LE JEU DE LA VIE DE CLEMENTINE CAUMAUETH : UNE NOUVELLE VISION DE LA CONDITION HUMAINE
Pourquoi le bonheur conjugal est-il si fragile ? Pourquoi la femme doit-elle toujours supporter les escapades de son époux au nom des pesanteurs culturelles ? N’a-t-elle pas droit, elle aussi, au bonheur que procure la vie à deux ? L’homme est-il toujours responsable des malheurs de la femme ? Telles sont les questions auxquelles tente de répondre Clémentine Caumaueth, dans on tout premier roman Le Jeu de la Vie, publié par Les Editions Le Réveil, une nouvelle maison d’édition qui promet. Une fois encore la condition féminine est au centre des préoccupations d’une auteure. En cela, Caumauet s’inscrit dans la droite ligne de ses devancières africaines que sont Mariama Ba, Régina Yaou, Calyxte Béyala, Fatou Kéita, Ama Sewa etc. Normal car qui mieux que la femme peut poser de l’intérieur et avec réalisme le problème de la condition féminine ? Une fois encore, l’homme(le mâle) est mis sur le banc des accusés. Son image est on ne peut plus sombre : infidèle incorrigible, bourreau des cœurs féminins, irresponsable invétéré. « En Afrique, cette façon de se comporter apparait tout à fait normale à l’entendement de tous » (P16) « Tout compte fait, ils sont tous les mêmes, les hommes ! » (p 21). Une question, entêtée, alors surgit et s’impose au lecteur : Les auteures africaines n’excellent-elles que dans le procès du mâle ? Mais au fil des lignes, on se rend rapidement compte que l’intention de Le jeu de la vie dépasse le cadre du foyer et transcende le militantisme féministe.
Après quinze ans de mariage durant lesquels Marlène s’est dévoué corps et âme à son mari, elle découvre que celui-ci n’est pas un ange: Pierre entretient un second foyer. Il n’a pas seulement une maitresse, il a deux enfants « extraconjugaux ». Après le choc de la découverte, commence alors pour l’infortunée une succession de menus faits qui vont bouleverser sa vie. Le passé et le présent s’entremêlent par des jets lumineux, des « flashs », des visions qui défient la raison. C’est le début d’un voyage intérieur qui va la réconcilier avec sa vie antérieure. Marlène finit par avoir la réponse à « sa crise ». Pour guérir, elle se marie avec Patrick Lagarde, qui l’aime autant qu’elle l’aime. Cet Européen n’est personne d’autre que l’homme, avec qui elle n’a pu vivre une promesse d’amour dans une vie antérieure. Le roman se termine dans une ambiance de retrouvailles, de réconciliation et d’éclairage.
L’intrigue de Caumaueth est admirable, bien ficelée. Des faits surprenants se donnent la main de façon heureuse pour entretenir le suspense. Le lecteur assoiffé d’étrangeté et de surprises en sort ravi. Malgré quelque confusion dans le traitement des personnages et quelques répétitions de gestes ennuyeux (les interminables bains de Marlène), l’histoire est originale.
Le roman, comme nous le percevons, n’est pas un simple questionnement sur la condition de la femme. L’auteure nous ouvre de nouveaux champs de réflexion pour comprendre la vie, les hommes, leur joie, leur tristesse. « Le hasard n’existe pas » dit l’auteur par le biais d’un personnage. La vie doit se comprendre à l’aune de la réincarnation qui a l’avantage d’éclairer le présent et d’éloigner les ombres qui couvrent le futur. Aussi récuse-t-elle les religions révélées ou classiques limitées et impuissantes face aux questions fondamentales de l’existence humaine : d’où venons-nous ? Où allons-nous ? Quels sont les fondements des événements qui ponctuent notre vie ? Pour Caumaueth, l’homme pour se connaitre doit aller au-delà de l’enseignement religieux car l’Eglise n’est que le commencement, sinon l’état primaire de la spiritualité. Et c’est le personnage de Patrick qui se fait le porte-voix de l’auteure : « Je trouvais que la religions avaient trop de dogmes et de croyances qui étaient un frein à l’épanouissement de l’homme. Elles parlent d’un dieu qui est au ciel et qui punit tous ceux qui ne font pas ce qu’il veut » (P172-173). L’itinéraire bouleversant de Marlène nous indique que devant un événement l’homme doit rester attentif pour comprendre. Aucun malheur et aucun bonheur ne viennent du hasard. L’auteure nous conduit dans les méandres de la réincarnation qu’elle semble présenter comme la voie la mieux indiquée pour éclairer les mystères de notre existence. « Naître, mourir, renaître encore et progresser sans cesse, telle est la loi » disait Allan Kardec.
Caumauet, nous en sommes certain, a lu des ouvrages comme Le jeu de la vie et comment le jouer, La porte sécrète qui mène à la réussite et Votre parole est une baguette magique de Florence Scovel Shinn et surtout Le hasard n’existe pas de K.O. Schimdt. Les influences de Florence Scovel Shinn sont nettes. Dans son livre Le jeu de la vie et comment le jouer Florence Scovel Shinn appréhende la vie comme un Jeu auquel on se doit de participer. À la différence des autres jeux, le Jeu de la vie nous assure une place parmi les gagnants à la seule condition d'être attentif à ses règles. Il suffit, pour ce faire, de tirer le meilleur parti des êtres et des situations auxquels nous sommes quotidiennement confrontés et de croire fermement que nous avons droit à la meilleure part. Caumaueth ne dit pas autre chose. Mais cela n’enlève rien à son mérite ; car elle a su féconder une histoire originale et surtout tirer le meilleur parti de ses expériences de femme et de lectrice. Son œuvre est la version romancée de ses convictions et de ses croyances. Sa manière particulière de tancer le christianisme ne manquera pas de courroucer les chrétiens. Nul n’ignore que la réincarnation qu’elle prêche est aux antipodes de l’évangile du Christ. Et la vision de l’écrivaine des religions révélées nous semble quelque peu superficielle et réductrice. Ici, il ne s’agit pas d’expliquer mais de croire. Il ne s’agit pas de raison mais de Foi. Clémentine Caumauet qui est à sa première œuvre doit se convaincre, si elle veut atteindre les cimes de l’art littéraire, que La littérature n’est pas simplement l’écriture d’une histoire, elle est surtout l’histoire d’une écriture. Sa plume fait preuve d’une retenue excessive, d’une pudeur qui paralyse l’audace créatrice. Elle se refuse de nommer certaines réalités et se refuse les infractions langagières qui font les grands auteurs. L’auteure ne doit pas hésiter à briser les schémas classiques du roman. Elle doit avoir pour souci de façonner et même de « torturer » la langue française, d’accoupler de manière inattendue les mots pour enfanter « des expressions bâtardes » qui mettent l’intelligence en érection. La quête de la liberté à laquelle aspirent les écrivaines passe aussi par la libération de la plume. Nous attendons impatiemment son sécond ouvrage.
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