« Le voyage du retour ? » de Atchoumou Koné Vincent : Un appel au pardon et à la tolérance
Encore un livre sur la crise militaro-politique ivoirienne, pourrait-on s’écrier après avoir parcouru les premières pages. Mais la littérature ivoirienne pouvait-elle ne pas évoquer cette « parenthèse de sang » ? L’écrivain peut-il ne pas écrire sur cet épisode rouge qui continue de s’étirer dans le temps ?
Atchoumou Koné Vincent, après d’autres écrivains, a décidé d’arpenter le chemin, avec tous les risques que cela comporte du point de vue esthétique : comment éviter le piège de servir du déjà vu, entendu et lu ? Tel est le piège !
Kitienfolo, tel est le nom du personnage principal. Après avoir été témoin de l’assassinat horrible de ses géniteurs, le voilà jeté sur la route de l’incertitude et de la solitude. Recueilli par sa tante, il s’efforce de retrouver son équilibre. Il reprend la route de l’école, entre à l’université puis à l’Ecole de la Gendarmerie. Militaire, le voilà occupant le poste de colonel de l’armée. Mais au fond de son cœur, grossissent effroyablement amertume et rancœur. Il est déterminé à se venger en se faisant loup. Le nom qu’il porte « Kétienfolo » qui renvoie à « sagesse et connaissance » n’a –t-il donc aucune signification pour lui ? Au moment de la chute du livre, un débat sur la problématique de la vengeance s’engage entre sa tante et lui. Son interlocutrice dans une démonstration empreinte de sagesse l’exhorte à pardonner. La réponse de Kitien est celle-ci : « Tante, j’en suis sûr, je vais réfléchir, je t’en fais la promesse ». Va-t-il suivre la voix de sa bienfaitrice ?
Dans un pays déchiré par la guerre, la vengeance est-elle la voie du salut des victimes ? Le pardon a-t-il le pouvoir de mettre fin à la folie des hommes ? A-t-on le droit de laisser en vie les éventreurs, les égorgeurs et autres criminels de la guerre ? A travers le personnage de la Tante, l’auteur invite le lecteur à pousser davantage la réflexion afin que les démons de la guerre soient vaincus une fois pour toutes. Ce personnage féminin semble être parmi tous les autres personnages celui qui porte la voix de l’auteur. Les paroles qu’elle laisse échapper parlent au cœur : « Ecoute, laisse les différents pouvoirs exercer pleinement leurs responsabilités afin que ton Etat ne tombe plus dans la dérive. N’écoute pas tes désirs…Dans la mission que le peuple t’a confiée, sois attentif aux appels, aux cris de tous ordres ! Mais évite de décider inutilement de la vie des autres » (p 77) ; « …Toi qui es sensé avoir toute la connaissance, y a-t-il vraiment une raison fondamentale, une seule qui existe à ce qu’une personne décide volontairement de la vie ou de la mort de l’autre, de son prochain ? »(P79)
Du point de vue de l’écriture, le début du livre d’Atchoumou K. Vincent tranche avec la suite. L’incipit est mené avec adresse. Mais page après page, le livre sombre dans la monotonie. Les belles images du début disparaissent. Le récit, il faut l’avouer est rythmiquement fade. Au niveau de l’exploitation du thème de la crise politico-militaire, le narrateur se contente de nous narrer la vie d’une victime de guerre parmi tant d’autres. Là est le piège lorsque l’œuvre littéraire a pour trame un événement comme la crise ivoirienne. Le talent consiste à pouvoir s’en inspirer sans tomber dans le calque ; le talent c’est pouvoir mettre en valeur ce qui échappe au commun des mortels. Ecrire une œuvre littéraire ne se résume pas à raconter une histoire. Ou à narrer des faits que tout le monde connait plus ou moins déjà. La littérature n’est ni de l’histoire ni du journalisme. Elle est avant tout affabulation et stylisation.
Du point de vue esthétique, « Le Voyage du retour », bien que nourri par l’intention de l’auteur d’amener le lecteur à faire triompher la tolérance et le pardon, nous a laissé sur notre faim.
Etty Macaire
Le voyage du Retour ? Les éditions balafons, Abidjan, 2012, 80 pages
in Le Nouveau Courrier du 1er février 2013
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