LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

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Interview / Ernest Foua de Saint Sauveur, écrivain et éditeur

Ecrivain et homme de lettres, Ancien Président de l’Aeci, Ernest Foua de Saint-Sauveur est bien connu dans le milieu de la culture ivoirienne. Le patron du magazine culturel « Zaouli » vient d’ajouter un roman à sa bibliographie. Il s’agit de « Les matins orphelins ». Après sa cérémonie de dédicace, l’écrivain a bien voulu répondre à nos questions.

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Après « ECHOS DE LA REPUBLIQUE DU ZOUGLOU », en 2012, il nous a fallu attendre avant de revoir votre plume sur la scène littéraire. Syndrome de la page blanche ?

Le syndrome de la page blanche, il intervient de façon accidentelle lorsqu’on est occupé à une création donnée. Il est donc ponctuel et ne peut survenir sur une aussi longue durée. Non, je ne suis pas adepte des productions à l’année ou au semestre, comme on le voit chez certains confrères. La création n’est pas une course de vitesse et ce n’est pas à l’aune de la quantité d’ouvrages que l’on juge l’excellence et le talent. Deux ans, ça me semble correct pour offrir une œuvre aux lecteurs et leur laisser le temps de la digérer, d’en saisir toutes les nuances. Surtout pour moi, qui écris en pensant à offrir de la réflexion à partager avec le lectorat.

 

Collaborateur à ONUCI-FM, membre du Conseil de gestion du Fonds de soutien à la culture et à la création culturelle, promoteur d’un magazine culturel, et maintenant éditeur, doit-on s’attendre à une autre corde à votre arc de littéraire ?

Libraire, peut-être ! Pour avoir le sentiment d’avoir fait le tour de la chaîne du livre. Non, je rigole ! Mais, au fond, pourquoi pas ? Parce qu’en y réfléchissant bien, je n’arriverais pas dans le pool des libraires comme un chien dans un jeu de quilles ! Je m’y connais en matière de livre et j’ai des idées sur la valorisation et la promotion d’un tel produit. Mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour.

 

Par ailleurs, la dédicace de votre dernière sortie a marqué le baptême de votre maison d’édition. Pouvez-vous nous en dire plus ?

En fait, la société d’édition je l’ai créée en amont de mes activités de patron de presse. Vous savez, la loi ivoirienne fait obligation à tout organe de presse (journal, magazine, périodique, etc.) d’être porté par une structure éditoriale. Quand j’ai voulu créer ZAOULI, j’ai été confronté à cette loi, et j’ai créé les Editions Saint Sauveur (une SARL Unipersonnelle, au capital de 5.000.000 de FCFA). On peut donc dire que les Editions Saint Sauveur ont été créées pour produire ZAOULI, un journal culturel, mais nous avions aussi pour objet l’édition d’ouvrages, entre autres. C’est dire que nous avions la faculté juridique d’éditer des livres. On a juste attendu d’avoir quelques moyens pour mettre en route notre volet édition d’ouvrages. Voilà !  Mais que l’on ne pense pas que je suis un éditeur par défaut ! Car, en toute objectivité, je pense avoir les qualités pour faire un excellent éditeur. Après une trentaine d’années d’écriture, je crois que j’ai l’expertise pour dénicher des talents littéraires, pour juger de la qualité d’un manuscrit, le valoriser, entre autres facultés requises pour ce métier. Ce passage, de l’écrivain à l’éditeur, ne m’est pas particulier ; on l’a déjà vu ailleurs. Et je crois l’avoir déjà dit, pour moi, c’est dans la logique de mon évolution de créateur littéraire.  

 

Votre nouveau roman LES MATINS ORPHELINS, se distingue avec une coloration toute verte. Pourquoi ce choix ?

Pourquoi pas ? Je pourrais n’avoir aucune explication à donner sur ce choix chromatique, en me disant qu’il appartient au lecteur d’y trouver ses propres sensations et justifications. Ce qui, au final, doit prévaloir. Mais il est évident qu’il s’agit d’un choix qui ne relève pas du hasard. Rien, sur cette « première de couverture » n’est le fruit du hasard, du reste. Les couleurs, la nature, l’eau, la pose même de la dame : tout cela obéit à un choix personnel, et ces éléments sont porteurs de sens. Je peux donner mes significations personnelles, mais je laisse à la sagacité du lecteur le soin de ses interprétations personnelles.

 

359 pages ! Ce qu’on peut appeler une œuvre volumineuse. Vous avez vraiment beaucoup à dire apparemment.

Oui, tout à fait. Même que depuis que le livre est sorti, je me dis que j’aurais pu y ajouter tel ou tel sujet, dire ceci ou cela. C’est dire – et là je ne fais pas preuve d’originalité – qu’un livre n’est jamais vraiment achevé, pour son auteur. Ceci étant, je ne pense pas au volume de pages quand j’écris. Les thèmes, les personnages, les situations et connexions dans lesquelles ils sont, les trames et trajectoires, les espaces : c’est tout ça qui détermine le volume d’une œuvre. Le volume, c’est à la fin qu’on en réalise l’ampleur quand on consent enfin à mettre un point final à son texte et à le proposer à l’édition. Tous les auteurs savent bien que même jusqu’au Bon A Tirer (BAT), on a encore la démangeaison de vouloir ajouter un mot, une phrase, ici, d’en retrancher là…

 

Réflexion  sur l’homme, finitude des choses, afro-pessimisme, bien de thèmes que vous abordez dans le roman. Sans oubliez la femme !

En fait, ce livre je le définis comme celui qui campe la vie, la globalité dans laquelle l’existence fait se mouvoir les être et les choses, les nations aussi. Et les thèmes viennent comme viennent les expériences auxquelles sont confrontés les personnages, selon les périodes de temps et les espaces.

 

« - Mais non ! Ce que je veux, c’est concrétiser notre amour. Tu comprends ?

- il est concret, notre amour ! Parce que je t’aime. Je t’ai donné mon cœur, plus tard, quand nous serons mariés, mon corps t’appartiendra, pour la vie. » Page 2....Tonalité très religieuse, est-ce un message pour les jeunes générations ?

 Tonalité religieuse ? Je ne sais pas. Message pour les jeunes générations ? Encore moins. C’est ce genre de réflexion qui donne à croire que la sagesse des choses n’appartient qu’à la religion ou n’est que le privilège de l’âge. Or ce que je dis là c’est ce que tous les jeunes de tous les temps doivent observer. Aujourd’hui, à force d’explorer très tôt et sans retenue les registres de la sexualité, les couples vivent dans une pauvreté sentimentale et relationnelle désolante. Or, il y a une différence fondamentale entre l’amour et le sexe ; l’un enrichit absolument et l’autre appauvrit, tout aussi absolument, au bout du compte. Mon livre parle d’amour, des valeurs de vie, de ce que l’homme et la femme sont dans l’ordre des choses, de la conscience, l’évolution de l’être et dans l’être (ce qu’on appelle encore l’initiation), du rapport des races, du sida, de l’autonomisation de la femme, de l’amitié, de Dieu, etc. Bref, comme je l’ai déjà dit, c’est le livre de la vie et la globalité existentielle !

 

Pourquoi cette œuvre mérite-t-elle d’être lue par tous ?

 Cette œuvre mérite d’être lue pour un certain nombre de raisons. D’abord, il y a que c’est un livre servi par une très belle écriture. Une écriture qui fera les délices de ceux qui savent ce que « belles lettres » veulent dire. Ceux qui savent lire et qui donnent du sens au livre. Qui veulent s’émerveiller de ce que leur offre un auteur de son talent d’écrivain et de conteur ; des images et des mots, des effets de style et compositions syntaxiques qu’il leur donne à goûter. Ecrire, ce n’est pas que raconter une histoire ; c’est par-dessus tout un acte de création. Et moi, je m’investis totalement dans la littérarité. Ensuite, il faut lire ce livre – en tout cas, je le conseille à toutes les générations – pour les thèmes dont j’ai donné un aperçu tantôt, pour la philosophie, les analyses et réflexions qui sont esquissées, les valeurs et leçons de vie qui en ressortent, etc. Enfin, il faut lire ce livre parce qu’il est positif ; il est humaniste et progressiste. Je ne vais pas la jouer modeste – tout le monde sait que je suis une icône de modestie et d’humilité –, mais je dois à l’objectivité et aux éloges que j’en reçois d’éminents critiques, de dire que c’est un livre vraiment riche, tant du point de vue de l’écriture que du récit, des réflexions et valeurs de vie qui en émanent.       

 

Avez-vous d’autres projets pour cette œuvre ?

Je pense me donner le temps et les moyens d’en faire une bonne promotion. De donner à le connaître, ici, au pays, et à l’extérieur. En Afrique, dans la sous-région, pour commencer ; et en France, par la suite. En un mot, je vais jouer à fond mon rôle d’éditeur pour promouvoir le roman « Les matins orphelins » de l’écrivain Foua Ernest de Saint Sauveur. Dont le talent est incontestable. Et ce rôle, je le jouerai de même pour tous les auteurs de talent à qui nous ouvrons les portes de notre maison d’édition.

 

Interview réalisée par Atte Sostène

 

In Le Nouveau Courrier du 9 mai 2014

 

 

 



10/05/2014
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