Littérature et réconciliation
L’histoire de la littérature est jalonnée de débats d’école sur son rôle. Ici, citoyen du monde, avec enthousiasme, nous souhaiterions lui attribuer une humaniste mission sociopolitique : celle de “ré-unir“ les Ivoiriens dont la patrie a subi des coups de semonce de toutes parts.
Les Ivoiriens, dans le chambardement de violente césure qu’ils ont connue, ont littéralement perdu plus d’une décennie à guerroyer bec et ongles. Asphyxiée sous les décombres de la politique politicienne, des pages littéraires d’exorcisme à relent cathartique pourraient aider à recentrer les choses et à mettre en relief l’essentiel : la nation.
Et nous estimons que les écrivains, ivoiriens ou pas, devraient s’investir à fond sur les sentiers de cette quête au fond des cœurs, du fond du cœur. A travers des œuvres, ces hommes de culture ont le devoir de ressouder les débris des âmes en peine qui se regardent en chiens de faïence. Ainsi, poètes, prosateurs, dramaturges et autres, selon le poids de leur plume ont déjà commencé à couler l’encre dans le béton du vivre-ensemble psalmodié pour l’instant du bout des lèvres.
Dans leurs ouvrages, Nangala, ETTY Macaire, Manchini DEFELA, Emmanuel Y.N’GORAN et autres Soilé Cheick AMIDOU se sont d’ores et déjà mis en mission sans tambour, ni cor, ni caméra pour exhumer l’amour fraternel séculaire que nous avions assassiné sur l’autel de la démagogie des politiciens. Ces aèdes n’ont pas attendu le banquet des barytons pour semer les graines de demain. Les politiques gagneraient à s’appuyer sur tant de ressources humaines volontaires pour nettoyer les traces dont est gorgée la terre de nos pères afin que la réconciliation scintille et annonce les bourgeons prometteurs de l’entente, gage de développement.
La situation fragile du pays exige de changer de fusil d’épaule et d’appréhender les choses autrement mais en profondeur. Les germes de cette fragilité sont tellement visibles que le pays qui est déjà engoncé dans les abysses de l’immonde division s’en trouverait davantage anéanti.
Aux écrivains, l’on pourrait dire « Écrivez sur ce que l’inspiration, votre conscience et statut de leader vous dicteront dans le creux de l’oreille! ». Il n’est point question de ressasser et fixer l’histoire acide vécue par la Côte d’Ivoire en faisant le deuil de l’art. Tel n’est pas la feuille de route du littéraire. Le romancier, le dramaturge et le poète ne sont ni journalistes, ni historiens. Laissons les héritiers de Lacouture et Ki-Zerbo dresser scientifiquement les pans entiers de cette tragédie à l’ivoirienne.
L’écrivain, comme une boussole, devra orienter le peuple vers ce qui est mieux pour lui et qui ne sera jamais le fruit d’un décret injonctif qui sort des salons feutrés d’un quelconque palais. Le peuple a besoin de se retrouver autour de ce qui l’unit et l’unifie. Il va s’en dire son intérêt réside dans les retrouvailles des frères et sœurs sans distinction.
Là où les princes du monde ne feraient rien, préférant humer les senteurs fétides des charognes des frères et sœurs ensevelis sauvagement et qui envahissent leurs larges narines ouvertes telles des turbines alors que les mandarins n’entreprennent rien pour que les morts reposent en paix, occupés qu’ils sont à festoyer et chaparder, l’écrivain doit prendre position clairement et se ranger du côté de l’intérêt du peuple matérialisé ici par les frères et sœurs. Il se doit de cultiver l’amour pour rassembler effectivement.
L’intérêt du peuple, son désir de vivre en paix et en sécurité entre frères et sœurs est un projet enchanteur qui nous fait miroiter les délices du « mit sein » phénoménologique sur lequel Martin Heidegger a longuement cogité. Dans une contrée qui s’est laissé balafrer par les miasmes morbides d’une guerre fratricide, la noblesse et l’âpreté de la réconciliation interdisent le répit aux écrivains épris de patriotisme et/ou d’humanisme. Un défi, une ambitieuse gageure. Engageons-nous, le peuple nous observe!
Soilé Cheick Amidou
Enseignant de Lettres, écrivain-poète
source: 100pour100culture.com
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