Interview/ Benjamin Irié, Auteur de Seinabou, La conquête de la liberté.
Formé à l’écriture par son maître Azo Vauguy, Benjamin Irié, ingénieur de formation, vient de mettre sur le marché un livre intitulé Seinabou, la conquête de la liberté, (Sesame éditions). Tout au long de cette entrevue, avec passion et foi, le jeune écrivain développe la philosophie qui coule dans son œuvre. A lire attentivement...
Vous venez de publier un récit « Seinabou, La conquête de liberté ». Alors, pouviez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Avant tout propos, je voudrais saluer toutes les personnes de bonne volonté (Hyacinthe Irié, Dr Ano Brou etc.) qui ont contribué à la réalisation de cette œuvre. Je remercie notamment Azo Vauguy et Jean-Luc Djéa pour leur coaching en écriture. Je suis Irié bi Irié Benjamin. Je suis gouro de Drohoufla/Manfla (Sous-Préfecture de Gohitafla). Je suis l’un des descendants d’un ancêtre lointain nommé Goly Wassa venu du Mali d’après les dires de nos anciens. Je suis agronome de formation de base car Ingénieur des Techniques d’Agronomie, option horticulture. Je me suis spécialisé en mécanisation des pratiques culturales de riz au Japon ; en conception et mise en œuvre de projets communautaires en Israël.
Sur la première page de couverture, je vois une Kora, une voie, des traces de pas humains, un oiseau en envol. Ces éléments ont-ils une signification particulière ?
L’image de la première page de couverture est pour moi le concentré de mon idéologie (Paix et développement durable). C’est cette idéologie que je m’évertue à développer dans l’œuvre. Cette image est en quelque sorte la porte d’entrée de ma pensée philosophique. L’oiseau, une colombe, en envol symbolise la paix. Les traces de pas et la voie représentent l’Homme sur le chemin de sa destinée. Son destin qui se résume à la poursuite de la vertu, signe extérieur de sa paix profonde, la paix de son âme. La Kora évoque spiritualité, musique, onde vibratoire, pensée. Permettez de rendre hommage à Moussa Kouyaté. Cet instituteur de ma classe de CMI m’a fait don d’un roman (Soundjata ou l’épopée mandingue de D.T. Niane) qui changea ma vie en me communiquant le goût de la lecture et l’amour de la sagesse africaine. Je salue ici mon maître, le griot Moussa Doumbia alias Sékouba qui m’apprend à jouer de la Kora et à comprendre tout le mystère qui l’accompagne. La Kora de Wassa, le fils de SEINABOU, dont la musique est accompagnée de la parole positive, va conduire ses contemporains à produire de bonnes œuvres dont la pratique de l’amour qui conduit à la paix : La parole de bien de Wassa, accompagnée de la musique de sa Kora est son arme de rassemblement pour la paix et le développement durable. Ainsi en librairie le roman est associé à une œuvre musicale.
Il ne faut pas oublier la couleur bleue en arrière plan et les infrastructures à peine visibles au bout. Il faut y lire espoir, paix et developpent.
Votre livre a pour titre « Seinabou » et pour sous-titre « La conquête de la liberté ». Pourquoi « la conquête de la liberté » ?
J’ai fait un constat personnel. De par ma petite expérience et celles des autres qui m’ont été contées, j’ai conclu que la vie de l’Homme se résume à une lutte continue pour son bien-être. Mais beaucoup pensent que ce bien-être est uniquement d’ordre matériel. C’est donc en guise de sensibilisation à considérer le volet spirituel qui est prépondérant pour l’Homme ici bas que je me suis servi de l’expérience de SEINABOU, l’héroïne de l’œuvre. Une femme et ses enfants ; c'est-à-dire une famille normale vivant dans une société en crise aigue. Les réactions de chacun face aux multiples problèmes posés nous situent sur la réalité de la lutte pour la liberté que chacun conçoit à sa manière. L’œuvre en fin de compte, à travers le sous titre : la conquête de la liberté est l’exposé d’une thérapie, d’une méthode pour vaincre en soi un vice qui nuit à la collectivité car un trouble apparent provient toujours de l’intérieur de celui qui en est l’auteur. Il s’agit donc de montrer que toute liberté doit être d’abord personnelle et ensuite collective. Personnellement il faut d’abord acquérir sa liberté (la paix intérieure dite spirituelle) puis sensibiliser les autres. Lorsque la majorité atteint cette dimension, il y a moins de conflits en société. La solidarité règne et l’intérêt est partagé. A l’unisson, on a la même compréhension des choses et on affronte ensemble l’adversité.
Bien que ce récit relève de la fiction, en toile de fond, votre récit respire de l’histoire de la Côte d’Ivoire…
J’ai évoqué SEINABOU et ses enfants, une famille normale vivant dans une société en crise aigue. L’Homme ne s’appuie que sur son vécu, pour s’exprimer. Mon environnement fut par conséquent ma source d’inspiration. Etouffé, bloqué, stoppé dans mon avancée vers ma réalisation, je me suis révolté. Le génie se révèle dans les épreuves. Pour m’accomplir, il faut la paix. La paix pour moi, la paix de mon environnement. Là, je subis un fait dont je ne suis pas comptable : la guerre des politiques. Faut-il être passif ? Non ! Je dois lutter, je dois me battre et selon ma conception de la vie. Ainsi, il est normal pour moi de m’adresser à ceux qui partagent avec moi le quotidien. Je veux donner donc de la voix, parler non seulement aux ivoiriens mais au monde entier. Ce projet, il est universel.
La figure de Seinabou, femme charismatique, battante, engagée me fait penser à la Grande Royale…Le choix d’un personnage féminin pour impulser la lutte n’est pas innocent.
Oui. A travers cette dame, il y a beaucoup à apprendre. D’abord l’éducation d’une progéniture. Le conditionnement des enfants à la réussite sociale. L’enseignement de la conviction dans l’atteinte d’un objectif. L’exercice du dialogue pour convaincre l’autre de la justesse de ses propos et la pratique de la foi agissante. Elle est tout simplement un monument … Si on se réfère au personnage de la Grande Royale, elle a encouragé la possession d’un autre type de savoir par ses enfants pour arracher leur indépendance aux Blancs. Il s’agit là de l’ouverture à la civilisation de l’universel, de s’ouvrir à la science. Illettrée qu’elle était, elle était intellectuelle. Elle avait une vision. Mais cette connaissance des Blancs qu’elle réclamait n’était pas liée à une accumulation de diplômes universitaires. Elle voulait découvrir le mystère de la domination des Blancs et non la connaissance livresque disponible pour tout le monde : Le secret de la domination qui inévitablement était pour elle d’ordre spirituel. SEINABOU avait été éduquée dans le mysticisme car elle fut la femme d’un prince. Ce côté mystérieux de SEINABOU a été évoqué par son fils Wassa dans le livre lorsqu’il rappela Hampaté Ba : « Notre formation est initiatique, ma mère SEINABOU a procédé ainsi, donnant à ses enfants, à chacun de ses enfants la prophétie de sa vie et nous nous sommes mis à la recherche de Kaidara, le dieu de la connaissance et de l’or etc. » SEINABOU est le symbole de la fécondité. Que chaque enfant de Toukouzou , son pays soit une terre fertile. Elle est femme, symbole de la vie. Que Toukouzou ne meurt point. Elle est femme, symbole de la quiétude. Que la paix vienne. Elle est femme, symbole de générosité, du partage et de l’union car chacun de ses cinq enfants a reçu sa part de bénédiction. SEINABOU, de par sa vie exemplaire, de par son expérience enrichissante est un emblème pour la génération future.
Seinabou révèle que tous ses enfants sont prédestinés. Est-ce toujours le cas en Afrique ? Et vous croyez-vous au destin ?
Vous savez monsieur Etty, Quand on nait dans une société, on naît avec un subconscient vierge comme un papier sur lequel rien n’a encore été écrit. La conscience aussi n’est pas encore chargée. L’environnement dans lequel nous vivons marque dans notre esprit des lignes de script. L’environnement influence donc l’enfant. Le philosophe l’a dit : « l’enfant est le père de l’adulte ». Ce que nous subissons dans notre enfance se révèle à notre âge adulte. Là, c’est du point de vue matériel. Nous pouvons accepter cela. A travers mes lectures de la Bible, où Jéhovah dit à Moise, le guide du peuple israélite : « Moise, dis à mon peuple que désormais j’écrirai ma loi sur la table de son cœur afin qu’il ne l’oublie pas’’. Du cœur, il s’agit ici de l’esprit. De là, on peut supposer que des lignes de script peuvent être aussi pré-écrits dans l’esprit de tout un chacun. SEINABOU a affirmé qu’avant la naissance de ses enfants, elle avait fait un rêve prémonitoire. Ces songes ne sont-ils pas la visualisation des lignes de script transcrites dans l’esprit de chaque enfant ? C’est à partir des évènements vécus par les enfants eux-mêmes qu’ils ont tiré la conclusion qu’il s’agissait bel et bien de leur destinée confirmant ainsi la thèse de SEINABOU leur mère. Les songes ne sont pas seulement propres à l’Afrique. Puisque tout être vivant peut dormir, les songes sont alors partagés par tous. Partant de ce fait, le destin peut être défini comme non pas un acte isolé dans un scénario mais l’ensemble des rôles que doit jouer un acteur. Des rôles qui peuvent être vus d’avance sous la forme d’un rêve. Dans la vie, nous ne sommes pas des spectateurs, nous sommes des acteurs d’un plan divin. C’est ce qu’il faut comprendre dans ce rapport de SEINABOU avec les songes de ses enfants. …
Alors, je crois au destin puisque Dieu a un plan pour chacun. Ceux qui ne croient pas au destin sont foncièrement matérialistes et croient que tous se passe ici bas. Le côté spirituel intimement lié à l’amour divin ne les intéresse guère. Mais ils ne sont pas les seuls habitants de la terre d’où il y aura toujours des hommes et des femmes pour croire au destin de l’Homme. Ces hommes il y a en en Afrique et ailleurs.
Avant le début du combat de Wassa, vous présentez l’art du griot comme la solution aux conflits en Afrique. Vraiment original…
Dans le Manding, le griot est le dépositaire de la sagesse qu’il transmet au roi et au peuple de génération en génération. L’histoire, c’est l’éducation et l’éducation est le fondement de la sagesse et la sagesse conduit au bien. J’ai dit quelque part dans le livre que les africains sont habitués à l’art oratoire à cause de la mémoire longtemps exercée à capter la parole et la conserver. Les africains n’ont pas la culture de lire. Il faut conter les livres d’éveil de conscience. Il faut un griot de type nouveau. J’ai rendu hommage à Feu Dieudonné Niangoran Porquet, le père de la griotique qui voulait par sa science valoriser le griot. Ce griot de type nouveau assez cultivé, dépositaire et de notre culture et de celle des autres peuples, saura en faire une adaptation et transmettre le savoir utile par la sensibilisation aux groupes cibles bien identifiés. Sur cette base va naître des débats constructifs. On peut démarrer le projet pilote sur les réseaux sociaux (Facebook) et continuer par des meeting ou conférence en salles. L’art du griot comme solution aux conflits en Afrique ? Non pas seulement ça. L’art du griot comme enseignement de la vertu aux populations pour protéger l’esprit du mal ; comme révélation à la masse de la vérité du monde d’aujourd’hui pour la préparer à l’adversité ; comme solution complémentaire au défaut de la lecture des ouvrages de développement personnel par l’élite africaine.
Irié Benjamin semble avoir des similitudes avec Wassa. En lisant la page des dédicaces, on constate que Irié Benjamin est comme lui un descendant de combattants, Wassa est syndicaliste comme Irié, Wassa est le benjamin de sa famille et Irié s’appelle Benjamin.
Oui, Wassa est Benjamin Irié et vis-versa. J’avais dit que mon objectif était de perpétuer ma pensée. Je voulais avoir une claire idée de ma vision et mettre ma foi à contribution. Oui, je veux être un écrivain particulier qui veut être lui-même acteur de ce qu’il dit, de ce qu’il préconise. Je ne veux pas être cet écrivain, ce poète qui touche les plaies de la société mais ne se donne pas les moyens de les soigner. L’écrivain parle mais il est malheureux parce que personne ne l’écoute, parce que personne ne veut mettre en application ce qu’il a suggéré. Je veux dénoncer les faiblesses et en même temps contribuer à les éponger. Je ne veux pas être cet écrivain en dehors du champ qu’il demande de défricher. Je veux être un écrivain actif. Si je ressens la douleur, que je n’attende pas autrui pour me soulager.
Ce livre est un plan d’action. Mais un plan agréable à lire pour rendre moins pénible la tâche à accomplir. Le beau s’y est ajouté pour ne pas effrayer les concernés. Ce plan embelli de l’art romanesque, je le suis avec persévérance et je reste ferme dans ma décision de l’accomplir. Ce plan est lié au destin de la Côte d’Ivoire mon pays et à l’Afrique mon continent. Cette vision contenue dans ce livre est ma prophétie comme le dit un prophète biblique Habacuc : Je l’ai gravée sur une pierre jusqu’ à l’accomplissement. …Et cette prophétie s’accomplira certainement.
A la fin de la lecture je me suis dit que ce livre est un prétexte pour amener les Ivoiriens à la réconciliation. Le problème est qu’ils ne sont pas nombreux ceux qui vont le lire.
Non, ce n’est pas un prétexte pour amener les Ivoiriens à la réconciliation. C’est un prétexte pour accomplir plutôt ma destinée dont l’œuvre pour la réconciliation est un tout petit pan (…) Ma destinée n’est pas circonstancielle. La réaliser est la raison même de mon existence. Alors ma satisfaction n’est donc pas relative au nombre de livres vendus mais de mener des actes pour le règne de l’amour sur cette terre. J’ai écrit un livre pour en parler. Je suis en voie de créer un groupe musical NATTY KEMITE pour chanter les louanges de Dieu le créateur. J’ai lutté pour que mes camarades bénéficient des retombées de leur labeur à travers des syndicats. Je continue de lutter contre moi-même pour vaincre les faiblesses de ma chair afin d’être encore plus utile à la société. Voici le décompte de mes actes présents et ceux à venir pour contribuer au règne de Dieu. Là, se trouve ma satisfaction. (…) Si beaucoup de personnes lisent mon livre et l’apprécient dans le sens souhaité, c'est-à-dire si mon message est bien perçu et que je vois les lignes bouger, je serai plus qu’heureux. Mais si rien de tout ça n’est fait, cela ne peut me décourager car je connais l’essence de ma mission. Ce n’est point un homme comme moi qui m’a mis à la tâche. Alors je rends grâce à l’Adonaï mon Dieu de m’avoir autant béni en m’accordant cette mission de glorifier son nom.
Interview réalisée
Par Macaire Etty
in Le Nouveau Courrier du 18 janvier 2013
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