LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

Les forfaits littéraires

 

L’année qui vient de s’éteindre a été très féconde en production littéraire.  Le mois de juillet a battu tous les records en cérémonies de dédicace. De jeunes plumes ont été émues de se retrouver désormais dans le cercle restreint des écrivains nationaux.

 

 

 

L’émergence de nouvelles maisons d’édition est à l’origine de cette ébullition. Elle a permis à de jeunes auteurs, recalés ailleurs, de voir leurs œuvres publiées. Inattendûment. Miraculeusement.  Les librairies ont été envahies de toutes sortes de productions littéraires. De nouveaux noms d’auteurs sont apparus dans l’univers au point de ne pas pouvoir les retenir A priori, ce dynamisme est à saluer. D’aucuns ont parlé – hâtivement - du « printemps du livre ivoirien ». Du point de vue quantitatif donc, la production littéraire ivoirienne  a fait de prodigieux bonds.

 

Malheureusement, et le plus souvent, la quantité ne fait pas bon ménage avec la qualité. Si la quantité signifie ouverture, démocratisation. Elle signifie aussi levée des règles, manque de rigueur, complaisance et copinage. Des manuscrits aux qualités littéraires approximatives, des manuscrits borgnes, des manuscrits boiteux, des manuscrits bégayants ont été publiés…à la pelle. Le printemps des écrivassiers et des écrivaillons, pourrait-on dire !


Au niveau de la qualité littéraire de ces œuvres, il y a des mots verts à placer. La plupart des livres que nous avons eu l’occasion de lire, tout au long de l’année écoulée, sont à verser dans le panier de la paralittérature. Certains de ces bouquins sont loin d’être des œuvres littéraires. Aucune imagination, aucun sens de l’affabulation. Intrigue sans inspiration, intrigue insipide, simpliste voire simplette. Style ennuyeux. Utilisation médiocre de la langue. Des fautes de grammaire et d’orthographe à flot. Un véritable « fatwa » contre la langue de Molière ! Un supplice pour les authentiques hommes de lettres !


L’intrigue, généralement, tourne autour des histoires d’amour. Un homme et une jeune fille qui s’aiment, voient leur idylle menacée par un obstacle. Mais au bout du parcours, ils se retrouvent et scellent l’union. Un happy end écœurant ! Le souci n’est pas de faire passer un message ou de proposer une nouvelle vision littéraire encore moins de marquer une rupture révolutionnaire avec les classiques. Il faut le dire tout net : la production littéraire ivoirienne de ces derniers mois est médiocre, fade et furieusement prosaïque.

 

Les maisons d’édition doivent comprendre qu’une œuvre littéraire reflète l’image d’un pays. Il ne faut pas que la célébration de la médiocrité observée dans le champ politique et musical, se répercute sur le champ de la création littéraire. S’il y a un genre qui pour le moment « ne baisse pas la garde », c’est le genre poétique. Les « jeunes pousses », dans le domaine, s’efforcent d’honorer Zadi, Dadié et autres Nokan. Il y a des pépites parmi les ouvrages poétiques publiés par les jeunes ivoiriens.


La prose quant à elle bégaie. A qui la faute ? A la fois à l’éditeur et au lecteur. L’éditeur, qui n’est pas un philanthrope, veut vendre vite et beaucoup. Le lecteur, lui, veut lire « petit et facile » ; il veut lire des romans à l’eau de rose, des « harlequins » tropicaux, servis à la sauce ivoirienne.

Face à la réalité du terrain, l’auteur descend de sa tour pour se fondre dans la multitude des médiocres. Il adapte son œuvre à l’attente générale. Il se pervertit, il se désacralise. Et enfin de compte, il nous sert de petits textes appelés hâtivement « romans » ou « nouvelles »…des forfaits paginés, en réalité.


Etty Macaire

 

in LE NOUVEAU COURRIER du 08 février 2013, Abidjan

 

 



08/02/2013
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