LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

Les écrivains ivoiriens : des hommes de culture ??? Mon œil !!!

Ah ces gens-là ! A première vue d’œil, ils donnent l’air de raffinés pontifes de la culture… ou de la littérature. Ils sont l’église pour les mots et la mosquée pour la plume. Pensent-ils ! Ils ont l’orgueil du balai et sont oints de la nègrerie. Oh que oui ! S’ils écoutent et se rangent, la littérature ivoirienne achèvera ses jours dans le bonheur, ses années dans la joie. S’ils n’écoutent pas, ils la feront expirer dans leur aveuglement. Sans nul doute.

 



L’association des écrivains de Côte d’Ivoire est juste un champ d’herbes où les uns viennent pondre des gueusailles sans lendemain, où les autres viennent siroter des mixtions excisées sans printemps, où des têtes de liste s’estimant supérieurs cherchent à se faire valoir par des outrances ridicules et des farauds infatués.

C’est bien sûr une vérité hérétique, à chasser précipitamment. Une vérité dégradante, presque obscène. Mais, peut-on vraiment se taire ? 28 ans que cette forêt de poseurs existe. Bilan ? C’est comme le nain dans un grand boubou ! En effet, en plus de la non-implication des auteurs, c’est une activité de seizième zone dans le pays. Et ce, malgré la grande érudition des écrivains, et la qualité indéniable de la production. L’un des anciens présidents s’est lui, contenté de crier à l’exclusion et à servir de la « limonade de bois » aux écrivains. Ses programmes posthumes, ses petites histoires tordues, l’anonymat des écrivains et même de l’association, que n’avons-nous pas vus ?

L’actuel lui, même s’il est moins dormeur, moins pleureur, s’atèle pratiquement tout seul à recoller les brèches avec un bureau moribond, inconnu de la majorité des écrivains, qui ne se soucie même pas de l’épauler. Intrigue ? Ben, où il y a littérature, la brigue et l’intrigue reposent toujours sur le chevet du lit… Parce que dans cette association, il y a les grands et les petits. Quand par pur extraordinaire 7 ou 10 se retrouvent, les grands sont grands, donc se frottent aux grands. Les petits se contentent de parler de leurs nombrils. Qu’ont-ils d’autre à faire ?

Pourtant cette affiliation, comme dans tous les pays, est une ligue pour jubiler au son des trompettes de la littérature où grands et petits se frottent historiquement, où la littérature parle à haute voix, où les égos meurent, où la famille coule comme une eau paisible, où l’absence de l’un précipite la tristesse, où l’amour, l’entraide, font gronder le tonnerre.     

La solidarité ? Cette solidarité ! Ce mot n’existe pas dans leur dictionnaire. Eux qui sont censés être des modèles pour la société s’annoncent plutôt comme des maux pour elle. 45 dédicaces en moyenne par mois, soient 31 auteurs. D’abord l’information est moins visible qu’un atome. Ensuite, ça n’intéresse aucun auteur d’aller soutenir, d’acheter le livre de son confrère. Miel mortel ? La présence derrière un stand n’est-elle pas l’occasion, pour un auteur, de rencontrer sa famille (celle des écrivains bien entendu), de mesurer également sa popularité, sa visibilité ? Ou peut-être simplement sa notoriété ? Ou encore plus simplement la capacité d’attraction de sa plume ? Ou celle de la couverture de son livre ? Et comment mesurer la chose ?

En signant des livres, en écrivant des dédicaces. Et surtout en étant entouré de tous ses confrères ou presque. C’est justement là que commence normalement la joie de l’écrivain « exposé » Car une dédicace de livre est d’abord une exposition de livres et d’écrivains. Chez les écrivains ivoiriens, c’est malheureusement – totalement – le contraire. Le jour de la dédicace d’un confrère, les uns dorment sous le bruit de la lenteur de leur esprit, d’autres s’achètent royalement la suffisance et l’inculture (ceux-là n’achètent et ne lisent jamais les ouvrages des autres mais trouvent toujours le malin plaisir d’accuser la population de ne pas lire), certains ont pour priorité de ne même pas y penser. L’auteur, alors, est seul devant le stand, orphelin devant son livre, désœuvré tel un aventurier sur une dune du désert. Imaginez la détresse de l’homme - objet exposé comme un nard boursouflé derrière la pile de livres ; c’est comme le pilori, en un peu plus vexant. Parce qu’un auteur seul se sent publiquement rejeté, mal-aimé. Surtout qu’il est pauvre, abandonné par la maison d’édition, ligoté dans un coin par la librairie pour faire du chiffre (qui, elle au moins, lui offre une bouteille d’eau minérale, par pure humanisme c’est sûr !), il n’achète rien, et se contente d’écrire dans un petit cahier, en souriant quelque part dans un coin du visage, pour montrer à l’ombre des passants qu’il est écrivain, est très content de son travail. Et au fond de ses racines, il espère voir s’arrêter quelques visiteurs qui lui demanderont, fascinés : « Vous écrivez votre prochain ouvrage ? » L’esseulé ! C’est toute sa vocation qui se trouve remise en question, ridiculisée. Et les raisons que donne parfois la majorité des écrivains sont simplement d’une aberration monumentale : « C’est un inconnu total, absolu.

Un obscur écrivain auprès duquel on ne se presse pas… C’est le professeur de français du lycée, le chroniqueur d’une rubrique, ou l’historien-géographe, qui publie une fois par an un recueil d’anecdotes sur chaque bourgade du canton… » Ces « voisins » abrutis ! Ah, comme on aimerait rigoler dans les dédicaces d’auteur, ou la star du jour et ses confrères accueillent d’un sourire cavalier les dizaines de lecteurs qui se bousculent devant le stand, et s’affalent sur la pile de livres ! Oh que oui ! Mais ici, c’est un océan de ruines condamné à une longue et solide vie ! Et si on donnait juste l’exemple pour être heureux, goûter aux fruits des autres, manger les tétines des nuages, faire l’amour aux livres, activer les lumières de la littérature… Et si on se tenait la main pour être plus fort… Et si…

 

Manchini Defela


in Le Nouveau Courrier du 29 mars 2013

 



01/04/2013
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