LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

PASSION DE SOUTANE DE SERGE GRAH: QUAND L'AMOUR TRANSCENDE DOULEUR ET PASSION

 


 

Déroutant ! Ce récit polyphonique qui mêle réalisme, fiction et onirisme. Voici un livre dont on sort l’air effaré et pantelant. La plupart des critiques sont unanimes : le roman de Serge Grah, Passion de soutane, est une réussite littéraire. Bientôt en librairie.

 


Dans le bordel d’un mouroir, à la chambre n°399, Bernard et Lucy veillent leur père qui attend son heure, quant à Nicky, elle s’occupe de sa tante. Cette œuvre plonge tout lecteur dans l’univers hostile des hôpitaux. Un univers où les patients, devenus clients, ne retiennent guère l’attention des professionnels de santé. « Dans la salle d’attente, certains malades gémissent (…) Une femme manifestement à terme, est couchée à même le sol. Une autre est à bout de souffle. Assise sur un banc, elle a les yeux révulsés. (…) Un peu plus loin un enfant agonise….Tout à coup, un taxi achève sa folle course devant l’entrée des urgences. Il transporte un vieillard…Un infirmier s’approche et lance à l’attente de la femme (qui l’accompagne) : retournez avec votre malade… La négociation est âpre. La pauvre dame n’a que 15000 francs là où l’infirmier lui exige 20000 f… La dame est encore en train de marchander quand le vieillard rend l’âme. ». Comme on le constate, cet univers, où l’on soigne les malades, est devenu un mouroir.

Du coup l’avertissement selon lequel, ce récit est une pure fiction et que les noms, les personnages, les lieux et les incidents évoqués sont le produit de l’imagination de l’auteur est une pure distraction. En fait l’auteur veut utiliser la définition originelle du roman pour abuser le lecteur. Car ce récit se donne comme la réalité d’un délire subaigu qui rappelle le rêve où le lecteur croise des figures allégoriques.

Telle une tapisserie, ce texte est une soie de représentations d’images enfouies, refoulées et alternées dans une fiction postérieure au mémoire d’un prêtre iconoclaste. « Je me rappelais aussi le scandale du détournement des 60.000.000 de francs des comptes des prêtres expatriés du diocèse. Je crus que ce pompage était normal, et qu’il relevait du droit seigneurial de l’Evêque… ». Voici donc un prêtre nourri à la fois des valeurs du christianisme et des cultures africaines qui veut sauver les âmes en perdition. Hélas ! « A l’ordination de l’abbé Quentin, alors que j’avançais vers un cercle des prêtres Monseigneur Dogo dit : Voilà un prêtre à réduire à l’état laïc… ». Il aura donc tout raté : son idéal, ses aspirations, sa passion. Même si après lecture, son mémoire dénote l’ambiguïté dans la prise en main de sa propre conscience historique, il met à nu les tares de l’Eglise, une Eglise souffrante ; en porte témoignage cet extrait : « Je voudrais présenter mes excuses à mes autorités pour avoir ri devant leurs menaces et à Dieu que je n’ai pas voulu prier rituellement de peur qu’au cours d’une célébration liturgique l’Archevêque accompagné de l’abbé Jean de Dieu ne viennent me déshabiller devant tout le monde pour se rassurer que je suis plus prêtre. »

Des silhouettes se bousculent dans un désordre fiévreux, tourmenté, des visages apparaissent, des voix résonnent. Les personnages se meuvent comme sur un écran fuligineux .Ces flux d’images et de sons s’articulent selon des motifs inattendus sur la tapisserie du roman. .

Ce texte est une plongée atemporelle dans le fonds et le tréfonds de l’Homme. On se retrouve obligé de se regarder soi. C’est d’ailleurs, dans une dialectique de miroir brisé que le roman dérangeant et fascinant de Serge Grah interroge le mal religieux, le mal de la religiosité, le mal idéologique et le mal de la sociabilité.

Malgré ce tableau sombre, Passion de Soutane, c’est aussi l’histoire d’amour de Bernard et de Nicky. Voici le fil de trame de ce roman : l’amour. Un amour qui transcende toutes les vicissitudes de la vie. Un amour qui transcende douleur et angoisse. « Nicky et moi, nos liens se sont noués petit à petit, chaque jour en peu plus (…) Je me donnerai corps et âme pour lui appartenir (…) J’imagine ce que serait l’intensité de ce corps à corps, la volupté avec laquelle elle éveillerait mes sens, et laisserait nos désirs porter en écho mon ultime cri (…). La présence de Nicky est une illumination intérieure. ».

Nos deux tourtereaux, plus légers, s’évadent d’eux-mêmes. Sans prendre le temps de respirer, le narrateur s’attache au détail et au mot pour le dire qui crée le réel. « Un morceau de Kita bien noué à sa taille, et un autre, plié en bandeau, lui cache les seins. Ses cheveux, son cou, ses bras et ses doigts sont parés de bijoux en or. Elle se déhanche telle une princesse…C’est assurément l’instant le plus fort de ma vie. Nicky est vraiment la femme de ma vie. L’amour qui m’a sauvé du naufrage »

L’époustouflante réussite de Passion de Soutane se trouve dans la conduite d’un récit sombre, un récit fait de mort, de cruauté, d’horreur et d’amour. Tout est dit en creux. Scènes de genre, lueur, éclair, clarté, fredaine, présence de l’Histoire et de la mort oscillent comme un pendule, un épouvantail. L’écriture est nerveuse. Elle est comprimée dans des expressions à la fois allègres et vivaces.

De livre en livre, Serge Grah affirme sa singularité et la délectation d’une écriture ensorcelante qui plonge le lecteur dans un univers ni réel, ni onirique et ni fictionnel

Auguste Gnalehi
Journaliste, Critique littéraire
augustegnalehi@hotmail.com



03/11/2011
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