LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

RENCONTRE AVEC TIBURCE KOFFI, écrivain et musicien

 

Provocateur, iconoclaste et souvent même polémiste, Tiburce Koffi est dans le milieu littéraire de Côte d’Ivoire une voix incontournable. A la fois critique littéraire et écrivain, il anime le monde des lettres avec une constance incroyable. Prix RFI de théâtre et Grand Prix Ivoire, celui qui se définit comme le disciple du Maître Bernard Zadi Zaourou (Nous avons réalisé l’interview, quelques jours avant le décès du Maître) a le talent insolent des créateurs authentiques.

 


 

Tiburce Koffi n’est plus à présenter… Mais pour les besoin de l’interview, que doit ‑ on retenir de vous ?


Peu de choses. Sur le plan universitaire, je suis chercheur au Greli (Groupe de Recherches sur la Littérature ivoirienne, Université de Cocody), sous la direction du Professeur Bruno-Gnaoulé Oupoh. Je suis actuellement en poste à l’Insaac (Institut national supérieur de l’Art et de l’Action culturelle) au titre de Dg de cet institut. Je partage mon temps entre l’écriture, la musique, le théâtre, le journalisme et, bien sûr, les réunions administratives pour la gestion de l’Insaac. Je suis marié. Père de deux enfants dont un garçon et, évidemment, une fille. Je ne crois pas avoir été, ni même être un bon époux, mais je pense être un bon papa. Et puis quoi d’autres encore ? Je ne sais plus.


Du point de vue littéraire, qui est l’écrivain Tiburce Koffi ? Que représente – t ‑ il dans le champ de la littérature ivoirienne ?


C’est à la critique de dire ce que je représente dans le champ littéraire ivoirien, pas à moi. Je n’écris pas pour quémander une place dans la littérature ivoirienne, mais pour exhumer l’écrivain qu’il y a en moi et partager avec le Monde, mes expériences de la vie. Après tout, écrire, c’est se dire, se poser des questions sans réponse absolue, interpeller le monde, se vider de ses propres violences, ses peurs, ses espérances, ses certitudes aussi erronées aussi…


Vous vous définissez souvent comme un disciple de Bernard Zadi… Que pensez-vous avoir gardé du Maître (Nous avons réalisé l’interview, quelques jours avant le décès du Maître)?


L’interdisciplinarité, mais surtout la poésie et le théâtre. Comme lui, je suis resté essentiellement un poète et un auteur dramatique. Michel Koffi, mon frère cadet, a écrit un jour que Bernard Zadi était pour moi le frère aîné ou le père que je n’ai pas eu. C’était bien dit. Et c’est vrai.


Vous avez des dissemblances, n’est ce pas ?


Bien évidemment. Je n’aspire pas à être son clone. Vous remarquerez par exemple que j’ai un registre d’écriture relativement plus éclaté que le sien. Je passe aussi bien à l’essai qu’au récit, à la poésie et au dramaturgique. Le Maître est resté essentiellement un poète et un universitaire. Et même les merveilleux textes critiques qu’il a produits et qui attendent d’être publiés, s’inscrivent dans l’univers austère de la recherche savante dans les lettres : thèses, documents heuristiques de portée exclusivement universitaire. Le maître consacre peu d’intérêt au genre romanesque, ce qui n’est pas mon cas. Je vous annonce cependant la sortie prochaine d’un roman de Bernard Zadi. Yirigane, est le titre. C’est Fraternité Matin qui publie le texte. (…). Je crois qu’il est resté fondamentalement un pédagogue ; un de ces grands pédagogues qui savent distribuer le savoir. Enfin, la plus grande dissemblance entre lui et moi : Zadi est un esprit encyclopédique, un monument du savoir ! Et moi, je suis l’élève qui aspirera toujours à atteindre, sans jamais y parvenir, le niveau du maître. Et aucun intellectuel ivoirien, excepté les Pr Lanciné Sylla et Barthélemy Kotchy, n’a acquis et maîtrisé autant de savoirs que lui. C’est le Cheick Anta Diop ivoirien.


Quels sont vos disciplines et genres de prédilection en tant que créateur ?


Le théâtre et la musique. Mais je crois que je suis plus efficace en récit, précisément la nouvelle. C’est même le point de vue de la plupart de mes lecteurs. En musique, je suis devenu plus théoricien que praticien à cause de la politique, des fonctions administrations et de la littérature qui m’ont vraiment absorbé durant cette dernière décennie.


Votre prose est certainement l’une des plus poétiques de Côte d’Ivoire… pourtant vous n’avez pas encore publié d’ouvrage poétique. Comment expliquez-vous cela ?


Par le fait que la poésie n’est pas le genre par lequel un débutant entre facilement dans une maison d’édition. Lieu d’une écriture de type confidentiel, la poésie a un lectorat sélectif ; ce qui est incompatible avec les objectifs financiers des maisons d’édition. M. Zadi m’avait d’ailleurs déconseillé d’aller frapper à la porte des éditeurs avec de la poésie. Il m’avait plutôt conseillé le récit (nouvelles, romans) qui vous ouvre plus facilement les portes des éditeurs. Et c’est ce que j’ai fait, mais en distillant la poésie dans ma prose romanesque, afin de conserver mon âme de poète. En l’espèce, mes modèles demeurent Camus ; le Camus de La peste, Zola de Germinal bien sûr, mais surtout L’œuvre. Je considère ce dernier livre comme le sommet de Zola. Enfin, Le Clézio (Désert). Le Clezio n’a jamais rien écrit de plus ni d’aussi beau. A l’expérience, je pense que l’option pour le récit que m’avait conseillé Zadi a été juste, car cela m’a réussi... Cela dit, je publierai sous peu, un recueil de poèmes. Il s’appelle « Harmoniques ».


Parlons de quelques-unes de vos œuvres. Terre de Misères est considéré comme un bijou. Un mot ?


Bijou ! C’est Kinimo Man Jusu qui a écrit ça. C’était très gentil de sa part. Cela dit, je pense que Terre de Misères est, en effet, le texte le plus littéraire que j’aie publié jusque-là. Il pèche même par excès de stylisation (…). Dans ce livre, j’ai voulu célébrer les belles lettres. J’ai vraiment éprouvé un plaisir douloureux à écrire ce livre, car son contenu est triste et déprimant : Terre de Misères est, finalement, un chapelet d’échecs, de morts, de douleurs.


Par quoi s’explique ce penchant pour le morbide et le triste ?


Les expériences de la vie. Terre de misères a été écrit au cours des années 1990 ; ces années là ont vu disparaître des êtres qui m’étaient chers : des journalistes, des musiciens, parents et amis. Bien avant eux, j’avais perdu Roger-Fulgence Kassy et Benjamin Koffi dit Ben Kof. Sur le plan social et politique, le pays vivait de sérieuses perturbations : la succession tourmentée d’Houphouët, le coup d’Etat et les violences de l’ordre kaki, la banalisation de la mort. Le tout alertait mon intériorité du vaste cauchemar qui allait bientôt secouer mon pays. Même mes articles étaient baignés du spectre de cette violence insidieuse que mes sens de poète percevaient. J’étais devenu Cassandre arpentant les murs de Troie. Je crois que ce climat de désespérances et de malheurs de tous ordres a influencé l’écriture de Terre de misères qui est vraiment « Le livre des douleurs » ! Je n’arrive pas, moi-même, à relire aujourd’hui ce livre, tellement il est triste. La fabrication du produit est mauvaise : mise en page douteuse, charge graphique peu attrayante, corrections approximatives jusque même dans le titre (Terre de misères) au lieu de misère. Je vais le rééditer en édition revue et corrigée.   


Selon moi, Le paradis Infernal, une de vos pièces de théâtre, est un bon livre qui mérite d’être joué et connue davantage.


Je l’ai écrite en août 1985. C’est ma pièce la plus achevée, la plus dense. Le spectacle avait été très bien accueilli au MASA 1998 où ma compagnie, « La compagnie du sphinx » a représenté la Côte d’Ivoire. La critique internationale a été unanime sur la qualité de la pièce et du spectacle que nous avions produit. Mais vous savez, la production d’une pièce comme celle-là revient cher. J’ai été Grand prix Rfi avec Le paradis infernal, après Thiam Abdul Karim qui a signé Ramsès II le nègre. Je suis le dernier Grand prix Rfi pour la Côte d’Ivoire.


Le texte frappe par son caractère blasphématoire. Les personnages bibliques sont souvent y tournés en dérision. Que recherchiez-vous ?


La dérision, accouplée à la tragédie. Le paradis Infernal m’a permis de régler un sérieux contentieux philosophique entre la Bible, Dieu et moi.


Dieu le Tout Puissant lui-même subit votre raillerie… Quelle audace ?


C’est d’un Dieu homme qu’il s’agit. Celui de la Bible créé par des hommes. Je ne tourne jamais en dérision le vrai Dieu, le Maître de l’univers, car je suis profondément croyant. J’ai écrit Le paradis Infernal à une période où j’étais encore sous l’emprise du matérialisme athée d’essence marxiste. Le Dieu du Paradis Infernal est une caricature de tyran comme il s’en trouve sur terre. Et l’image la plus parlante de ce type de dictateur, c’est vraiment le Dieu de la Bible, un personnage excessivement répressif, redoutable, rancunier, prompt à sévir. Un Dieu injuste. Ce Dieu là me paraît farfelu, vulgaire. Non, Dieu ne peut pas être comme on le dépeint dans la Bible. C’est ridicule !


Qu’est ce qui vous a décidé à écrire « Mémoire d’une tombe » ?


Un devoir de mémoire, et une nécessité de rêver l’Afrique ; une Afrique de la réussite et non de l’échec. Une Afrique de l’audace, de l’envie d’innover, une Afrique qui doit intérioriser et maîtriser la violence dans une perspective de production d’énergies productives et non pas, comme on le voit malheureusement encore sur ce continent, dans le misérable dessein d’accaparer le pouvoir pour se livrer à des jouissances primaires et ridicules. Mes héros, dans Mémoire d’une Tombe, sont des allégories positives de cette Afrique qui peut et doit gagner. L’Histoire objective qui a servi à leur élaboration est récente : c’est celle des révolutions castristes (Fidel Castro) et sankariste (Thomas Sankara). Mes héros sont des rêves incarnés, de grandes projections, des idéaux agissants.


Ce n’est pas là le point de vue de Véronique Tadjo qui ne lui reconnaît pas cette dimension onirique.


J’ai été très étonné de lire cela d’elle. Vraisemblablement, Véronique Tadjo pour qui j’ai un grand respect intellectuel, n’a pas perçu cette dimension du texte ! La critique est pourtant unanime à reconnaître la dimension onirique de ce roman qui, en même temps qu’il fait l’état des lieux sur la situation misérable du continent africain, ouvre des perspectives de sortie de la tragédie collective, par un rêve immense : celui d’une Afrique qui gagne. Sama Toé, Kansar, Mimira, Ilboudo, Bélem, Sombo, Sally, entre autres, ont été techniquement conçus comme des allégories de cette Afrique-là, l’Afrique de demain. Ils sont, tous, porteurs d’un heureux pathos que je souhaite au continent : celui de la victoire future qui devra bonifier le parcours de la race noire que je convoque au pupitre de la réussite. Tadjo est vraiment passée à côté, dans sa lecture de ce roman.     


Etiez vous certain à l’époque de remporter le Prix Ivoire ? Pourquoi ?


Je n’ai pas écrit ce livre pour le « Prix ivoire ». D’ailleurs, quand j’écrivais Mémoire d’une Tombe, en 2004, ce prix n’existait pas. C’est mon éditeur qui l’a proposé à ce prix qui en était à sa deuxième d’édition au moment où sortait Mémoire d’une Tombe. J’avoue que lorsque j’ai appris qu’une plume comme Boubacar Boris Diop y concourait et figurait au nombre des nominés, je me suis dit que la partie serait loin d’être gagnée. Les autres concurrents comme le jeune Konan François d’Assise qui est pratiquement un novice dans le métier, ne pouvaient, évidemment, pas faire le poids. Je n’exprime pas là du mépris pour ces plumes, mais ce sont réellement de jeunes écrivains en apprentissage. S’il n’y a avait pas eu Boris Diop parmi les écrivains, j’aurais dit que j’ai triomphé sans gloire.


 L’Embarras de Dieu votre recueil de nouvelles, est un mélange de noirceur et d’ironie. Vos personnages sont souvent victimes du destin. Un commentaire ?


Ah ! Là, non. Pas d’accord avec vous. D’ailleurs, la nouvelle éponyme consacre la victoire de l’Homme sur Dieu. Je précise encore qu’il s’agit toujours là du Dieu de la Bible et du Coran. Il faut lire L’embarras de Dieu en ayant en écho Le paradis Infernal, notamment dans l’approche de questions philosophiques et métaphysiques comme la liberté individuelle, la responsabilité individuelle ou collective, la mort, le sexe. Dans L’Embarras de Dieumes personnages ne subissent pas la violence de l’histoire ; bien au contraire, ils la produisent eux-mêmes, en toute autonomie.

 

La première nouvelle expose au grand jour votre tendance à vous moquer des prophètes de Dieu. Mahomet et Jésus sont ridiculisés comme de vulgaires individus.


C’est pour dire aux fanatiques et autres intégristes ou fondamentalistes, d’arrêter de s’entretuer pour le nom et la gloire de ces personnages qui, somme toute, ne sont que des êtres humains, fussent-ils envoyés ou non par Dieu. Et puis, d’ailleurs, qu’est-ce qui prouve que c’est Dieu qui les a envoyés ? Et quel Dieu ? Entendu que le Dieu de la Bible a dit clairement, lui-même, qu’il est « Le Dieu des Hébreux, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » (…) qui ne sont nullement des parents des Nègres que nous sommes ; pas plus que les Gaulois ne sont les ancêtres des Noirs ! Si donc il y a « le Dieu des Hébreux », il peut donc y avoir aussi le Dieu des Noirs, le Dieu des Asiatiques. Mais, il n’y a qu’un seul Dieu. Le Grand Maître de l’univers. Et ce Dieu là, le vrai Dieu donc, ne se réclame d’aucune race, d’aucun peuple particulier. Dieu n’a choisi aucune tribu particulière pour parler en son nom, moins encore pour commander aux autres de la Terre, car nous sommes, tous, ses progénitures. Aucun peuple n’a le droit de tuer d’autres personnes sur cette Terre, ni de les priver de terre sous le prétexte dangereux qu’il est le peuple élu. Non, je n’aime pas ce concept de race ou de peuple élu.


Vous vous reconnaissez dans le bossonisme de Jean Marie Adiaffi. Est ce exact ?


Oui. C’est aberrant de croire que la révélation divine n’appartient qu’aux peuples qui nous ont soumis, nous les Noirs. Cela me paraît peu sensé de penser que Dieu ne s’est révélé qu’aux autres peuples de la Terre, sauf aux Noirs ! C’est même indigne pour un Noir d’adhérer à une telle thèse ! Le bossonisme m’est apparu comme une salutaire tentative de réhabilitation de la spiritualité négro africaine reniée et disqualifiée par des peuples fripons qui nous auront spoliés de tout. S’il y a bien un combat que l’intelligentsia négro africaine doit mener pour la dignité de l’homme noir, c’est le combat de réhabilitation ou de recentrage spirituel.


Votre essai « Le Mal-être spirituel des Noirs » est véritablement polémique. Est-ce le but recherché ?


Non. C’est sur le terrain politique que j’ai été polémiste et volontairement provocateur, pour amener les Ivoiriens à réagir avec intelligence et discernement aux incongruités et autres pestilences que nous a servies la classe politique ivoirienne. Mais dans cet essai, je convoque l’intelligentsia négro africaine à interroger le mal africain dans sa dimension métaphysique. C’est donc à un vrai débat intellectuel que j’invite les Noirs, car la question me paraît d’importance.


Vous accusez les Noirs d’avoir troqué leur spiritualité. Pourtant, à mon avis, le message biblique est universel ; il ne s’adresse pas spécifiquement aux Blancs. De même le message du Coran s’adresse à tout l’univers.


C’est toujours ce qui est étranger à votre vécu culturel authentique qui vous paraît universel, à vous autres intellectuels noirs africains. Pourquoi le bossonisme ne serait-il pas lui aussi universel ? Pourquoi les valeurs spirituelles et culturelles négro africaines ne seraient pas, elles aussi, universelles ? A vous entendre, tout ce qui vient des Blancs et des Arabes est universel. Leurs langues, leurs musiques, leurs manières de s’habiller, de manger, de diriger le monde, de penser et d’agir, leurs manières de concevoir Dieu et de le prier, sont, à vos yeux, universelles. Même leurs manières de tuer ou de faire l’amour vous paraissent universelles ! A l’opposé, tout ce qui vient des Noirs est tribal, ethnique, limité à l’Afrique et à des expériences de sauvages.


Attention ce n’est pas le fond de ma pensée !


Attendez…Dites-le moi, vous : pourquoi l’universel ne doit-il jamais provenir de chez nous, mais uniquement de chez eux ? Pourquoi aimez-vous à ce point les produits culturels de ces peuples qui nous ont tant torturés et humiliés ? Vous m’étonnez ! Hier, ces gens-là nous ont fait croire que les eaux que nos ancêtres avaient sacralisées étaient sataniques. Les Noirs d’aujourd’hui vont en Israël et ils en reviennent avec de l’eau du Jourdain qui est supposée bénite. Et ils sont heureux de faire des choses pareilles ! Mais écoutez, c’est la même eau qui en Israël qui se trouve aussi dans nos villages, et que nos ancêtres avaient sacralisée car ils avaient, eux aussi, estimé que ces eaux avaient été bénites par Dieu. Hier, les Blancs nous avaient fait croire que les tatouages étaient des pratiques sauvages. Aujourd’hui, des milliers de personnes aussi bien d’Occident qu’Orient se font tatouer à des prix exorbitants. Et le tatouage a acquis valeur d’universalité parce que les Blancs le pratiquent. Le kodjo de nos femmes ‘‘sauvages’’ du village est devenu le string. Et nous aimons bien le string, qui est donc le sous corps féminin universel ! Mais vous oubliez que le string est d’inspiration esthétique négro africaine.


Oh là là vous êtes excessif…Bon, revenons au bossonisme. Quelles sont les valeurs qu’il prône ?


Le message bossoniste est empreint d’’un humanisme universel. En tout cas, aussi universel que les autres langages théologiques qui prétendent dire la parole de Dieu. Tout message qui se réclame du divin, et qui prône des valeurs nobles et utiles est, par principe, universel. Le bossonisme proclame l’unicité de Dieu. Je l’ai déjà écrit : dans aucune langue africaine, on ne conjugue Dieu au pluriel. La forme plurielle de Dieu est une invention linguistique de l’Occident. Les Négro africains disent, quant à eux, Dieu. Les anthropologues occidentaux ont confondu les ‘‘esprits’’ (qu’admettent d’ailleurs toutes les spiritualités du monde) à Dieu. Ainsi, dans le bossonisme, il y a les esprits d’une part, et il y a Dieu ou Gnamien Kpli (chez les Baoulés par exemple), ou Lago, chez les Bété. Il n’y a pas plusieurs Gnamien Kpli, et il n’y a pas plusieurs Lago, mais un seul. Le bossonisme enseigne le respect dû aux ancêtres, à la nature, aux créations et créatures de Dieu : l’eau, la végétation, les bêtes, etc. Le bossonisme est amour et tolérance. Il combat la sorcellerie, le mal, célèbre le bien. Ne sont-ce pas là, des valeurs universelles ? L’animisme négro africain accepte la diversité de cultes et de religions, et il n’a jamais débouché sur des guerres de religion dites « guerres saintes » ! Comme s’il y avait de la sainteté à faire la guerre ! Et vous avalez de tels concepts insensés. C’est grave !  


 Quand vous quitterez ce monde, que voudriez-vous qu’on retienne de vous ?


Un citoyen de son pays qui a toujours essayé de donner le meilleur de lui-même à la tâche. Un intellectuel qui a assumé son statut d’intellectuel en produisant des œuvres de l’esprit aussi bien dans les arts que dans la recherche universitaire. Un homme simple qui a mis l’amitié, la droiture, le partage et l’amour au-dessus de tout. Ca ne donne pas l’aisance matérielle et financière ; et parfois, je vous l’avoue, c’est dur, très dur même pour moi. Mais ça procure au moins la paix de la conscience, de l’esprit et du cœur. C’est l’essentiel. Le reste relève du destin et de l’optimisme.


 ETTY Macaire

Critique littéraire


 

 Interview publiée dans LE NOUVEAU COURRIER du vendredi 23 mars 2012

 



24/03/2012
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