LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

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Le monde s’effondre de Chinua Achebe : Un titre riche en significations!

A la faveur du décès de l’écrivain nigérian Chinua Achebé, nous avons trouvé utile de d’interroger le titre de son célèbre classique « Le Monde S’effondre ». A quelle réalité sémantique renvoie ce groupe de mots posés sur sa première page de couverture ?


Nous sommes en littérature et il est normal - selon la compréhension de chaque lecteur - qu’il y ait une kyrielle d’interprétations.

 

Pour le poète Soilé Cheik Amidou (poète, enseignant) il est question ici des valeurs africaines qui sont entrain de s’écrouler sous la poussée de l’animal que l’homme redevient. « Mais il y a de l’espoir puisque Achebé utilise, non le passé composé, mais le présent de l’indicatif qui s’apparente ici à un présent continu. L’action a donc cours ; le délitement de nos valeurs n’est ni accompli, ni achevé ; mais il est clair qu’il y a feu à la chaumière. Face donc au monde qui s’effondre, nous avons le devoir d’opposer une résistance. Dans le cas contraire, nous serons broyés comme Okonkwo, le personnage central du roman ». Selon Mathurin Goli Bi Irié (écrivain), « le monde qui s’effondre révèle le choc des cultures à travers lequel l’Afrique s’est vue aliénée, désagrégée par l’exotisme occidental. Depuis cette époque jusqu’à nos jours, le monde africain s’est davantage effondré. Moi je ne veux pas que le monde s’effondre mais qu’il soit effondré pour que de ses cendres renaisse une Afrique nouvelle ».

 

Quant à Jean Valère Djezou (poète), il pense que le titre du roman évoque l’idée que les choses tombent en lambeaux. La société se décompose, le langage se décompose. Il voit en la couverture une harmonie imitative en ce sens que « les mots  s’effondrent. Les mots, les syllabes et les lettres d’un obscur troublant tombent en lambeaux, dans un univers chaotique désert où rien n’est plus ce qu’il était en avant ».


Edwige H. Rosemonde (femme de lettres), elle, fait une autre lecture. Elle soutient pour sa part que le titre du livre d’Achebé renvoie simplement à des croyances qui se perdent, à une manière de voir qui change, à une époque qui passe, à un monde nouveau auquel il faut se démettre ou se soumettre. Beaucoup s’y soumettent, Okonkwo préfère se démettre. L’expression française « Le monde s’effondre » traduira, en conséquence, toujours l’idée d’une époque qui passe. Les bouleversements sont quotidiens et universels. « Tous les jours et partout dans le monde, des mondes s’effondrent. C’est le cours normal des choses, du monde, de la vie » ; déclare-t-elle avec conviction. Ce n’est donc pas, poursuit-elle, un phénomène propre à l’Afrique. « L’Afrique est appelée à changer. Et c’est une fatalité parce que l'histoire du monde est le récit d'une succession de changements. Une addition de mondes qui s'effondrent et de mondes qui se construisent ».


La pluralité de lectures de ce titre d’Achebé est la preuve qu’il a offert à l’Afrique une œuvre riche en significations et en symboles. Le titre d’une œuvre littéraire, pouvons-nous retenir, ne doit pas être simplement guidé par des raisons commerciales. Dans une œuvre littéraire, tous les signes textuel, pictural, scriptural, structural etc. doivent concourir à construire le sens. Et plus ils offrent une densité et une diversité au niveau du sens et de l’interprétation, plus le livre s’inscrit dans « l’antre » des grandes œuvres littéraires. Chinua Achébé par le titre seulement confirme tout le bien que les critiques du monde entier pensent de lui. Adieu l’artiste !


Etty Macaire

 

in Le Nouveau Courrier du 29 mars 2013

 

 



01/04/2013
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