Le Jour de demain, un traité spirituel dans un récit profane.
Le jour de demain... Depuis quelques jours, cette expression a reçu une nouvelle signification. Dans les discussions, les médias ou les librairies, partout où elle sera entendue, elle fera désormais penser à la toute dernière production livresque de l’écrivain ivoirien que l’on peut se passer de présenter : Isaïe Biton Koulibaly.
Le jour de demain est un roman de 276 pages et 16 chapitres écrit dans une langue qui se dépouille pour se rendre accessible. Avec cette œuvre, Isaïe Biton et Frat-mat éditions donnent une seconde vie au personnage principal d’un précédent livre qui a été un best-seller : Et pourtant, elle pleurait. Il s’agit donc d’un vrai défi et d’un lourd héritage que doit assumer le jour de demain. Les arguments ne manquent pas à cette œuvre pour séduire.
C’est d’abord, une histoire palpitante et trépidante qu’elle expose. Ceux qui parmi les lecteurs ont pleuré ou se sont énervés par la fin réservée à Bob (Robert) Williams dans « Et pourtant, elle pleurait », auront le sourire en découvrant la nouvelle quête qui est la sienne. Difficile est néanmoins le chemin qui doit conduire Bob au rachat. Entre intrigues de femmes, machinations politiques, rumeurs, tentations et encore beaucoup d’autres écueils, Bob Williams doit trouver la foi et la force pour répondre à l’appel de Dieu et des pauvres. C’est un combat de Titans qui demande par moment l’intervention de Dieu pour faire réussir son élu: la mort de Blandine Govias(p 96), le départ de Lola Zéguémandia (p 212) le mariage inattendu de Yinka Joly (p 226), la démission de la sœur Orlice Djégba ( p 236). Mais Bob Williams fait montre avant tout de quelques qualités personnelles qui font de lui un héros au sens plein du terme. Et en même temps qu’il se réalise, Bob aide la communauté à faire un bond qualitatif vers « Talkatrey Ban » , fin de la misère en langue songhay (p 122).
Le jour de demain est aussi, un clin d’œil fait par l’auteur à l’Afrique des défavorisés. Défavorisé certes, mais maître de ses humeurs, riche de sa pauvreté et passablement consciente de son importance dans la société, cette nouvelle caste vivant en marge de la ville et ses facilités constitue une preuve palpable d’une mauvaise tropicalisation de la société occidentale d’inspiration judéo-chrétienne. Les nombreux déboires des populations du bidonville « Hondy-hors-la-loi » devenue après sa destruction Renaissance-Hondy sont donnés par l’écrivain Biton à voir comme résultant d’une démission collégiale non assumée des instances politiques et religieuses. Si Biton semble excuser l’homme politique africain qui est notoirement connu pour n’être presque jamais à la hauteur des espérances, il est moins tendre avec le microcosme clérical. De nombreuses brebis égarées parmi les religieuses et les prêtres ont entraîné « la fumée de Satan dans l’église »(p 16), (p23), (p49), (p92),( p 254). Bob Williams, malgré son statut a priori peu enviable de prêtre ayant démissionné, engrange auprès des pauvres de Hondy-la loi les galons et la légitimité qui feront de lui un vrai engagé sur le chemin de Jésus-Christ. Chemin de charité et d’efforts désintéressés, mais véritable chemin que doivent emprunter prudemment les hommes de Dieu pour donner au monde la lumière qui lui manque.
Bien entendu, traiter de toutes ces importantes questions sociétales sans moraliser ou ennuyer le lectorat est une difficulté supplémentaire. Le jour de demain la relève avec brio. En ce sens, l’auteur parvient à se faire metteur en scène de la vaste comédie sociale. Il rend au bout du compte une copie presque propre de la société africaine. Marquée par des crises centrifuges et centripètes, cette société déséquilibrée qui engendre des individus fragiles et fragilisés n’est ni à plaindre, ni à rejeter. Elle est à conduire sur la voie de la renaissance et de la rédemption par le respect des prescriptions divines. « Le jour de demain appartient à Dieu. Il ne t’appartient pas.(...) Demain est à Dieu : remets-le Lui » (p 275).
Le jour de demain est un livre spirituel qui emprunte le chemin du monde pour se faire comprendre.
Tah Bayi Saint-Clair
in Le Nouveau Courrier du vendredi 18 juillet 2013
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