LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

Coup de gueule/ la problématique de la littérature de gare

 

Sujet sensible ? Pas du tout. C’est comme ces vieux mégots qui tombent toujours dans la poche d’un mendiant. La plume et ses ombres, ses petits pas et obstinations diverses, tout le monde en parle. Tout le monde en rit. Délions enfin les langues ! La poubelle est pleine. A qui la faute ?

 

 

Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, ne sont publiés et plébiscités  que ces auteurs emportés par des sujets à la mode qui font tourner les pages des lecteurs et incitent à la consommation. Ce sont ces auteurs maniaques de petits livres de 100 pages par an, fruit de naines comédies, avec des petites histoires d’amour tordues nées de rencontres ultra-rapides, avec des personnages souvent très caricaturés ; ces vieux auteurs très érudits étalant leurs fantasmes et leurs frustrations comme on étale de la confiture ; ces bonnes  femmes qui parlent de leur nombril et de leurs petites affaires ; enfin, presque toute la clique actuelle. De la littérature de bavardage ! Ce sont des histoires légères, facilement digestes et mystico-bandantes avec leurs touches amusantes et leurs anecdotes très divertissantes pour la ménagère de moins de 50 ans.  Ces gens-là ont l’art de produire des divertissements rentables à consommer sans effort. Ils réécrivent tout le temps le même livre voire la même histoire comme des clones, dans leur domaine propre. Ils sont tellement « forts » que, même avant la sortie officielle du livre, c’est déjà un nouveau best-seller autoproclamé, et déjà en tête de tous les classements ! Comme quoi, avec ces auteurs, l’écriture est une industrie et les lecteurs ivoiriens, cibles parfaites, des fascinés de « pages à tourner ». Il leur faut juste lire un truc très léger ! Et gare au critique qui osera lever le petit doigt pour signaler la poudrière !  

Pourtant n’est pas artiste qui dessine sur un bout de papier. Il y a une conscience supplémentaire dans la technique et la volonté de faire passer un message. Un auteur de littérature de gare ou de bavardage est-il écrivain ? Question vieille comme le monde ! Dans le Larousse en effet, l’écrivain serait « celui qui écrit des ouvrages » Brigue ! Cela est-il valable pour celui qui pond un bouquin pour un certain régime miracle ; quitte à dire des âneries selon lesquelles des points pourraient être accordés au baccalauréat en fonction du poids ou de la taille ? Non, restons lucides. Un auteur écrit une histoire, un écrivain fait vivre une expérience littéraire. Un auteur écrit plus au ressenti ou à l’instinct, sans réflexion sur les aspects techniques autres que ceux de la grammaire et de l’orthographe, alors que l’écrivain utilise – consciemment – un certain nombre de techniques au delà de cette grammaire/orthographe. L’auteur peut être bon à écrire, raconter une histoire, transmettre un univers sans être écrivain. Un écrivain, c’est une nécessité et une langue. Pas d’amalgame !

La distinction est effectivement très suggestive ! Mais ce sont deux approches différentes de l’écriture : d’un côté, c’est raconter des histoires (et donc se concentrer sur l’histoire) et de l’autre, c’est expérimenter, chercher, se planter sur l’écriture. On peut faire les deux, ce n’est pas incompatible. Et il n’y a aucun mal à se soucier de l’expérimentation littéraire. Au contraire, on y apprend beaucoup. Et on sert beaucoup à une société où l’alphabétisme épouse une excellente mention honorable, où le niveau de langue des élèves et étudiants est si drôlement médiocre.

Il est temps aujourd’hui que dans le milieu de la littérature ivoirienne, tous, éditeurs, libraires et auteurs y mettent un minimum de volonté pour réduire au maximum ces livres de gare qui chantent dans tous les rayons le chant de l’épouvante. Faisons des écrivains, car « bien écrire » et vendre ne sont pas indissociables !

 

Manchini Defala



13/03/2013
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