LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

La rose des vents de G. Zreik : un chef d’œuvre au cœur de la grisaille

 

 

Il y a des livres qui lorsqu’on a fini de les lire ne vous lâchent plus. Ils vous habitent, vous mordent. Pas à la manière d’un film d’horreur. Mais à la manière d’une révélation. Tel est le roman La Rose des Vents de Georges Zreik. Un roman « mâle » et fort qui tient sa force à la fois par son épaisseur sémantique que par son style hardi.

  

 

 

Une intrigue dense et novatrice

 

La Rose des Vents est un roman moderne qui ne peut connaitre le dépaysement nulle part dans le monde. Autant il plaira aux lecteurs des pays du Tiers-Monde, autant il titillera la conscience de ceux des grandes puissances. L’intrigue est un bijou taillé par l’imagination d’un véritable démiurge. Œuvre d’anticipation, l’histoire se déploie dans un futur lointain. Mais la diversion n’a raison que de ceux qui se laissent facilement avoir. Malgré les précautions de l’artiste pour demeurer dans la fiction, la fragrance de la réalité nous saisit « d’un bond de jaguar ».

De quoi s’agit-il ? Le monde entier est sous le pouvoir et le diktat de « l’Ordre » une organisation regroupant tous les puissants de ce monde. Fondé sur ses intérêts économiques,  « l’Ordre » ne s’embarrasse pas de scrupules pour faire tourner tous les événements de la planète en sa faveur. Mais depuis un moment toute l’attention de l’humanité est braquée sur une rose blanche immaculée, une plante magique découverte par Fada Kado dit F.K, un jeune botaniste, idéaliste et humaniste. La particularité de cette fleur est que respirée, elle « submerge d’enthousiasme » et « anime d’une détermination et d’un volontarisme jugés exceptionnels ». La trouvaille de Fada, dérange « l’Ordre » qui craint pour son hégémonie. Après des tentatives vaines pour contrôler le nouveau phénomène, l’organisation décide de le détruire. Une voie : semer la guerre. Le pays de Fada plonge dans un chaos indescriptible. Ne supportant pas la destruction de la vie et la folie meurtrière, F.K préfère se sacrifier. Ce n’est pas la fin cependant. Dans les ténèbres d’un monde en décadence, luit l’espoir comme un soleil glorieux. Des résistances s’organisent pour faire triompher l’esprit sur les convoitises de la chair.

 

Un message philosophique et spirituel

 

Les dernières pages bruissent de pensées profondes où transpirent spiritualité et humanisme. Le message que F.K. laisse à l’humanité se veut didactique et prophétique. Souvent, ses accents charrient mélancolie et douleur. Son regard sur le monde qui chavire est impitoyable : « Il y a bien longtemps que les êtres agités se sont accaparés les premiers rôles, ont perverti les valeurs simples de la vie, brisé l’ordre de la nature, et pris les hommes en otage. Et voilà qu’ils nous précipitent, tête baissée, dans une course folle, qui ne verra sa fin qu’au milieu de cités peuplées de cauchemars collectifs, et de gâchis infinis » (page 69)

Le message du héros est, avant tout, une exhortation à plus de spiritualité, d’amour et de partage. Les enseignements à tirer sont nombreux. Les interprétations qui s’y prêtent sont innombrables. La constance philosophique est que l’esprit doit transcender la matière. C’est la seule voie pour sauver la vie. « La vie est un don. Elle se nourrit de reconnaissance, d’humilité et de pardon, et non de haine et de puissance. Ce monde, créé avec tant de générosité et de richesses, révèle le grand rôle dévolu à l’homme, dans la continuité de son œuvre : il est conscience, son gardien et son protecteur » (page 110). F.K rêve d’un monde centré sur le bonheur de l’homme, un monde qui pourra comprendre que l’exaltation de la matière est une voie qui mène à la déchéance. La Rose des Vents bien que laissant transpirer la menace qui plane sur l’humanité est un appel au réveil, un « évangile » prêché à la conscience humaine. La vision du romancier est humaniste. Le « sacrifice » de F.K a la splendeur douloureuse de celle du Christ qui donne sa vie pour que sauver l’humanité.

 

Un récit allégorique

 

La Rose des Vents est à la fois une allégorie et un poème.

D’abord, il se veut une allégorie du monde moderne, pris dans les serres des intérêts économiques et du capitalisme effréné. Il se veut précisément un récit allégorique de l’humanité en décadence. La mondialisation et la globalisation boostées par les technologies de l’information et de la communication semblent être des moyens de domination et de contrôle  d’un nouvel ordre mondial qui se met progressivement en place. Dans cette perspective farouche et impitoyable, toutes les méthodes aussi violentes que perverses sont convoquées pour faire main basse sur les richesses du monde. Pour cela, on n’hésite pas à fomenter des complots, à allumer la guerre, à susciter des coups d’Etat, des rebellions et des conflits fratricides. Le plus important c’est d’assurer l’hégémonie du nouvel ordre qui ne veut rien laisser au hasard. La rose pour laquelle l’apocalypse a été installée au pays de Fada est la métaphore de la richesse spirituelle, seule richesse susceptible de sauver « les petits ». Le livre de Georges I. Zreik est un puissant éveilleur des consciences. Il nous permet de mieux comprendre les enjeux et les absurdités qui balafrent le monde d’aujourd’hui. Tout dans son texte est message, symbole. La « rose immaculée » découverte au terme d’une quête épique, la ville de « Cramoisia » qui venait de faire son entrée « l’OGV », le pays de Zade, « l’Ordre », les personnages de Fada Fako, Lilly, Allan Wells …tout se veut actant et porteur de sens.

 

Une parole poétique

 

La Rose des Vents est aussi un long poème. Il se veut une célébration de la vie en tant que trésor, en tant qu’entité précieuse et incommensurable. Au détour de chaque phrase, se perçoit la grande sensibilité de l’auteur. Du début à la fin, le poète se veut certes critique mais surtout semeur d’espoir et de vie. Le livre a la force d’un hymne à la pureté et à la vie. Les mots sont choisis pour leur force évocatrice ; les phrases sont graves et belles. La musique, le chant, le rythme comme le veut Senghor sont au rendez-vous. Des paragraphes voire des chapitres entiers sont d’une prodigalité poétique incroyable. Les procédés rhétoriques s’accumulent, se succèdent avec un souffle digne des plus grands artistes de ce monde. Morceaux choisis : « …paralysé par une douce lueur, qui provenait d’une niche à l’entrée de la grotte : une rose immaculée rayonnait là…blanche à faire pâlir la pureté, resplendissante à faire ternir la beauté » (page 10), « Par la volonté de l’Être est née la matière. Elle déferla par vagues à travers l’univers, se brisa sur mille rivages, projeta ses plus belles écumes et donna la vie exubérante et fragile… » (page 21)

Des pépites qui apaisent les attentes tyranniques des puristes et des amateurs authentiques du Beau.

La Rose des Vents de G.I. Zreik est un chef d’œuvre.  Le roman a été publié depuis 2002 par Nei-Ceda. En 2008, il connait sa troisième édition. Pour nous, il connaitrait encore d’autres éditions et un destin lumineux. Vous voulez lire un grand livre publié en Côte d’Ivoire, alors lisez ce livre !

 

ETTY Macaire


in LE NOUVEAU COURRIER du vendredi 7 decembre 2012



07/12/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 282 autres membres