Bilan 2013 : Voici les noms qui ont fait bouger la littérature ivoirienne
Un dossier réalisé par:
-Manchini Defala
-Macaire Etty
La seule vraie certitude de toute année littéraire est la sortie de livres (bon, moyen, excellent, c’est selon). Le millésime 2013 s’est achevé avec une érection littéraire des plus surprenantes. Quoique pas très fameux, mais on peut déjà sourire. 133 livres, c’est un sacré record ! Les éditeurs ont glané. Les auteurs se sont exprimés. Des hommes et femmes se sont illustrés dans la veine de l’émotion. Dans cette effervescence en clair-obscur des hommes et des femmes, des structures et des groupes sortent de la mêlée.
Les auteurs
C’est par leur génie, leur inspiration que le livre jaillit du néant. Dans un pays où la presse considère la littérature commune une activité marginale, élitiste et non-lucrative, les écrivains ont du mal à occuper le devant de la scène. Six ont vraiment retenu l’attention du public et des critiques. Le premier est Venance Konan. L’écrivain n’est plus à présenter. Il peut même s’enorgueillir d’avoir marqué l’année 2013 et pour une raison simple et noble : il est le Lauréat du Grand prix littéraire d’Afrique Noire. Et cela suffit pour être l’écrivain de l’année écoulée. Chapeau à l’artiste !
Derrière Venance Konan se dresse l’inusable Isaïe Biton Koulibaly. Même si l’auteur prolifique est parfois la cible de certains critiques pour des raisons de langue, il est indiscutablement l’écrivain le plus lu et le plus adulé. Et c’est bien pour cela qu’il s’est vu décerné à juste titre le prix de meilleure vente de la librairie de France. Yehni Djidji ! Voici une jeune plume qui a laissé des traces sur le chemin de l’année écoulée. Même si son livre ne grimpe pas encore l’escalier des ventes, Kakou Fonou N’Guessan Rosine, de son nom à l’état civil, est l’une des jeunes révélations de 2013. Bronzée jusqu’aux dents pour avoir arrachée la troisième place aux jeux de la francophonie à Nice, elle mérite un clin d’œil spécial. Bravo ! Le Prix Ivoire a échappé aux écrivains ivoiriens. Ont été nominées cependant Flore Hazoumé et Josette Abondio. Même si les deux auteures n’ont pas remporté ce Prix, elles n’ont pas démérité. Leurs plumes ont laissé des traces dans nos glandes. Nous espérons pour elles des lendemains meilleurs. Le Jardin d’Adalou de Flore Hazoumé est un roman de grande valeur. Enfin dans un autre registre, la Bande Dessinée, l’auteur qui a plané très haut est Benjamin Kouadio. Son BD Les Envahisseurs ajoutée à ses anciennes productions l’a installé dans le panthéon.
Les éditeurs
Peut-on parler de Livre et les oublier ? Ils ont régalé les Ivoiriens à travers cette montagne de publication. On a dit : 133 livres pour la seule année 2013. Rien à dire ! C’est une citadelle en Côte d’Ivoire ! Pour 2013, nous avons retenu que trois éditeurs. Ils sont certainement ceux qui ont été les plus en vue. Les Editions Balafons font partie de ceux-là. Encanaillée très souvent par la critique, Les Editions Balafons restent pourtant la maison d’édition la plus prolifique des nouvelles plumes. 56 livres pour l’année 2013 ! Quel exploit ! Leurs productions ont connu un grand progrès. Les couvertures s’expriment. Les rendus sont mieux affinés. Et terminer l’année de cette manière laisse prévoir pour demain des chiffres en fleur.
Les Classiques Ivoiriennes ! Voici un éditeur qui s’affirme au fil des années par son professionnalisme. Pour avoir enregistré deux auteurs nominés (Le jardin d’Adalou de Josette Abondio et Je te le disais bien de Flore Hazoumé) pour le Prix Ivoire, cette maison se distingue comme l’une des plus sérieuses de notre pays. En sus, cet éditeur a le mérite d’avoir participé à des salons du livre en dehors de la Côte d’Ivoire. Et cela n’est pas rien.
Comment ne pas citer aussi Frat-Mat Editions? La maison d’édition sortie des entrailles du groupe Fraternité Matin poursuit son petit bonhomme de chemin. Elle s’est bien comportée à travers des publications d’ouvrages et de nombreuses dédicaces. Depuis que Isabelle Kassy Fofana a été nommée à la tête de ce service, on note un regain de vitalité qui ne passe pas inaperçu. Frat-Mat éditions peut se vanter d’avoir organisé de très belles et fructueuses cérémonies de dédicaces.
Top Chrono vous connaissez ? C’est la marque que portent les annales mises sur le marché par les éditions Matrice. La jeune maison d’édition avec à sa tête son DG Yao Dénis s’est illustré en 2013 dans la littérature générale avec la publication de La Lycéenne de Mathurin Irié. Ce roman a mis au grand jour les ambitions de cette maison avec laquelle il faut compter pour les années à venir
Les libraires
Dans la chaine du livre, les libraires constituent un maillon essentiel. On les honore moins. Parce qu’ils vendent et font des chiffres. C’est vrai. Mais tout le monde vend et veut faire des chiffres. Voilà ce qu’on oublie tous parfois. Ils sont la vitrine de la littérature. Ils ont besoin d’être applaudis. Parce qu’ils font un travail remarquable. Ils donnent de la lumière aux livres. C’est eux qui donnent envie d’écrire. Pour 2013, deux seulement ont donné des étoiles à la cuvette.
En tête La Librairie de France. Sans être grand-père, on peut dire sans trembler qu’elle demeure la plus grande librairie en Côte d’Ivoire. Pas seulement pour sa taille, mais pour son action pour le Livre et le respect qu’elle affiche pour ses auteurs à travers le Prix de meilleure vente. Et pour 2013, on note 98 dédicaces. Pas mal ! On espère que 2014 doublera la mise ! La Librairie Aleph n’est pas restée, elle aussi les bras croisées. Elle, c’est la révélation de l’année. 72 dédicaces enchaînées avec un public sur chameau pour une si jeune librairie, quoi de plus génial ! L’interview que son DG a accordée à Le Nouveau Courrier nous a fait découvrir un libraire cultivé, soucieux de l’avenir du livre en Côte d’Ivoire.
Les bibliothécaires
Il ne faut pas se le cacher, ceux-là dans notre pays sont les oubliés de la culture. Ils font tout pour rester sur scène, et on ne fait rien pour qu’ils passent l’autre podium. D’où la disparition des bibliothèques. Pourquoi ? La question prend de l’âge. Et on répond avec des virgules. La Bibliothèque Nationale par son statut reste la référence. Mais rigoureusement, elle est restée uniquement un lieu de cérémonies de dédicaces, de réceptions nuptiales. Elle n’a aucunement fait la différence sauf qu’elle reste un bâtiment triste, avec un amphi aux murs lugubres. Pour 2013, deux bibliothécaires ont gravé leurs noms dans la mémoire du Journal Ivoirien. Deux. Seulement deux.
Il y a d’abord Sydney Karams, le gourou de la bibliothèque sociale de Treichville. Son Romandrôme est une coruscante flamme littéraire. Construite sur des crochets de bois, où la pluie et le vent font de grosses fêtes, elle a vu la visite légendaire de Venance Konan, Directeur Général de Frat-Mat qui a promis lui donner un coup de main. Cet animateur culturel hors pair mérite énormément de respect. Il y a ensuite Mariame Gba, la placide écrivaine et bibliothécaire du Plateau. Directrice de la Bibliothèque du District, Mariame Gba n’a pas manqué de monter le livre vers le haut. En 2013, avec peu de moyens, elle a réussi à organiser des rencontres inoubliables. Qui ne se rappelle son concept « CréAction Expos » qui s’est matérialisé les 10, 11 et 12 octobre dans son fief du Plateau ? Au centre de cette « fête », le livre consacrée par les rencontres mémorables du public avec Fatou Kéita et Tiburce Koffi, deux écrivains les plus célèbres du pays. Au chapitre des animations des bibliothèques, certainement que le CDI (Centre de Documentation et d’information) de l’Ambassade des Etats-Unis a été la structure la plus en vue l’année dernière. Ce CDI a battu un record inimaginable : 171 activités littéraires qui ont vu la participation de 13000 amoureux du Livre. Nous saluons Lydie Angoran et ses collaborateurs pour le travail abattu en faveur d’un monde éclairé par les lettres.
Les organisateurs de prix
Une seule, bien seule, reine des grands rendez-vous littéraires reste celle qu’on félicitera encore. Encore. Et encore. La belle aux yeux de rose, l’inimitable Isabelle Kassy Fofana méritera toujours les applaudissements du monde littéraire Ivoirien. Chapeau ! En 2013, son équipe au sein d’Akwaba Culture a encore démontré son professionnalisme et son zèle pour la littérature. Le Grand Prix Ivoire s’est culminé par une cérémonie grandiose qui s’est tenu au Golfe Hôtel, dans un cadre féérique comme pour dire que les écrivains méritent aux aussi « le paradis ». Le dernier Prix Ivoire a été remporté par la Camerounaise Hemley Boum. Au compteur d’Akwaba Culture, il faut révéler la présence des écrivains de renommée, les invités spéciaux que sont Thierno Monenembo, Ken Bugul et Véronique Tadjo. La Côte d’Ivoire littéraire a besoin d’être soutenue par des prix sérieux et de renom. Pour le moment Akwaba Culture occupe seul le terrain.
Les animateurs du front littéraire
Nous n’avons pas trouvé meilleure formulation pour les désigner que « Les animateurs du front littéraire ». Ok ! Nous ferons avec. Nous pensons d’emblée à « ce géant sincère et engagé » de la culture ivoirienne : Henri N’Koumo. « Monsieur Livre » l’appellera-t-on ! Le Directeur du Livre de Côte d’Ivoire ne manque à aucune illustration littéraire. A toutes les cérémonies littéraires (dédicaces, cafés littéraires, conférences…) où il est invité, il a répondu présent avec une simplicité et une humilité plaisantes. Il vit le Livre. Il vit du livre. Il vénère les chants de l’écriture. Il adore le nom et la chose. Si le Livre a connu un grand succès cette année (2013), si les écrivains ont goûté à un grain d’espoir quant à leurs conditions de vie, c’est bien sûr grâce à cet immense homme de culture. « Le Livre c’est ma vie. Le Livre c’est ma passion. Et puis, que vaut un pays où le Livre ne vit pas ? » nous dira-t-il pour clore l’année ! Au Salon du Livre, il a « mouillé le maillot ». Au four et au moulin, à la fois proche des écrivains, des exposants et des invités, il s’est démultiplié pour que l’événement soit à la hauteur de l’honorabilité du pays.
Le salon du livre, c’est bien une fois dans l’année. Mais la littérature doit à tout instant rester debout pour ne pas qu’elle s’affale. ET c’est bien là que réside l’importance des cafés littéraires, rencontres d’échanges et de débats qui ont fait la gloire de la littérature française. Si Koffi Koffi et son Point de Lecture se veulent pionnier sur ce chemin, il faut reconnaitre que Marie Cathérine Koissy a avec constance a œuvré tout au long de l’année pour animer un café littéraire dénommé joliment les AfrterWorks. Marie-Catherine Koissy est un autre nom déjà très connue qu’on ne peut désormais plus oublier ! Et bien oui, la « Prêtresse » ou « madame Providence » a couronné l’année avec un dixième café littéraire à la couleur de son penchant démesuré pour le Livre. Et elle finira même par avouer à la veille du nouvel an qu’« Il faut aimer les livres, comme on aime les hommes… » Elle reste la découverte 2013 la plus glamour du Livre en Côte d’Ivoire. Sery Bailly, Régina Yaou, Tiburce Koffi, Inza Bamba, Hilaire Kobenan et bien d’autres auteurs ont eu l’honneur de meubler ses rendez-vous littéraires. La littérature ivoirienne ne se limite pas à l’espace abidjanais. Dans les villes de l’intérieur des activités ont eu et ont donné au livre sa première place. De Bondoukou à Divo en passant par Abengourou, le livre a été célébré de diverses manières.
Parmi les animateurs de l’intérieur se trouve en bonne place Hyacinthe Kakou. Le directeur régional de la Culture est un amoureux fou du Livre et il l’a démontré maintes fois! A Daloa, avec une régularité il a multiplié de multiples rencontres culturelles et des concours littéraires. On n’oubliera pas que c’est lui qui a motivé et encadré Yehni Djidji, médaille de bronze des jeux de la Francophonie. Justement, Yehni Djidji mérite de figurer parmi ceux et celles qui donnent vie au livre par l’organisation de cadres d’échanges et de débats.
Avec son concept Livresque, la première « bronzée » catégorie littérature aux jeux de la francophonie de Nice a su marquer ses talons dans la veine littéraire. Avec 4 éditions bien réussies, on ne peut que lui dire : chapeau ! Au passage nous saluons Chantal Adjiman. Cette amazone se bat pour rapprocher les femmes et les enfants du livre. Nous n’oublions pas de faire un clin d’œil à Emeraude Djôlô, la mère de Livrodome.
La presse
L’une des vocations de la Presse c’est de participer à l’éducation de la masse. Et cela passe nécessairement par la promotion des œuvres littéraires et leurs auteurs. Malheureusement, sur toute la ligne, la presse a été timide. Bon, va-t-on lui en vouloir ? Puisque la politique a le volant. Cependant, d’autres ont su lire le ciel. Le Nouveau Courrier et Zaouli se disputent la première place. Même si la mer ne se dit pas salée, le tigre sait souvent se tenir devant un miroir. Et bien oui, la palme d’or, en ce qui concerne les quotidiens, revient indiscutablement à Le Nouveau Courrier. Ce journal est le seul capable de consacrer deux pages tous les vendredis à la littérature, soit huit pages dans le mois. C’est une machine qui traduit aujourd’hui le travail littéraire de tous les acteurs du Livre.
Zaouli le magazine culturel mensuel vient juste après Le Nouveau Courrier. Ouvert à tous les espaces de la culture, Zaouli consacre 7/12 pages au Livre et aux évènements littéraires. S’il reste un « polémiste félin », Tiburce Koffi sait combler à travers sa page Sanctuaire la timidité des critiques littéraires du journal gouvernemental Fraternité Matin. La Radio et la télé nationales devaient en principe s’arracher la part du lion dans la promotion de la littérature. Ce n’est véritablement pas le cas actuellement. Les radios de proximité leur dament le pion. Cocody FM a joué avec brio sa partition littéraire. La Radio Amitié 100.1 FM de Yopougon, avec son jeune et fougueux animateur Jean Paul Adomon a fait un travail remarquable pour la visibilité des écrivains ivoiriens. Face au silence de la télé, le net s’impose comme une autre voie. Ainsi sur IvoirTV.net, Sylvestre Ouraga et son équipe s’activent à donner un visage à nos activités littéraires. Onuci-fm la radio de la paix n’est pas en reste. Elle a choisi de faire connaître les jeunes auteurs. Et elle le fait bien. L’animateur, homme de Lettres bien connu, Foua Ernest de Saint-Sauveur, ancien président de l’AECI, sait faire sonner la cloche. Les télévisions nationales ne sont pas totalement à blâmer. Même si la plage littéraire de Caroline Traoré epse Da sylva sur la RTI1 a cassé ses jambes en si bon chemin, même si celle d’Eva sur RTI2 a encore la poitrine maigre, il faut reconnaître à ses dames le mérite d’avoir osé et proposé.
in Le Nouveau Courrier du 10 janvier 2014
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