LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE VOILE DE « DOUX LEURRE » D’HELENE LOBE : UNE TENTATIVE DE LIBERATION DE LA FEMME DU JOUG CONJUGAL

 Cercle Editions vient d’investir une fois encore les rayons des librairies avec une nouvelle production : Le voile de « doux leurre ». L’auteure, Hélène Lobé, n’a pas failli à la tradition littéraire féminine qui veut que toutes les femmes qui s’intéressent à l’écriture commencent toujours par un thème en rapport avec le foyer conjugal ou l’amour. L’histoire qu’elle nous propose est ce qu’il y a de plus commune. Melody, jeune femme ivoirienne après un parcours universitaire exemplaire exerce dans un hôpital comme pédiatre avec pour spécialité la chirurgie. Malgré sa grande beauté et sa réussite professionnelle son mariage avec San Kodjo est un enfer. Insensible et distant, ce dernier, un homme d’affaire prospère d’origine ghanéenne, n’arrive pas à faire d’elle une femme heureuse et ce, en lui privant d’affection et de la possibilité d’être mère. En dehors de son prénom qui la prédestine à l’amour et à l’émotion, la jeune dame est condamnée à supporter la froideur d’une vie conjugale sans poésie ni mélodie. En fin de compte, elle découvre, éberluée, que son mari mène une vie conjugale parallèle avec une Nigériane avec qui il a déjà deux enfants. Le choc est terrible. Heureusement pour la belle Mélody, elle venait dans la même période de faire la rencontre de Lazare, un véritable prince charmant qui l’aime d’un amour sincère. Après son divorce, Melody confesse sa flamme à son nouvel ami. Une promesse de bonheur se dessine en lettres d’or à l’horizon pour les deux tourtereaux. Le dénouement est heureux : Un conte de fée en somme, en deux tableaux (obscur et clair) comme on le rencontre souvent dans la littérature à l’eau de rose. Lazare, le prototype du mari parfait est idéalisé à souhait. Cavalier galant, gentleman, amant attentionné, il cristallise, on pourrait dire, les fantasmes de l’auteure elle-même. L’intrigue, il faut l’avouer, est peu originale voire simpliste. L’histoire de Lobé n’est pas différente de celles qu’ont relatées de nombreuses auteures africaines dans une multitude d’autres romans. Comme il est de coutume sous la plume des écrivaines, l’homme, le mari, est un être odieux, antipathique, misogyne à la limite ; bref il est peint avec les couleurs les plus sombres. Seul l’amant ou le futur mari, l’homme sans tâche, peut faire voyager la femme déçue dans les « sphères étoilées », « loin des miasmes morbides ». A défaut d’originalité, l’intrigue devait être plus corsée, plus alambiquée, plus épicée en aménageant des moments de suspenses, en surprenant le lecteur, au point qu’il en sorte vaincu, perturbé. Ce qui n’est pas le cas dans ce roman. Le projet d’Hélène Lobé est purement féministe. Il s’agit pour elle, comme l’ont fait ses devancières, de dénoncer toutes les entraves au bonheur de la femme pour lui donner une chance de jouir de la vie. Légitime projet dans une sphère culturelle où Eve est souvent mise sous l’éteignoir. Pourquoi cette obsession à mettre l’homme, l’époux, sur le banc des accusés alors que la femme est exemptée? A quoi répond ce désir ardent de mettre toujours la femme au centre de leurs préoccupations malgré la pluralité des sujets qu’offre la vie ? Pourquoi les plumes féminines refusent-elles de s’aventurer hors du foyer ? L’écrivaine noire ne peut-elle pas comme ses pairs masculins interroger les événements qui secouent l’Afrique pour proposer au monde des approches ou des visions nouvelles en faveur d’un bond vers l’avant? Si les thèmes en rapport avec la vie conjugale continuent de hanter les écrivaines c’est que la situation de la femme n’a pas réellement évolué malgré les progrès de l’humanité. Certes, elle a connu des avancées notables, mais d’une façon générale elle est toujours sous le joug de la dictature masculine. En outre, sa sensibilité et sa fragilité naturelles la prédisposent à la déception et à la trahison. Melody le personnage central de cette œuvre, par exemple, est le point géométrique d’une pluralité de qualités. Belle, élégante, intellectuelle, cadre compétente, financièrement indépendante, elle réunit tous les atouts pour plaire et retenir son homme à la maison. Pourtant, elle connait la trahison dans sa forme la plus cynique à l’image de nombreuses femmes d’Afrique qui, derrière le voile du mariage, ne cessent de couler des larmes. Dans de telles circonstances, l’écrivaine africaine a besoin avant tout de libérer la femme avant de rejoindre l’homme dans l’arène politique pour d’autres batailles. Les histoires romanesques qui se dénouent de façon heureuse comme c’est le cas de l’œuvre de Lobé ne sont pas le fait du hasard ; elles procèdent du désir enfoui de leurs auteures de voir la femme triompher et de s’épanouir. Elles traduisent une tentative désespérée des écrivaines de corriger la vie en la présentant sous sa face la plus gaie, la plus humaine pour le bonheur de la femme. Le voile de « doux leurre » est un roman qui milite en faveur de la libération et de l’épanouissement de la femme. Il s’agit pour Hélène Lobé de lever le voile sur la douleur de la femme pour lui ouvrir les portes de la plénitude symbolisée ici par l’amour de Lazare pour Melody : « avec Lazare, elle ressuscitait pour une vie pleine de promesses ; des promesses qui connaissaient déjà un début de concrétisation » (P 128). L’amour, nous susurre, la romancière n’est pas une illusion ; il existe bel et bien et constitue le gage du bonheur féminin. Car pour la femme le bonheur conjugal résulte à la fois de l’affection, de l’amour, du respect et de la complicité. En cela, ce roman qui se veut réaliste ne fait que traduire le calvaire de la femme mariée dans son existence quotidienne. Du point de vue formel, Hélène Lobé doit faire preuve de plus d’audace pour rendre son écriture plus émouvante. La description qu’elle fait par exemple de la consommation de l’acte sexuel entre Lazare et Mélody est une belle réussite stylistique qu’elle gagnerait à multiplier dans ses prochaines productions. Les pages 121 et 122 sont certainement les plus enthousiastes de ce livre. Quelques extraits : « Dans ce nouveau baiser qui les souda l’un à l’autre, ils échangeaient leurs âmes et bientôt, les vêtements furent de trop. Ils n’eurent conscience de leur nudité qu’en se retrouvant étendus sur le lit, cherchant à éteindre le feu qui les ravageaient »(P121). Ici l’emploi de la litote et de l’euphémisme est remarquable. Il traduit le souci de l’auteure de ne pas tomber dans la vulgarité. La comparaison utilisée dans la phrase suivante est d’une grande originalité : « Les lèvres du jeune homme étaient soudées aux seins de Melody comme un enfant à qui les seins de sa mère, en raison de la longue absence de celle-ci, avaient manqué cruellement »(P122). A la même page, on peut lire : « D’une langue experte, il rechercha le bouton du plaisir à travers une toison luxuriante. Elle sentait bon ; cela l’enivra davantage. Alors il la bituma jusqu’à ce que tremblante de désir, elle le supplie de mettre fin à son supplice ». L’usage de cette série de métaphores imprime à ces lignes toute sa splendeur. Si le roman de Lobé se prête docilement à la lecture en raison de son aération et sa simplicité, il pèche cependant par la présence d’une multitude de coquilles qui gênent les puristes. Une œuvre littéraire ne doit pas se contenter pas de relater une histoire. C’est un document de référence du point de vue de langue qui doit participer à enrichir linguistiquement le lecteur et autres apprenants. Le respect scrupuleux des règles grammaticales doit être observé. Ici, le manque de vigilance du comité de correction est criard. Nous en voulons pour preuve ces quelques « déchets ». « Lazare pris le bras de Melody » (P46) : la forme verbale du verbe prendre conjugué au passé simple à la troisième personne est incorrecte. « Lazare avait toujours laisser Paul, son alter-égo… » (P52) : au plus-que-parfait, il y a ici une faute de conjugaison. A la page 94, le récit exige que le verbe « intervenir » reste au passé simple au lieu du présent : « - Calme-toi, intervient Olivia et elle sortie de son sac une grande enveloppe… ». Dans cette même phrase, le verbe « sortir » a été mal conjugué. A la page 123 : « Bientôt comme frappé du feu céleste, ils atteignirent ensemble le sommet d’une extase totale… ». Le participe passé du verbe « frapper doit porter les marques du pluriel de son sujet qui est « ils » etc. Helène Lobé est à sa première production. Nous comprenons ces quelques fébrilités au niveau de la langue. Le comité de correction de Cercle Editions doit à l’avenir faire preuve de plus de rigueur en nettoyant en profondeur le texte avant publication. Seule la qualité peut garantir le succès. Dans tous les cas, Le voile de « doux leurre » est un roman bien aéré, assez léger et simple que même les lecteurs paresseux peuvent consommer sans grand effort.



04/10/2011
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