formation, le financement macroéconomique etc. Si le péché de la Côte d’Ivoire a été sa rupture avec les valeurs spirituelles, alors pourquoi l’auteur nous sert-il des solutions en rapport avec les règles démocratiques et de la bonne gouvernance que tout le monde développe sans que personne ne les applique ? La logique aurait voulu qu’il nous montre la voie strictement spirituelle susceptible de nous réconcilier avec la source sacrée. Avec l’élévation du Prophète Papa Nouveau, qui était, selon l’auteur, la source sacrée, où devra s’abreuver désormais l’éléphant déshydraté et anémié ? Telle est la question capitale à laquelle Jean Benoît devait répondre pour étancher notre soif.

Bien que riche en informations et en révélations, le livre de JB Papa nouveau pèche également quelques fois par son silence assourdissant sur certains faits importants de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Avec une complaisance talentueuse, il évite d’effleurer les manquements du PDCI, les dérives de Houphouët et de Bédié. Ce silence qui ne saurait être associé à une quelconque omission involontaire traduit la volonté du militant de ne pas exposer son parti. Vice-président de la JFPDCI, membre du Bureau Politique du PDCI, la fibre militante de l’auteur, pour le lecteur attentif, a souvent atténué la sincérité de son argumentaire.  En outre, comme chute de ses propositions  l’auteur  croit possible le « retour de l’éléphant d’Afrique », laquelle formule qui se confond étrangement avec le slogan politique bien connu du président Bédié. Lapsus révélateur ou rêve lucide d’un militant convaincu ?

 

 

publié par le quotidien LE NOUVEAU COURRIER du 21 octobre 2011 

ETTY Macaire

Critique littéraire

ethimacaire@yahoo.fr

 



21/10/2011
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