POESIE / CARNET DE DOUTE DE JOSUE GUEBO : L’histoire douloureuse de l’Afrique revisitée.
Carnet de doute. Tel est le titre du recueil de poèmes de l’Ivoirien Josué Guébo, double Manuscrit d’or pour son poème" C’était hier "et sa nouvelle "Confidence d’une pièce de 25 francs"(Editions Vallesse 2007), paru en juin 2011 chez les Editions Panafrika. Ce texte poétique de 60 pages, au cours long, invite tout lecteur à revisiter l’histoire douloureuse de l’Afrique pour en faire une arme, un instrument de dénonciation, de lutte.
« Le café à Genève
L’homme se nomme Moumié
Tout homme est Félix
Plein la tempête véreuse
Le calice baisé à prix
De souffle »
Ce recueil au cours long se situe dans la ligne de la poésie de dénonciation, de la négritude et en conserve les traits les plus pertinents dans la structure formelle. En revanche, ce texte se démarque du mouvement. L’élargissement s’effectue surtout au niveau des prosodies et même de l’interprétation des événements. Pour ne pas tomber dans des clichés, des stéréotypes, Guébo supprime la propagande et va dans le sens d’une poétique extensive. Il ne s’agit plus d’une simple lamentation mais d’une expérience vécue, d’une intériorisation. C’est pourquoi sa parole retrouve un souffle neuf, recrée ou fait naître les mythes et les passions qui transposent les rêves et les réalités nouvelles traduisent les rapports nouveaux des hommes entre eux et expriment leur vision du monde.
« Il n’y a pas de doute
Accidentel
Rien
Qu’à propos
Où la ligne cicatricielle
Hausse le ton
Comme un sceptique ivre
(…)
La monnaie
D’un singe
Sautant
D’une branche à
L’autre du maquis épanoui »
Après s’être accoquiné avec l’Europe comprador, impérialiste, l’Afrique indépendante, il y a une cinquantaine d’années, doit revoir son rapport avec l’Occident. Pour le poète, la survie du continent noir en dépend. C’est pourquoi, il suggère de façon implicite un rapport d’équité, de justice entre l’Afrique et l’Europe, entre les pays en voie de développement et les pays industrialisés. C’est ici le lieu de souligner que l’actualité de par le monde s’est faite plus que jamais prestataire. Après lecture, l’on constate que Guébo crée une poésie où dominent l’émotion, l’obsession des images et le pouvoir de suggestion.
« D’un bout à l’autre
Du maquis de dune
Ni dal
Laden
(…)
A tous les vannés
De la bleue
Affalés aux sols
Par escouades de tirailleurs »
Le poète nous fait revisiter l’histoire douloureuse de l’Afrique : l’Afrique du commerce triangulaire, l’Afrique de la colonisation et l’Afrique des soleils de l’indépendance. A ce visage, se superposent les échos mal amortis de tout un contexte international tout aussi bousculé. Des résistants que d’autres nomment des rebelles ou terroristes comme Ben Laden, mais également les résistances armées épiques. Du coup, ce texte poétique au cours long ressemble à ces pleurs, à ces complaintes, à ces chansons populaires dont le thème est tragique de ses pleureuses traditionnelles qui invoquent la douleur pour exorcises leurs désirs.
« Si ce n’est de la mort
De Sankara
La parole grave maintient
(…)
Si ce n’est
De la mort de Samory
Livré
(…)
Sékou dit non
Touré crie niet »
En convoquant les figures historiques de l’Afrique, les héros de l’indépendance de l’Afrique, ce texte poétique bascule, culbute et cherche les voies les plus favorables pour permettre tout lecteur d’accéder enfin à l’illumination intérieure. Cette lueur, loin d’être malicieuse, est une lueur du souvenir, de prise de conscience historique pour quitter à grands pas l’encoignure des misères. D’où la déconstruction de toute idéologie de vénalité, de vassalité, de déloyauté et de prévarication. Cette morale, à la lecture de ce texte poétique au cours long, doit amener à l’Afrique nouvelle de s’approprier le devoir de l’horizon. Telle pourrait être le parti pris, la conviction, le sentiment du poète.
L’écriture de Josué Guébo, bien qu’elle se colore des scènes violentes de guerre, se reconstruit à travers des assemblages de mots mesurés et cadencés, est une sorte d’agencement d’images apparemment disparates qui se construisent comme des puzzle. En somme, le mérite de Guébo se situe non pas dans son engagement politique, mais la manière dont il structure ses métaphores, ses images et ses symboles.
Auguste Gnalehi
Journaliste, critique littéraire
augustegnalehi@hotmail.com
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