RENCONTRE AVEC SYLVAIN KEAN ZOH
L’auteur ivoirien Sylvain Kean Zoh, depuis la publication de son premier roman La Voie de Ma Rue s’affirme comme le champion de la cause des enfants de la rue. Son deuxième roman s’inscrit dans la même veine. Nous avons rencontré le jeune écrivain qui a accepté de se découvrir.
Monsieur Kean zoh, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je me nomme Sylvain KEAN ZOH, je suis originaire de la région du Tonkpi (ex‑région des 18 montagnes). Ma ville natale est la commune de Zonneu, dans le département de Danané. J’ai 39 ans et suis père de trois enfants. J’ai étudié la psychologie, la communication, l’informatique, la théologie, l’histoire de l’église et la Bible. Au plan professionnel, j’ai été professeur d’informatique au lycée Sainte Marie de Cocody où j’ai également eu à charge l’encadrement de l’enseignement religieux des classes de quatrième pendant cinq ans. J’ai aussi été Sous-Directeur et Directeur du Centre catholique de formation spirituelle et humaine pour étudiants et jeunes professionnels. Aujourd’hui, je me consacre à l’écriture à plein temps.
Après votre premier roman La Voie de Ma Rue, vous avez publié un second Le Printemps de la Fleur Fanée. Quel commentaire sur ce titre extrêmement poétique ?
Le Printemps de la Fleur Fanée annonce un changement, une évolution, une avancée. D’une situation de misère et de souffrance, nous passons à une autre non seulement acceptable mais également meilleure. Un changement mélioratif dû à des conditions particulières tout comme la fleur ne fleurit que s’il la terre est bonne et la température favorable.
Ce second roman est à l’évidence la suite du premier. Pourquoi nécessairement une suite ?
Les lecteurs qui ont lu La Voie de Ma Rue ont dû s’apercevoir qu’il s’agit de l’histoire d’un enfant que rien ne prédestinait à la Rue mais qui finit par s’y retrouver. Dans ce témoignage poignant, le narrateur insiste sur ce qui l’a conduit à la Rue. Seulement, l’arrivée dans la Rue ne marque pas la fin de l’histoire du narrateur qui se battra pour se faire une place au soleil. C’est ce combat pour la survie qui est relaté dans Le Printemps de La Fleur Fanée. Il fallait que le lecteur sache que l’arrivée d’un enfant dans la Rue n’est pas une fatalité s’il bénéficie de soutiens vrais.
On est curieux de savoir les raisons qui vous ont poussé vers le thème des enfants de la rue. N’avez-vous pas vous-même vécu cette expérience ?
Cela vous surprendra, mais j’ai malheureusement fait l’expérience amère de la Rue. Ecrivez Rue avec un grand R parce qu’il s’agit d’un univers, d’un monde avec ses réalités, ses douleurs et ses peines. Réalités que je ne souhaite d’ailleurs à aucun enfant parce que déshumanisantes et difficilement supportables. Nous devons d’ailleurs jubiler chaque fois qu’un enfant est sorti de la Rue.
Madame Dominique Ouattara a préfacé La Voie de Ma Rue. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
Madame OUATTARA est un peu une mère pour moi. Elle l’est d’autant qu’elle s’investit beaucoup dans l’aide aux enfants de la Rue. Son combat est noble et j’ai voulu lui rendre hommage. A travers elle, je voudrais être reconnaissant à toutes les personnes qui à travers le monde s’investissent dans l’aide à l’enfance en difficulté.
Les deux romans sont-ils un succès commercial ?
(Rires) Il paraît qu’en Afrique, on n’écrit pas pour être riche. Ne parlons donc pas de succès commercial. Mais si vous avez besoin de chiffres, mon éditeur est mieux placé pour vous les donner.
Votre roman La Voie de Ma Rue a été intégré sur la liste officielle des œuvres au programme en français en classe de quatrième. N’est-ce pas un deal ?
Non pas du tout. Personnellement, je pense qu’il s’agit de la reconnaissance de la valeur de ce livre et du message qu’il véhicule. Par ailleurs, c’est toujours un plaisir pour un auteur de voir ses idées étudiées par des élèves dans son pays. Cela encourage à écrire et à s’appliquer dans ses écrits.
Il y a des écrivains plus talentueux que moi et vous le savez. Seulement, ce ne sont pas tous les thèmes qui intéressent le ministère de l’éducation nationale. Si vous écrivez des romans ou vous décrivez à souhait des scènes d’amour, votre livre n’intéressera pas le ministère de l’éducation nationale. C’est la même chose si vous incitez à la haine. Maintenant si en parlant de deal vous insinuez que mon livre a été choisi à cause de la préface de Madame Dominique OUATTARA, je vous répondrai que La Voie de Ma Rue est au programme scolaire depuis 2003, du temps du ministre Amani Michel
Pensez-vous que vos deux romans ont eu un impact positif sur le phénomène des enfants de la rue ?
C’est en tout cas, l’objectif visé. Maintenant, il est clair que deux petits livres ne peuvent pas à eux seuls, résoudre la question des enfants de la Rue. Ils y contribueront, mais il va falloir que le monde entier s’y investissent, des plus grands au plus petits, des gouvernants aux parents, en passant par la jeunesse et les éducateurs. C’est un devoir auquel nul ne doit se dérober puisque, comme on le dit en psychologie génétique, l’enfant est l’homme en miniature. C’est de lui que dépendra le monde de demain.
Vous êtes candidat pour les législatives dans votre région…des rumeurs ?
Ce ne doit plus être considéré comme une rumeur puisque mon dossier de candidature a été validé par la CEI. Après tout, il s’agit d’un très beau et exaltant challenge pour un ancien enfant de la Rue, n’est-ce pas ?
Le monde de la politique semble être aux antipodes du monde féerique de la littérature. Un écrivain a-t-il le talent nécessaire pour être un bon élu politique ?
Je ne serai, en tout cas, pas le premier écrivain à taper à la porte du monde de la politique. Dans tous les cas, le plus difficile, à mon sens, ne sera pas d’être un écrivain politique mais plutôt de rester écrivain bien que politique. En ce qui me concerne, la mission d’aiguiseur de conscience que je me suis assignée me guidera toujours. Mais je suis un être humain, donc capable de commettre des erreurs. Je voudrais donc compter sur vous pour des critiques constructives s’il m’arrivait de me dérober à cette mission.
Cet article a été publié par LE NOUVEAU COURRIER du vendredi 02 decembre 2011
Interview réalisée par
ETTY Macaire
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