LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

COUP DE GUEULE / Le crâne cassé de la littérature

C’est vrai, il n’y a aucun doute ! Approcher le monde de l’édition est générateur de déceptions sans cesse renouvelées et renouvelables. Et au fond, les maisons d’édition constituent un passage nécessaire afin de détruire l’amour-propre et les certitudes qu’affichent la plupart des écrivains à leurs débuts. Ô que oui ! Car l’effet de surprise est colossal ! C’est une école d’humilité. Mais brutale, comme un collège anglais. Triste vérité hélas !

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Cette tragédie littéraire n’est pas propre à la Côte d’Ivoire et à ses éditeurs. Car il faut le préciser. Les manuscrits célèbres refusés par les éditeurs, c’est partout, toujours, et à tout moment. C’est un vent qui souffle sur tous les tropiques. C’est comme s’ils avaient en commun  cette sèche et effroyable loi : remplir obligatoirement le sombre casier pour morts afin de se rappeler qu’ils sont éditeurs. Et le comble aux abois ! Le monde de l’édition est un nectar amer qui vous noie dans la corailleuse mer, vous et votre sage intelligence. Nul doute. Pourtant, un mal nécessaire !

 

Ailleurs, sur les terres plus froides, et c’est vrai, le traitement semble plus professionnel, plus humain. Envoyez votre manuscrit et, par politesse, vous recevez un courrier de refus. Même si, à juste titre, vous avez accordé beaucoup d’attention à l’histoire racontée dans votre livre, traquant sans relâche la moindre incohérence ou action illogique ; même si personne n’en  est infaillible, votre livre dans leurs mains devient sans doute une aiguille dans une botte de foin. Parce que vous n’êtes pas une plume célèbre au catalogue,  votre livre ne trace pas les couloirs d’une affaire à la portée forcément médiatique, ce n’est pas non plus un coup de cœur. « Nous sommes désolés de vous annoncer cher monsieur/madame que votre livre, aussi beau et inédit soit-il, ne rentre pas dans notre ligne éditoriale. Continuez à écrire ! » Stupeur et tremblement ! Voici un exemple de gentille lettre que vous recevez ! Fatale  balourdise ! Pas très glop, vraiment. C’est du même ordre que lorsqu’une superbe fille vous envoie bouler comme une merde, et qu’elle conclut, innocente, princière, par un « mais on reste bons amis, hein ? » .

 

Bien-entendu, « Inédit » ici signifie « non édité ». Et puis c’est quoi au final cette fichue ligne éditoriale ? Ben il y a de quoi se taper la tête contre les murs ! C’est là même le sens de l’immuable et l’indémodable ! Tout y est ! Puisque même quand vous avez potassé le catalogue de l’éditeur - catalogue qui en dit souvent très long sur cette « ligne » bien planquée – même quand vous avez lu quelques-uns de ses titres, ces verbes dans ce refus tombent toujours sur votre nuque. Et ce monde s’en fout !

 

Et la lettre de refus si courtoise soit-elle reste totalement opaque. Que faire ? Que faire du courrier de refus ? Vous avez le droit de déchirer le courrier en tout petits confettis, que vous brûlerez ensuite en poussant des cris sauvages, avant d’aller en jeter les cendres dans un grand lac d’acide. Et puis vous pouvez aussi relire ledit courrier. Au mieux, vous y trouverez des raisons d’espérer. Au pire, des enseignements pour la soumission suivante. Un conseil, et un vrai des vrais : percez-y deux trous et rangez-le dans un classeur. Ne tenez pas la jambe à l’éditeur. Ne lui renvoyez pas un courrier incendiaire. Ne payez pas un marabout pour l’envoûter. Il ne veut pas publier votre livre ? Prenez acte, et passez à la suite. Dans tous les cas, votre manuscrit, il s’en tamponne ! Mais rappelez-vous toujours, et gardez impitoyablement en esprit ceci : tout ce qui n’est pas « oui » n’est pas « non » ! Parce qu’en vérité, un courrier de refus ne signifie pas la fin des haricots. Il ne faut jamais placer tous vos espoirs dans une seule maison. La campagne de soumission fonctionne par envois, retours, nouveaux envois etc. Voyez cela comme le loto : plus l’on joue, plus on augmente ses chances, un jour, d’éditer un livre.

 

Que nos éditeurs en Côte d’Ivoire se parent de meilleurs habits, d’une meilleure façon de travailler, officielle, transparente, gravée dans le marbre, celle qui apparait de manière claire sur leurs sites (il faut rappeler que beaucoup d’entre eux n’en ont pas, c’est comme s’ils n’en connaissent pas la valeur), on pourrait réveiller des génies, des écrits merveilleux, des plumes formidables, qu’on a engloutis consciemment ou non dans nos casiers et tiroirs.

Manchini Defela

 

in Le Nouveau Courrier du 02 août 2013



06/08/2013
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