LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

En 2009, sur une idée de Guy Lambin, l’écrivaine ivoirienne Régina Yaou, écrit un livre avec pour toile de fond, le premier coup d’Etat de Côte d’Ivoire. Le livre a été publié chez Nei dans la collection « Plaisir de Lire ».

L’histoire a pour contexte un coup d’Etat dans un pays  africain, la Côte d’Ivoire. Les indications spatiales et temporelles dans l’œuvre ne laissent aucun doute. Le changement de régime est aussi brutal et qu’inattendu. Une première dans ce pays considérée comme une oasis de paix. L’atmosphère est lourde. La psychose plane. Les familles se sont barricadées. Toutes les activités socio-économiques sont simplement bloquées. Dans les rues, règnent en maîtres des hommes en treillis, en armes aux poings. Les bruits de bottes et le crépitement des rames perturbent la quiétude habituelle. Dans cette atmosphère de psychose, deux cœurs se rencontrent, deux cœurs battent  et se trouvent des points communs. Au fin fond de leurs entrailles, l’amour comme un tison indomptable vit, dru et indomptable. Carole Assi et le capitaine Jean-Louis Ezoro, au-dessus de la mêlée, goûtent au miel de Cupidon et de Venus. Rien ne peut compromettre leur volonté de lier leur destin. Ni le climat délétère ni Bernard « le fringant ex-député », qui jusque là était l’ami de Carole.  Les nouveaux amoureux ne se laissent point distraire. Fiançailles puis projet de mariage. Mais chemin faisant, l’inattendu se produit : l’élu, soupçonné de trahison, se retrouve, sur l’ordre du General, le chef de la junte, dans les liens de l’incarcération. Le mariage peut-il avoir lieu lorsque que le futur marié se retrouve derrière les barreaux ?

Régina Yaou entretient le suspense d’une manière admirable. La narration se déploie comme un conte où l’impossible peut être possible. Le lecteur au fil des pages se nourrit d’espoir face à une Carole déterminée, qui, transcendant le visible, ordonne que l’organisation du mariage se poursuive et que la date de la célébration soit maintenue. Le jour J « tout à coup, une Mercedes à l’immatriculation PR entra dans la cour de l’Hôtel de la Ville…Jean-Louis Ezoro, beau comme un dieu dans sa vareuse sombre et rasé de près, mit pied à terre. Un tonnerre d’applaudissements l’accueillit » (pages 154-155). Quand au bout des surprises, le mariage est scellé dans une atmosphère de miracle, le lecteur se sent soulagé et se met à partager la joie.

« Coup d’Etat » malgré son titre inquiétant est une belle histoire d’amour entre deux cœurs purs, pétris de foi. Mais ici nous sommes loin de « l’harlequinisme » plat et fade, loin des historiettes roses sans inspiration. Régina Yaou, par cette habileté qu’on lui connait, a su doser son intrigue du sel qu’il faut, nous permettant  de découvrir la force innommable de l’amour. En situant son histoire dans un contexte de feu et de poudre, elle consacre le triomphe de l’amour sur la brutalité et la force aveugle. Au-delà de l’amour, le récit qui nous est servi est un hommage à la foi. Car c’est la foi qui a porté l’amour sur ses ailes jusqu’à son couronnement par le mariage. Sans être un livre au style tranchant et révolutionnaire, « Coup d’Etat » étanchera le plaisir de lecture de bon nombre de personnes.

L’originalité de ce récit réside dans ce pouvoir que l’auteur s’est donné de réussir à cueillir des roses dans un champ d’épines, à transformer la psychose ambiante en une idylle digne des plus belles pages d’amour. Derrière les lignes du récit, coule la rivière de l’âme de Régina Yaou, une âme éprise de Dieu et de spiritualité. « Coup d’Etat » est un chant d’amour et de foi qui peut servir de motivation à tous ceux qui jusque là minimisent la puissance de ces deux vertus spirituelles prônées par les livres sacrés.

Etty Macaire

Régina Yaou, Coup d’Etat, Nei, roman, Abidjan, 2009

in Le Nouveau Courrier du 8 mars 2013