LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

Les 2 noms de la vie : un cocktail aux jambes de gazelle.

 

Inza Bamba ! Ce nom, je l’avoue, je ne le connaissais pas. Il ne me disait rien. Puis quand j’ai reçu « Les 2 noms de la vie », j’ai été marqué par le titre révélateur et évocateur du roman. 182 extraordinaires pages ; bien structurées, bien aménagées et séduisantes par l’humeur contagieuse des verbes utilisés.

 

 

 

Cet enseignant en lettres modernes épate par son récit d’aube et de lumière qui loge questionnements, stratégie et intelligence. La Vie, l’Humanité, l’Amour : ce sont les maîtres mots qui résument ce cocktail aux jambes de gazelle. Cette vie n’a apporté à l’adolescence de la belle Sandrine que de la douleur et du ressentiment. D’abord par sa naissance qui avait tout d’une erreur, la pauvre a porté « chaque jour les affres d’une vie de chien » N’ayant jamais connu son père, Sandrine s’est accrochée à une mère portant en elle un péché viscéral : prostitution de luxe. Dominique, la belle au bois dormant, tomba gravement malade. Comme la vie a des corrections effarantes !  La petite Sandrine, qui était à son septième anniversaire, sera recueillie par sa grand-mère pour échapper à cette vie de vermine et enfin aller à l’école. Sandrine en conservera malgré tout une séquelle profonde. Face aux graves ennuis de santé de sa perverse de fille, Mémé fit venir Dominique qui s’installa définitivement chez eux. Devenue une loque, rien qu’un soupçon, « un soir enfin, ce fut la fin. » Dominique est morte ! Et quelques années seulement après, ce fut le tour de la vieille. Sandrine faisait la classe de CE1. Elle sera très vite adoptée par le couple Fanébo. Maurice Fanébo fut en effet son instituteur. Il deviendra plus tard un préfet de grande renommée. Elle est faite alors l’aînée de trois enfants. Ah ! La vie court malgré tout. N’est-ce pas que « tout se fait et se défait par une manie sournoise du temps qui unit, en noces suprêmes, chacun avec sa destinée. » Alexis Davos, l’ami de la fac de droit devenu lieutenant, restera un soutien indéfectible pour la belle Sandrine. C’est Alexis qui apprendra les closes de l’amour à sa jeune amie à qui il dévoue plus que de l’estime. Car Sandrine est amoureuse de Michel Kadio, le play-boy qui l’avait séduite quand elle préparait son bac. Et comme la vie ruse avec les hommes, Michel devient imprudemment son prof de technique de vente, remplaçant ainsi la dame qui assurait ce cours, parce qu’en congé de couches. Cependant, l’amour étant ce solide compagnon qui attend que vous tourniez le dos pour asséner un coup mortel, Michel et Sandrine vont lentement se mettre ensemble sous le regard vigilant de l’ange Alexis. Bonheur se mettra à les aimer. Que les voies du Seigneur sont impénétrables ! Pourtant, un coup d’Etat sanglant viendra bouleverser la quiétude des populations. « Un jour, l’armée, notre armée d’hommes intègres et vaillants » a pris la ville et s’est adonnée à une parade insolite. « Elle exigeait, armes au poing, une amélioration de ses conditions de vie et de travail » et une gamme de revendications à l’honneur du peuple muet. Le malaise était total. Le pire, c’est qu’Odile, la petite sœur de Sandrine, partit pour ses études à Londres, avait viré dans la rébellion, devenue membre de la cellule de communication. Ce grand choc pourtant prédit par madame Fanébo devenue sitôt servante de Dieu et ayant élu finalement domicile à l’église, avait déstabilisé toute la famille Fanébo. Mais que pouvait-on ? C’était la guerre ! Il était impérieux pour chacun de choisir un camp, être actif ou passif, peu importe. Il ne fallait pas en vouloir à Odile. Dans tous les cas, elle avait grandit et savait ce qu’elle faisait. La famille Fanébo s’y habitua et vécut avec. « Qui sait dans tous les cas ce que la vie réserve à chacun de nous ? Qui est donc nyctalope pour lire entre les ténèbres de l’avenir ? »  C’est finalement Sandrine, pendant les vacances de son père, qui trébuchera sur un cercueil. Elle fut la cible des assaillants, leur avait dit Roger, un collègue d’Alexis. Roger, ce policier jamais en uniforme était l’homme de main de la présidence. Il était aux renseignements généraux et travaillait dans le strict secret. Il sera lui aussi amputé du pied gauche pour avoir reçu deux balles pendant la tentative d’assassinat de la belle et généreuse Sandrine qui se réveillera des semaines plus tard d’un long coma. Son regard brassera les yeux pleins d’espoir de la sublime et ravissante Matta, l’amie fidèle et l’ex colocataire de sa feue mère. Matta annonça plus tard sa séropositivité et son combat pour faire accepter enfin les séropositifs et les malades du sida : il faut arriver à « parler du sida comme du chat de nos maisons » Il est vrai que dans nos sociétés, il est difficile de faire admettre que ces parias-là, ces séropositifs-là sont tout de même des gens normaux. La société les a toujours considérés comme la honte de la race. Hélas, et c’est bien malheureux. « Il y a par ailleurs que chez nous, l’on ne parle pas de sexe au grand jour : cela porte malheur. Comment parler cependant du sida sans évoquer le sexe sous son jour le plus abject ? » La société s’est donc murée un silence total. Puis vient la peur. Il faut voir les images des malades ! Sandrine et Michel ont vite intégré « l’armée de la survie », une structure créée par Matta pour rompre le silence et susciter une culture de la prévention dynamique. Matta et son armée avaient réussi à rencontrer le président de la République ; ce qui a leur a permis de tordre le cou aux phraseurs débiles, à l’injustice et à la méchanceté. Car le sida est une vraie réponse à ceux qui se demandent aujourd’hui s’il existe encore un peu d’humanité en ce monde. Comprenez-le et ayez toujours cette conviction : on ne renie pas son frère parce qu’il est différent. Puisque, quand nous ne sommes pas infectés, nous sommes forcément affectés.

Entre autre, Alexis trouvera le nirvana auprès d’une prostituée de luxe qui a définitivement pris congé de la débauche. Son nom : Tania, belle comme une pomme à genoux, amie de Matta et militante active de son armée. Roger et Alix, l’ex petite amie d’Alexis vont se fiancer et connaître le bonheur comme deux faons à Dubaï. Quant à Sandrine et Michel, le temps nous le dira…

Ce livre a deux forces : son vocabulaire riche et cette moralité derrière chaque ligne du texte. Les leçons d’amour, le petit geste d’humanité que le faible demande au plus fort, le petit sourire que la vie nous force à laisser même quand on est frappé par une foudre terrible, le choix ce maître des rayons d’espérance, le mal qui entre dans nos cœurs et vaporise à grands flux la mine de vertus qui sommeille en nous, l’humilité ce grand et perpétuel combat… tant de choses à nous garder en haleine et nous faire jubiler dans le paradis de la littérature. Cher Inza Bamba, félicitation ! « Si par extraordinaire, l’histoire de Sandrine échoit entre vos mains, prenez-y votre part, lecteurs ! »          

 

Manchini Defela      

 

in Le Nouveau Courrier d'Abidjan du 08 février 2013



08/02/2013
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