Coup de coeur/ L’île dévorée, une lecture de Inza Bamba
Les éditions Balafons viennent de mettre sur le marché un roman intitulé « L’Île Dévorée » dont l’auteur est Hilaire Kobenan. Après la dédicace qui s’est tenue à la bibliothèque nationale la semaine dernière, Inza Bamba qui a parcouru l’ouvrage, nous livre ici sa lecture.
Un jour de 2006, Lahou Kpanda, village maternel de l’auteur. Un tour en bord de mer pour retrouver les sensations de l’enfance et se replonger dans cette atmosphère qui a bercé les moments d’insouciance. Oh, que non ! Maintenant, une tragédie insidieuse se joue, loin des regards, dans un silence parfait. La mer lime ses dents et dévore à pans entiers la terre des ancêtres. Le déclic se fait là : il faut agir pour appeler à l’action.
Ce roman de 134 pages, paru aux les Editions Balafons, est un plaidoyer à l’endroit des gouvernants des pays concernés par le recul du trait de côte. Pour la première fois dans notre littérature, l’on montre du doigt ce phénomène qui hante la côte ivoirienne, de Bassam à Tabou.
Mais ce livre est avant tout un roman, c’est-à-dire une réécriture du réel ; bien que s’attachant à une question centrale, il n’en demeure pas moins une œuvre d’art dont la saveur et la teneur se trouvent avant tout dans le travail formel, les faits de construction du récit, le projet d’écriture, la vraisemblance des séquences narratives, bref, dans le talent du romancier.
Avec ce premier roman, notre auteur veut nouer un bail durable avec ses lecteurs ; il se veut donc un adepte d’une écriture pragmatique qui associe simplicité et profondeur, car pour lui le livre est l’instrument d’un dialogue avec l’autre.
C’est pourquoi le roman explore bien des questions de notre temps, analyse les enjeux majeurs de notre humanité et pose les questions de fond dans une société à la recherche de référence morale. Pêle-mêle, le lecteur y retrouvera les thèmes suivants :
- L’homme et le pouvoir politique : le pouvoir qui déshumanise au lieu de rendre plus humain, qui divise au lieu de réunir, qui détruit au lieu de construire, le pouvoir qui inquiète au lieu de rassurer
- La problématique du vivre-ensemble dans les sociétés africaines postcoloniales où la construction de l’idéal républicain bute sur des obstacles institutionnels et psychologiques
- La perception de la femme dans un monde marqué par les préjugés machistes et phallocratiques
- La construction d’une humanité débarrassée des complexes primaires : l’ethnie, le religion, la situation sociale etc.
Dans ces pages sobres et empreintes de sagesse, l’auteur promène un regard fin sur notre monde, notre vie. Il met en scène, sans excès ni emphase, le monde vu selon le prisme de son regard : kobena Hilaire a bâti un monde dans ce livre. Un monde comme le nôtre, c’est-à-dire un inivers tiré par le bas par nos vanités et nos prétentions. C’est ainsi un roman sans compromission, l’auteur refusant « l’attitude stérile du spectateur » (A. Césaire) ou la cécité honteuse des intellectuels abonnés au demi-silence. Ici, le sujet est grave parce que le texte interroge le quotidien et l’avenir des peuples insulaires d’ici et d’ailleurs. Les questions sont houleuses parce qu’elles interrogent nos certitudes inopérantes. Et pourtant, il s’agit d’un roman généreux qui nous invite tous à rechercher en chacun de nous les ressorts nécessaires pour être utiles à cette vie dont nous sommes tous des protagonistes. Ce livre peut être un bon compagnon pour qui sait le lire avec sensibilité et attention. A vos livres et bonne dégustation !
Inza Bamba
Enseignant-Ecrivain
in Le Nouveau Courrier du 12 juillet 2013
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