LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

PLACE DE LA POÉSIE CHEZ LES JEUNES ECRIVAINS IVOIRIENS

 

 

Dossier réalisé

par ETTY Macaire

 

Les enseignants ne cessent de se plaindre de ce que les jeunes Ivoiriens ne lisent pas.  Néanmoins il y a des genres littéraires qui ont plus de chance et de succès auprès de la minorité des jeunes lecteurs. Il s’agit du roman et de la nouvelle. Ces deux genres en effet sont plus ouverts et s’adaptent plus aisément à leur soif d’évasion. Tous les éditeurs et tous les libraires sont unanimes pour reconnaître que leurs chiffres d’affaires ne sont tributaires ni des œuvres théâtrales ni de la poésie.

 

La poésie notamment semble être le genre le moins lu, le moins prisé, le moins pratiqué. Elle semble être réservée à une « confrérie » d’initiés ou à un cercle hermétique de consommateurs. Les raisons d’une telle marginalisation sont connues. La poésie a toujours été un genre réservé à une élite. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire voire en Afrique, les « choses poétiques» ont pris une tournure encourageante. La pratique de la poésie n’est plus réservée aux maîtres et autres initiés. De plus en plus des jeunes s’ouvrent à la poésie.

 

Sur les réseaux sociaux, notamment facebook, ils sont nombreux les jeunes qui s’essaient à la poésie de façon plus ou moins réussie. Au lieu de « posts » grossiers ou de la publication d’images érotiques ou choquantes, ils publient des textes poétiques, les partagent et les soumettent aux commentaires de leurs « amis virtuels ». Certes la plupart des commentateurs ne vont pas au fond des choses, mais ils sont la preuve qu’il existe un public de consommateurs de poésie. La plupart de ces « faiseurs de poésie », certes, sont des novices ou des écrivains en herbe. Mais, de plus en plus, des poètes confirmés se manifestent aussi sur la toile. Ainsi, facebook est devenu par la force des choses une vitrine de talents et des poètes de demain. En Côte d’Ivoire, dans le sillage des poètes confirmés, nous notons une forte présence des jeunes loups qui ont pour nom Soilié Cheik Amidou, Cédric Marshal Kissy, Adokan Immac, Aimé Comoé, Huguette Kragbé, Holy Dolorès, N’Dri Kouadio Maxime etc. La plupart de ces jeunes plumes ont déjà une bibliographie d’au moins une œuvre. Si au niveau de la prose, il y a de quoi désespérer, pour la poésie, la relève est assurée. Pourquoi écrivent-ils ? Quelles sont leurs motivations ? Qui sont leurs modèles ? Nous donnons la parole à quelques jeunes poètes de chez nous !

 

 

LA PAROLE AUX JEUNES POETES IVOIRIENS


Aimé Comoé (poète)

 


L’écriture, avant tout, constitue pour moi une passion inextinguible ; elle fait partie intégrante de ma vie. Elle ne se courtise pas ! Elle est innée. A elle je suis lié comme le peintre à son pinceau. En règle générale, j’écris sous l’impulsion de l’instinct. Cependant, c’est en 2007 que ma plume prend véritablement son envol. Aux lettres intimes empreintes de romantisme que j’écrivais  à profusion, vont succéder des poèmes lyriques épousant la configuration de poèmes classiques. Je réalise à présent que la poésie est plus qu’un genre littéraire. C’est un état d’âme, un état d’esprit voire une philosophie. C’est immuablement la raison pour laquelle elle a le don d’exprimer avec dextérité et perspicacité nos sentiments les plus complexes par l’entremise de puissantes images dont elle seule a le secret. Par ailleurs, la poésie de par sa typographie, sa musicalité et ses rimes, est selon moi le seul genre littéraire proche de la sculpture, de la peinture et de la musique. A ce titre elle peut constituer un moyen d’expression d’un idéal rêvé. En d’autres termes elle nous permet de réaliser nos rêves qui ne peuvent s’accomplir dans le commun des mortels. L’illustre poète français Charles Baudelaire, qui constitue la clef de voûte de la poésie française et dont je fais mienne l’idéologie, est très explicite à cet égard. Ses nombreux poèmes qui hantent inlassablement les écoles et les universités, au de-là de la teneur leurs messages, sont incontestablement l’accomplissement des rêves de cet auguste auteur.    

                                                                                

Huguette Kragbe, (Lauréate d’un concours de poésie)

 


L'écriture pour me soulager, m'exprimer. La poésie, pour moi est une exaltation du quotidien, sans laquelle la vie serait bien morose! Des modèles non, je dirai plutôt écrivain repère. En Côte d'Ivoire il y'a plusieurs écrivains qui sont de véritables références pour moi, je veux citer: Regina YAOU, Fatou Kéita, Feux Bernard Zadi Zaourou et Jean Marie Adiaffi, Bernard Belin Dadié, Isaie Biton, Serge Grah..., Ailleurs: Hamadou Ampathé Ba, Aimé Césaire, Badr Ryadi,Marie N'Diaye,Albert Camus, Coelho...

 

N’Dri Kouadio Maxime, auteur de « L’envol du cœur »

 


Merci pour ses interrogations qui me vont droit au cœur, lesquelles interrogations me permettent de dire ce que je pense de la vie, de me découvrir moi-même en même temps que vous.

En effet, j’écris pour, tout d’abord, éduquer, marquer mon histoire, car un homme sans histoire est un perdu dans une brousse. Je voudrais apporter et rapporter les choses dans la vie des autres, en vue leur adoption, de leur amélioration. Etre la voix des sans voix telle est ma mission. Outre ceci, je pense que la poésie est un cri de cœur, plus ou moins chanté. On sait que la musique vient du cœur, donc la poésie est l’expression de la sensation là où se croisent sentiments et état d’âme. La profondeur de l’être exprimée.

Enfin, mon amour pour la poésie a grandi avec certains auteurs comme Senghor, Jean marie Adjaffi et Yapi Doffou Clément, qui berçait mes nuits dans l’Agnéby, ils sont nombreux mes idoles mais je m’en tiendrai à ceux là.

 

Cédric Marshall KISSY (le poète de l’espoir)

 


L’écriture pour moi est un chemin d’espoir. Chaque fois qu’il me vient de prendre la plume, c’est  un nouveau rêve de bâti. Un individu sans rêve est selon moi, un fleuve asséché. Rêver, c’est écrire des défis à relever. Et ma manière à moi de rêver, c’est d’écrire ! L’écriture est par ailleurs un moyen de communication. Entre les lignes de chaque texte, se tapit un message.

La poésie est mon genre littéraire préférentiel. Et même si je refuse de me cantonner dans ce seul registre, je ne saurais prétendre le contraire, car la poésie est pour moi, le genre par excellence de la dénonciation des tares. C’est à ce titre que ma jeune poésie est satire et espoir.

Mes modèles, en poésie, sont Josué Guébo qui a tout d’un père pour moi et quelque peu, Arthur Rimbaud.

 

Immac adokan kouadio (poète)

 


J’écris pour deux raisons fondamentales. La première, elle est de l’ordre de la logique : oui, étant gamin, j’avais le sentiment que j’étais  programmé pour  devenir un écrivain, et j’avais rêvé comme Icare (qui avait rêvé de fabriquer un jour un avion) que je serai un jour un écrivain. Oui, le fruit de mon rêve est vraiment réel et lucide. Oui, l’écriture et moi : c’est comme une longue  histoire d’amour.

 La deuxième, elle est de l’ordre thérapeutique. J ‘écris pour me guérir, pour me soigner de mes manques, de mes envies, de mes douleurs et, bien sûr, de mes colères. Des lors, j’appartiens à cette race  qui pense que créer seul ne suffit pas à faire un créateur. Le véritable créateur, le créateur authentique a l’obligation, le devoir d’être un danger, une  menace permanente et perpétuelle, non négociable et non manipulable,  pour toutes les formes de leurres, de frustrations, de mépris et, à l’égard  des définitions établies, des croyances, des pratiques héritées qui veulent endoctriner, prostituer la pensée, la pensée de la communauté. En conséquence, je me considère ,avant tout, comme un intellectuel et un philosophe qui doit crier-même parfois dans le désert-, se dire, provoquer, choquer , s’engager, analyser les problèmes de la société  et leur trouver  des solutions, parfois radicales,  afin que la société avance et ne périsse pas.

C’est pourquoi, la poésie est, pour moi, la forme par excellence, la forme la plus achevée de la subversion car, fait acte d’écriture poétique, c’est décider d’être libre, c’est décider  de dire avec des mots invisibles ce que les mots ([qui] ne sont que carcasses /simples calebasses /bouillonnant /de sens) veulent dire, pour parler comme le poète Josué Guèbo. Ainsi donc, le geste poétique est un geste de liberté et de libération ; c’est une parole essentiellement radicale qui refuse de se plier aux normes et aux règles de la langue. C ‘est donc une parole de rébellion au sens littéral du terme. Par ailleurs, j’entends souvent dire que « le Beau » qui est  fils unique de la poésie se résume essentiellement à la rime. Non, c’est du leurre ! La rime  n ‘est qu’un piler, un élément, un facteur caractéristique, parmi tant d’autres, de ce qu’on nomme « le Beau ». 

Pour terminer, je  dirai qu’en Côte d’ivoire, je me sens  plus proche de la poésie du poète Josué Guèbo, le président  de l’association des écrivains de cote d’ivoire (L’AECI). Quant à l’extérieur, je suis l’un des amoureux de la poésie du jeune poète haïtien,  James noël, qui est l’une des étoiles montantes de la poésie haïtienne et, partant, de la littérature haïtienne. (mail : immaclemessie@yahoo.fr)

 

publié dans LE NOUVEAU COURRIER du 10 octobre 2012

 



16/10/2012
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