RENCONTRE AVEC YEHNI DJIDJI, écrivaine
Célèbre bloggeuse ivoirienne, Yehni Djidji flirte avec l’écriture avec une régularité charmante. A la faveur de la publication de son premier roman, Une Passion Interrompue, nous l’avons rencontrée. Echanges.
Parlez nous un peu de vous Yehni…
Je suis Rosine N’guessan Fonou Kakou à l’état civil, passionnée de littérature et du cinéma, je tiens depuis 2008 un blog sous le pseudonyme de Yehni Djidji. J’ai fait un BTS en communication d’entreprise et un cycle ingénieur en marketing et management appliqué. Je suis aussi écrivain, chroniqueuse, scénariste et comme j’aime le dire, ce n’est que la partie visible de l’iceberg.
Vous êtes abonnée aux prix chaque fois qu’un concours littéraire est organisé… que représentent les prix pour vous ?
Abonnée ? Non ! Je ne participe pas à tous les concours et je ne remporte pas de prix à chaque fois non plus. Les concours au début étaient un moyen pour moi de me faire remarquer par un éditeur. Aujourd’hui, je considère chaque nouveau prix comme un encouragement à tenir ferme, une nouvelle cerise sur le gâteau.
Quelques mots avec votre histoire avec le net ?
J’ai découvert internet en classe de quatrième. … Ensuite j’ai vu que l’outil pouvait m’aider dans mes différents travaux scolaires. En 2007, j’ai eu envie de créer un blog en lisant celui d’une jeune Nigériane. Mais ce n’est qu’en 2008 que je me suis jetée à l’eau. Je voulais que ce blog ait une coloration littéraire. Je comptais y publier certaines de mes histoires dans l’espoir de me faire remarquer par un éditeur. Et puis, au fur et à mesure, Le blog de Yehni Djidji a pris une toute autre dimension. Il est devenu plus généraliste, un cocktail d’actualités politique et culturelle, de faits sociaux avec parfois quelques sujets plus personnels.
Vous écrivez en outre des scénarii…c’est fantastique !
Oui, j’écris des scénarii. Quand j’ai réalisé qu’après plus de deux ans, je n’avais pas de réponse des maisons d’éditions où j’avais déposé des manuscrits, l’idée m’est venue de les réadapter en scénarii. Je voulais tenter ma chance de ce côté. Je ne regrette pas de l’avoir fait. C’est une autre corde à mon arc, qui m’a permis d’avoir quelques contrats.
Une Passion Interrompue est votre premier livre individuel. Comment vous est venue l’idée d’écrire ce roman ?
J’avoue ne plus savoir. Mes parents ont très tôt commencé à m’offrir des livres. J’ai donc eu l’amour de la littérature assez jeune. J’utilisais mon argent de poche pour acheter des livres. A un moment donné, lire ne me suffisait plus. J’ai ressenti le besoin d’écrire également, d’imiter les œuvres que je lisais. Malheureusement mes lectures étaient pour la plupart issue de la bibliothèque rose et de la bibliothèque verte. Mes premiers textes étaient donc des copies presque conformes de ces œuvres-là. C’est en quatrième que l’idée d’une histoire avec des personnages plus africains, collant d’avantage à ma réalité est née. Tous ceux à qui je l’ai lu ont aimé. …J’ai compris que je tenais le bon bout. Mais j’avoue ne plus savoir d’où l’idée m’est venue.
L’amour est le thème central de votre roman. Pourquoi un tel choix?
Je n’ai pas choisi de faire de l’amour le thème central de ce roman. (…) Je pense cependant que la capacité à aimer est l’un des cadeaux les plus précieux que Dieu ait fait aux hommes. Et être aimé en retour est encore plus merveilleux. Si les lecteurs ressentent le besoin de vivre cette belle expérience qu’est l’amour après avoir lu le livre, tant mieux. En réalité, je crois que toutes les œuvres parlent de l’amour. De son absence, de sa présence, de ses différentes facettes…
Vos personnages appartiennent aux milieux aisés de la société, pourtant ils sont des êtres inquiets, déboussolés.
Certains des personnages, pas tous. On a Florent qui est un chauffeur, Mathilde et même Virginie qui n’est pas si aisée que cela. Mais les riches de l’histoire sont effectivement inquiets et parfois déboussolés parce que les problèmes ne sont pas l’apanage des pauvres. Les riches aussi ont leur lot de peine, et d’incertitudes.
Claire avoue à la fin que l’éducation de ses enfants a été un échec. Avez-vous voulu posé le problème de l’éducation dans les milieux aisés ?
Entre autre, oui. On idéalise trop la vie des personnes riches. Or, elles ont souvent de grosses difficultés au niveau de l’éducation de leurs enfants. Les parents sont toujours absents. Ils laissent le soin à leur argent d’élever leurs enfants en les mettant dans les meilleures écoles, et en les entourant d’un personnel domestique à leur petit soin. Mais rien ne veut le contact filial, la complicité, l’échange.
La fin heureuse de l’histoire d’amour entre Virginie et Samuel revêt‑elle une signification particulière ?
J’ai voulu tuer Virginie mais elle m’a fait pitié (rires). La fin heureuse de cette histoire d’amour montre la puissance de Dieu tout simplement. C’est une des choses que j’aimerais vraiment que mes lecteurs retiennent.
Le passé de Virginie est chargé négativement, pourtant Samuel décide de faire table rase sur ce passé et la reprend…
L’amour, le vrai, pardonne tout. En plus Virginie n’a pas sciemment décidé d’avoir se passé chargé. Elle a été prise dans un concours de circonstance et malheureusement le cœur n’est pas un valet à qui on donne des ordres. Si les hommes mariés étaient plus sages, Virginie aurait connu une toute autre vie.
Il se trouve que Virginie a été la petite amie du père de Samuel. Il y a eu inceste et en Afrique, on l’accepte difficilement…
Heureusement que ce n’est qu’une partie mineure de l’intrigue du livre. Tu aurais tout dévoilé aux lecteurs (Rires). En Afrique, les mariages entre cousin et cousines ou personnes ayant des liens de parentés sont courants. Les traditions où on donne la femme au frère de son mari défunt existent bel et bien. Cependant vous avez raison. De plus en plus, ce sont des pratiques qui tendent à disparaître et à être condamnées. Les africains ont fort heureusement des solutions pour ce genre de cas. Il y a des rituels à faire, des sacrifices auxquels il faut se conformer. Toutefois dans le livre cette solution n’est pas envisagée, à cause des croyances de Claire et pour d’autres raisons qu’elle explique à Céline quand cette dernière évoque le problème.
Le pardon lorsqu’il y a eu infidélité ou autre faute grave n’est elle pas un aveu de faiblesse ?
Le pardon en amour n’est pas un aveu de faiblesse mais un aveu d’amour. Il est si facile de manifester de l’amour à quelqu’un qui est parfait. Le défi réside en aimer quelqu’un avec ses imperfections parce qu’en réalité nous aussi avons notre lot conséquent de défauts. Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre.
Lorsque vous relisez l’œuvre, n’éprouvez vous pas quelques regrets sur certains aspects de l’histoire ?
Aucun regret. Si j’avais voulu m’écouter je n’aurais jamais publié quoi que ce soit. J’ai toujours l’impression que mon travail n’est pas parfait. Et effectivement il n’est pas parfait. Aucune œuvre ne l’est. J’espère que les critiques qui accompagneront celles-ci m’aideront m’améliorer pour les prochaines œuvres.
On note en lisant le roman quelques manquements techniques dans la mise en page…l’avez-vous remarqué et en avez-vous parlé avec l’éditeur ?
Oui, j’en ai vu. Malheureusement les manquements que j’ai remarqué ne sont pas les mêmes que certaines personnes m’ont signalé. Il faut donc faire un point de tout ceci dont l’éditeur tiendra compte pour les réimpressions.
Avons-nous des raisons de lire une Passion Interrompue ?
Une passion interrompue vous permettra de passer un agréable moment en lisant une histoire pleine de rebondissements et d’enseignements.
Par ETTY Macaire
publié dans le quotidien Le Nouvdeau Courrier du vendredi 4 mai 2012
A découvrir aussi
- RENCONTRE AVEC JOSUE GUEBO, Le nouveau Président de l’AECI
- RENCONTRE AVEC François D’Assise N’Dah
- Interview/ Harouna Dramé, écrivain et éditeur ivoirien au Canada parle aux Africains
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 284 autres membres