Interview/Fatou Sy, dramaturge, auteur de « Monsieur Nègre »
Avec son œuvre dramatique « Monsieur Nègre », éditée par les éditions Balafons, Fatou Sy, auteur de nationalité ivoirienne, signe son premier ouvrage littéraire. Après avoir lu sa création, nous avons rencontré la dramaturge en vue d’un entretien.
Fatou Sy, comment êtes-vous arrivée au théâtre ?
Je ne suis pas arrivée au théâtre, c’est le théâtre qui est venu à moi. Mais si vous voulez une explication plus rationnelle, j’ai eu une professeure de français au Lycée, qui nous incitait constamment à lire des pièces de théâtre et à aller regarder les mercredi après-midis, des représentations au Palais de la Culture, il faut croire que c’est son influence qui joue encore sur moi.
Y a-t-il une différence entre écrire une pièce de théâtre et jouer comme acteur dans une représentation théâtrale ?
Oui. Le dramaturge n’est pas forcement acteur ni metteur en scène. J'ai écrit « Monsieur Nègre », j’ai inventé des personnages, mais je n’ai pas nécessairement les compétences pour pouvoir les jouer comme il faut. Au théâtre, chacun à une place bien précise. Il y a ceux qui créent les mots et ceux qui traduisent ces mots sur scène.
« Monsieur Nègre » ! Pourquoi le choix de ce titre au visage sombre ?
Le Nègre pour moi, ce n’est pas l’injure faite aux Noirs par les Blancs. C’est l’injure que les Noirs se font à eux-mêmes par leurs attitudes et mentalités. Le Nègre c’est le Noir dans le noir. C’est cette conception que j’ai transposée dans le titre « Monsieur Nègre » qui en fait, parle de tout ce qui est négatif chez le Noir et qui retarde son développement social, culturel, spirituel et économique.
Aujourd’hui, les écrivaines africaines sont pour la plupart portées vers des thèmes plus souples, plus simples comme l’amour, l’argent...Ce n’est pas votre cas dans ce livre. D’où sort chez vous cette audace ?
Je ne sais pas... J’ai envie de dire que c’est ma personnalité qui veut ça. J’ai toujours estimé que l’écriture était une arme dont je devais me servir pour influencer ma société, que j’ai envie de voir sortir de la médiocrité, du superficiel. J’écris donc sur des choses qui me paraissent essentielles pour elle.
Broulaye, ce personnage innocent dans le sang, coupable dans l’esprit, dans l’attente et l’espoir d’être nommé Premier Ministre du pays nettoie tout autour de lui : sa femme, son entourage… Ces faits si aisément racontés sont-ils des pages de votre vie ?
Non! Ces faits partent juste d’un constat. Notre société pullule de Broulaye. Des hommes que l’on fréquente, que l’on écoute tous les jours, que l’on admire même souvent et qui paraissent respectables, intellectuels, mais qui au fond, sont aussi détestables et critiquables qu’un criminel. Il suffit d’être bon observateur.
Avez-vous déjà essayé de représenter cette pièce ?
Oui, « Monsieur Nègre » a déjà été joué plusieurs fois. D’abord le 03 mars 2012, dans le cadre d’une représentation privée qui a eu lieu à mon domicile avec un public restreint.
Ensuite, il y a eu la grande première à L’INSAAC, le 31 Août 2012. Je précise que je l’ai inscrit dans un projet culturel qui avait pour objectif de mettre en avant les jeunes, dans le domaine des arts de la scène. J’ai donc fait mon casting en fonction de cet objectif. Mes acteurs n’avaient pas plus de 30 ans et le plus jeune en avait 20. Quant aux réactions du public, elles ont été positives. J’ai envie de croire que chacun est reparti avec un reflet « Monsieur Nègre » qu’il essaiera de changer.
L’homme d’Etat africain, rosée pendant la campagne électorale, arrivé sur le trône se mue en orage. Quelle est votre contribution pour une logique politique où le peuple est le père du pouvoir ?
Ma contribution je l’apporte comme je l’ai dit précédemment, par mon écriture. Grâce à elle, je partage des conceptions, qui, en tout cas, c’est mon vœu le plus cher, pourront sûrement nous aider, nous, africains, à prendre conscience de nos erreurs, à faire de bons choix, à prendre nos responsabilités et à contribuer en fonction de nos capacités respectives au développement de notre continent.
Interview réalisée par Manchini Defala
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