LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

Coup de gueule / l’alarme de la stigmatisation

Midi est passé à notre montre, et pourtant rien n’a changé chez nous. Même le maigre regard que nous demandons ne vient pas.

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A la fois le bois dormant et la peste dorée que personne ne veut entendre, voué à la vindicte générale, traité d’ « écrivain raté » ou de « poète lamentable », souvent mal payé, aigri et masochiste, souvent héroïque car restant chez soi à lire même des chiffons, la grande fatigue de l’existence n’est peut-être en somme que ce mal écarlate que se donne le critique littéraire.

Et pourtant… De jour comme de nuit, le combat est le même : donner de la lumière aux livres même quand cette lumière est une lampe tempête, donner vie aux auteurs même quand cette vie leur semble un froissement de leur image, donner voix à tous les livres même quand cet avis est pris comme une insulte. Hélas ! Notre monde est ainsi fait. Nous le savions avant de nous engouffrer dans cette aventure tumultueuse. Mais nous l’avions tous faits, non par fortune, mais par amour pour ce que nous aimons le plus dans notre vie : l’écriture, ou par extension la littérature. Doit-on pour autant nous garder orphelins ?

Ici en Côte d’Ivoire – parlons-en - nous sommes moins journalistes que colporteurs de mauvais augures, nous sommes moins bienfaiteurs que lanternes de diableries, nous sommes moins créateurs que destructeurs. Et pourtant le travail abattu peut solidifier le magma. Il faut seulement visiter les journaux pour s’en ébahir. Nous travaillons à noircir le ciel et le monde du Livre reste muet. Même pas la moindre récompense, même pas le moindre remerciement. Ni la tutelle nord (ministère de la communication), ni la tutelle centre (ministère de la culture) ne frottent un seul jour la barbe et lâchent secrètement « Ah, quel boulot ! » A peine si nous savons à quelle tutelle nous appartenons. Et pour faire lever la pâte de levain, l’une jette notre sort sur l’autre. Et les prix lancés, il ne fait nulle part mention d’un trophée de quartier aux critiques. « De toute façon, ce sont des critiques, rien d’autre ! » lâchent même certains confrères dans le tourment d’une gorgée de ces liqueurs frelatées.

Cela durera encore combien de temps ? Regardez combien ont jeté la plume tant l’ingratitude fait trembler notre terre ! Regardez le nombre réduit de critiques aujourd’hui ! Faut-il que nous travaillions toujours par amour ? Chères tutelles, y-a-il vraiment un seul travail qu’on fait par amour, seulement par amour, le sourire grand comme la forêt, même quand ceux pour qui vous vous battez vous enterrent dans une marre d’oubli ?

Nous ne sommes pas dupes. Nous sommes bien les enfants du centre car notre combat concerne le Livre. Alors monsieur le ministre, même quand nous savons votre emploi du temps surbooké, pensez à signer la lettre de création de notre association de critiques littéraires ivoiriens, pensez à nous dire « merci », même avec des poignées de main silencieuses, nous ne vous en remercierons jamais assez. Et nous vous citerons dans nos rêves, vous deviendrez le héros de nos cauchemars, et nous nous exclamerons : « Enfin ! »

 

Manchini Defela

Journaliste - critique littéraire          

 



13/04/2014
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