Silences Coupables de Moïse Karim : Un prêtre brise le silence
« Silences coupables » est un recueil de nouvelles publié aux éditions du Cerap par l’abbé Moise Karim. Quel message peut bien livrer un prêtre qui s’invite dans le monde de la littérature ? L’amour de Dieu, pardi ! Moïse Karim, notre auteur, lui, ne s’en contente pas. Il va plus loin…laissant la parole à la Parole pour révéler l’indicible.
En lisant cette œuvre on est d’emblée frappé par le souci de Moise Karim de bousculer des convictions établies et de déranger des quiétudes séculaires. Dans le monde des hommes de Dieu et précisément des prêtres, tout n’est pas que prières et homélies. Dans le silence de leur sacerdoce, ils boivent des mixtures amères. Le quotidien les met en face souvent des pires interrogations qui mettent à nu la grandeur mais aussi l’âpreté de leur mission. Les moments de confessions sont des instants d’épreuves où l’homme de Dieu doit pouvoir trouver les mots justes : Il faut rassurer le fidèle dans la limite de ce que permet la parole de Dieu. Sur son piédestal d’oint au service du Créateur, le prêtre demeure un être humain en proie aux faiblesses et aux grands dilemmes auxquels est confrontée la créature humaine. L’écartèlement est son quotidien. Comment faire comprendre à une fille qui l’aime que le véritable amour est incarné par Jésus-Christ ? (Ma lettre à Maéva, P.9). Comment se taire tout en sachant que le silence est souvent mortel ? (Silence coupable, P.69) Faut-il se taire pour jouir « des privilèges que son silence sur ces questions pouvait lui octroyer facilement ? » (Page 27). Que dire aux ouailles lors des homélies pour les gagner au Christ et au mourant qui souffre du silence de Dieu malgré les prières (Médecin avant la mort, P.55) ? Quelle posture avoir devant les hommes politiques quand le peuple ploie sous le faix de la souffrance (La république des trois singes, P.105) ? Tout au long de ce livre les questions philosophiques et théologiques se télescopent sans arrêt.
Tous les personnages qui se succèdent d’une nouvelle à une autre dans cet ouvrage, incarnent les difficultés auxquelles sont confrontés des prêtres. De « Ma lettre à Mavéa » à « Dialogue avec le Maître » en passant par « l’Abbé Rosaire », « Quand Allah laisse faire » « Médecin avant la mort » et « Mon chemin à moi », le sentier de l’homme de Dieu est parsemé de pièges et d’énigmes qu’il doit chaque fois savoir négocier pour rester dans le droit chemin. Moïse Karim dans ce recueil ne s’impose pas comme un donneur de leçons et son livre est loin d’être un recueil de sermons. Il se contente de soulever les problématiques de grandes envergures pour nourrir les méditations de ses lecteurs, qu’ils soient prêtres ou simples fidèles ou même païens.
Ce qui étonne dans cette œuvre est que tous les prêtres mis en jeu ici sont rigoureux, fervents, et presque parfaits. Malgré la gravité des questions soulevées, les personnages-prêtres de Moïse Karim triomphent toujours. Comme si de anges n’ont jamais chuté. Dans cet engagement à briser les silences, on aurait pu lire des textes traitant des dérives, des déviations et des déchéances de prêtres. A notre sens, il existe des silences dans le milieu des serviteurs de Dieu blâmables qui au grand dam du lecteur son tus dans ce livre. Autocensure ? Peut-être !
Le livre de Moise Karim frappe par l’omniprésence des dialogues. La place faite aux échanges entre les personnages procède de la volonté de l’auteur de confronter des arguments, de laisser s’exprimer les sentiments et les émotions. N’est-ce pas de la confrontation des idées que jaillit l’étincelle, la vérité ? En cela, le dernier texte « Dialogue avec le Maître » est une pépite à la fois littéraire et théologique. Dans la même veine il faut relever le foisonnement des phrases interrogatives qui à l’analyse font de ce livre une compile d’interrogations adressées à l’esprit humain. Le mérite de notre auteur est d’avoir bâti une œuvre littéraire où le fond et la forme fusionnent pour créer le confort de la lecture.
Macaire Etty
Moïse Karim, Silences Coupables », Nouvelles, 160 pages Les éditions du Cerap, Abidjan, 2013
In Le Nouveau Courrier du 23 Août 2013
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