LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

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Le Couteau Brûlant de Hamitraoré : Un livre de combat et d’exorcisation

 

 

S’il y a un fléau qui finalement a été reconnu comme un crime contre la femme c’est bien l’excision. En plus des campagnes de sensibilisation organisées par les Ong et la mise en place d’un cadre juridique par les gouvernements pour combattre le mal, de plus en plus, des écrivains se sont mis à la tâche pour participer au réveil et à l’éveil des consciences.

 


Parmi ces derniers figure désormais Hamitraoré qui a publié chez Frat-Mat éditions « Le Couteau Brûlant », un livre une autofiction habile. Pourquoi cette pratique abominable continue-t-elle de maintenir certaines communautés sous son fardeau ? Pourquoi, malgré l’évolution des mentalités, l’Afrique a toujours du mal à se défaire de ce rite des âges farouches ? Hamitraoré dans son livre épluche la problématique et ouvre des fenêtres d’espoir.

« Nan Safi, tu sais que depuis des générations, toute jeune fille digne de ce nom doit se faire exciser. C’est un rite d’initiation…Tant que tu n’es pas excisée, tu ne peux pas t’intégrer dans la communauté. Tu seras l’objet de railleries de la part de tes camarades. Et le plus grave, c’est qu’aucun homme ne te demandera en mariage (…) Au-delà de ta personne, c’est la famille qui sera honorée le jour de ta sortie…Pense aussi à moi, je n’oserai plus regarder les gens du village en face si tu persistes dans ton refus. On m’écartera de toutes les décisions concernant le village. Je t’en supplie, ne jette pas la honte et l’humiliation sur notre famille. Aucune femme n’a jamais failli à cette tradition, oui, aucune femme même pas ta mère… » ( page 22).

Tel est l’argumentaire qui fonde cette pratique séculaire. Intégration communautaire, honneur familial, garantie d’avoir un mari etc. Et les conséquences sur l’excisée ? Dans les aires où la pratique a lieu, personne n’en parle. Hamitraoré à partir d’une histoire qui commence dans un lycée, échafaude un livre sur le fléau. A la faveur d’un devoir de classe sur l’excision à faire à la maison, Safiatou victime du rite se retrouve, à son corps défendant, aux prises avec son passé. Dans un flash-back adroit, le narrateur nous fait vivre cet épisode douloureux de sa vie où elle a fait connaissance avec « le couteau brûlant ». Loin de la ville, dans un village englué par la tradition, elle va être victime de l’excision malgré son désir d’en être épargnée.

Faut-il rédiger ce devoir au risque de revivre ce passé douloureux et de se dévoiler comme « une amputée » ? Avec un courage remarquable, elle rédige le devoir et le rend au prof. Une libération, une victoire sur le passé !

En moins de 70 pages Hamitraoré nous fait découvrir l’ampleur du drame de l’excision et de l’excisée et ses effets abominables : les gouailleries, la frigidité, la psychose de l’acte sexuel, la stérilité, la fistule vésico-vaginale, les mst, la mort. L’écriture du livre « Le Couteau Brûlant » se veut un acte de catharsis et d’exorcisme. Ce livre, au-delà de la libération qu’il apporte à l’auteur, vise à baliser le chemin de l’avenir de la jeune fille en mettant en lumière la face hideuse de l’excision.

Hamitraoré a écrit un livre avec une intrigue originale. Si le thème de l’excision n’est pas nouveau, la manière de l’aborder sort de l’ordinaire. L’insertion du discours sur l’excision (pages 65, 66, 67) en fin du livre a l’éclat d’un apologue plein d’enseignements et donne au bouquin un souffle réaliste remarquable. Simple par son écriture, émouvant par son intrigue, bien articulé, Le Couteau Brûlant est un livre plaisant et édifiant.


ETTY Macaire


Hamitraoré, Le Couteau Brûlant, Frat-mat éditions, Abidjan, 2012, 70 pages

 

In LE NOUVEAU COURRIER du 1er février 2013

 



01/02/2013
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