LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

En vérité...Pour qui écrit-on?

En vérité...Pour qui écrit-on ?

Chez tous les écrivains que j’ai eu à interviewer, la réponse à cette question,  est presque toujours la même. Ils écrivent pour le public, et pour les plus téméraires, pour le peuple, leur cher peuple.

C’est pour ce peuple que leur encre dégouline comme des larmes de douleur, que nos écrivains veillent et usent leur énergie à noircir sans le salir du papier blanc. C’est pour ce peuple qu’ils vont chercher l’inspiration au paradis et souvent  jusqu’aux enfers. Usant des mégots, ingurgitant de la caféine ; accumulant des veillées et souvent des insomnies. Réponse éclatante de noblesse. Réponse qui confirme la relation mythique existant entre le créateur et son peuple. Quel bel élan de générosité !

Et ce ne sont pas des repères qui manquent dans la marche de l’histoire de la création littéraire. Hier comme aujourd’hui. En occident comme chez nous, en Afrique.

Quand Hugo dans son kilométrique poème s’écrie : « peuples écoutez le poète » (in Les Rayons et les Ombres), il ne dit pas autre chose. Le poète, le prophète, le « vatès », est consacré à son peuple. Il n’a pas d’autre devoir que de le conduire à la liberté, à la lumière. De le conduire sur la terre promise. Là où coulent le lait et le miel. Le mythe a retrouvé une nouvelle verdeur sous la plume des poètes de la Négritude. Qui eux aussi se définissent comme les éclaireurs de la multitude, les porte-voix, les avocats du peuple noir balloté par les vents furieux de l’histoire. Au milieu d’un peuple, leur peuple, réduit en esclave puis en colonisé, le poète négritudien a pour fonction primordiale ou originelle de parler en son nom. Césaire dans une formulation sublime écrivait : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche » (in cahier d’un retour au pays natal). Dans le même livre, il reprend sous une autre forme la même idée : « si je ne sais que parler, c’est pour vous que je parlerai ». Senghor, le poète sénégalais, se veut plus explicite : « j’écris pour mon peuple et celui-ci sait qu’une cora n’est pas une guitare » (in postface d’Ethipiques).

Pourtant …oui pourtant, dans l’acte d’écrire il y a un mystère, une énigme qui peut échapper, même au créateur lui-même. Certes, on écrit pour être lu, pour partager, pour un destinataire dans la mesure où écrire est un acte de communication. Mais l’heureux bénéficiaire pourrait être le poète, l’écrivain lui-même. N’est-ce pas parce qu’il est malade qu’il a saisi sa plume comme un remède ? N’est-ce pas parce qu’il a besoin d’épancher son trop plein de joie, de peines, de bonheur, de frustration, d’espoir, de colères qu’il trouve le besoin de produire?

En vérité, il écrit pour retrouver son équilibre perdu. Il écrit pour se délester du poids de ses démons. Il écrit pour être. Pour vivre. Pour se pétrifier. Pour ne pas mourir. Le besoin de publier n’est pas si fort chez tous les créateurs. Il y a des pépites encore dans des tiroirs, qu’aucun doigt d’éditeur n’a encore effleurées, qu’aucun œil d’éditeur n’a encore lues. Pourquoi ? Parce que pour le démiurge le plus important c’est de créer et non de publier.

Difficile à comprendre mais c’est un fait qui traverse des siècles. L’écrivain écrit, en fait, pour lui-même. Le public peut aimer, peut y trouver son bonheur, s’y retrouver. Si le peuple est le destinataire, le créateur en est le premier et l’immédiat bénéficiaire. Alors pour qui écrit-on ? Chaque écrivain doit entrer profondément en lui-même pour trouver la réponse. Si cette descente est abyssale, sincère, désintéressée, il découvrira qu’il écrit pour ….lui-même.

Macaire ETTY

 



05/04/2013
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