LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

La Lycéenne de Mathurin Goli Bi Irié : La face hideuse du temple scolaire

 

S’il y a une chose que nous pouvons reprocher à l’auteur dans ce roman c’est cette trop grande place faite aux dialogues.  L’exemple le plus ahurissant est ce dialogue qui va de la page 17 à la page 41. Simplement excessif ! Un roman est une narration qui n’est pas le moindre des arts littéraires. Notre auteur aurait pu écrire une pièce de théâtre simplement si son souci est de faire la part belle aux répliques et aux tirades.

 

 

Littérature à l’eau de rose ? Que non ! Le titre du roman associé à l’image de la première page couverture, l’image d’une belle jouvencelle, ouvre la porte à une telle hypothèse de lecture. Une chose est sûre : « La lycéenne » est loin d’un roman à l’eau de rose même si l’intrigue tourne autour d’une une histoire d’amour. Mais quelle histoire ?

Mireille Ozoua, jeune lycéenne en classe de Terminale, est amoureuse de Galaty, un de ses professeurs. Crime de lèse majesté ! L’administration, le personnel du lycée et le concerné informés, crient au scandale. La sanction tombe lourde et exemplaire : Mireille est exclue de l’école. Commence alors pour elle une descente aux enfers. Les journaux à scandale et le syndicat des élèves s’en mêlent. L’affaire prend une allure nationale et pousse des tentacules. Sous la pression de tous, Mireille est réhabilitée et reprend le chemin de l’école alors que le proviseur, lui, est déboulonné de son poste. A la chute du livre Galaty le professeur qui s’est forgé une image de saint se retrouve avec Mireille (fraîchement admise au Bac) dans un lit.

« La lycéenne » ne se contente pas de raconter une histoire, il se veut une interrogation plurielle sur les rapports entre élèves et professeurs : est-il criminel pour une jeune fille de tomber amoureuse d’un enseignant ? A-t-on le droit de vouer des élèves ou des profs aux gémonies alors même que la société elle-même est sous l’emprise du sexe ? Le lycée n’est-il pas à l’image de la société qui l’a généré ? « Le vice est rampant et même irrémédiable.....Notre lycée ne sortira pas sans en être altéré » (p 17) « Pour connaître notre lycée, tu devras lever tes yeux vers les rues de notre capitale. C’est un nid de vices. Le danger y est permanant…tout est sexe » (p21)

 Mathurin Irié soulève dans ce roman des questions de fond. Son projet transcende l’émotion que suscite le scandale causé par Mireille Ozoua. Il s’agit pour lui d’exhumer sans complaisance tous les problèmes qui minent le système éducatif depuis des lustres. Un procès en somme de l’école. Aucun acteur de la chaîne n’est épargné. La plume de l’auteur, impitoyable et despotique comme enragée frappe de tous les côtés. Elle flétrit les élèves vicieux, les parents d’élèves démissionnaires, les chefs d’établissement imbus de leur portion de pouvoir, les pédagogues vantards et déficients. Acérée, amère, irrévérencieuse, iconoclaste, elle terrasse les tabous et ouvre les portes interdites. Incompétence, inconscience, concupiscence, corruption, abus de pouvoir, droit de cuissage, médiocrité…Rien n’est laissé à l’ombre.

Le mérite de notre écrivain c’est d’avoir su mettre à nu, à partir d’une trame assez complexe, les puanteurs et les pestilences d’un système vicié. L’école, le temple du savoir, le bois sacré, est peinte comme un univers d’intrigues, d’indécence et de vices de toutes sortes.

L’écriture de ce roman est plaisante ; le style est vivant et coloré. Généreuse, exubérante et foisonnante, la prose de Mathurin Irié ne laisse aucune place à l’ennui. « La lycéenne » c’est aussi l’audace irrévérencieuse d’une jeune fille qui, aux antipodes des convenances, a su braver les tabous pour savourer l’amour. Autant ce personnage féminin, Mireille, va susciter des sympathies, autant elle va intriguer bon nombre de lecteurs. Le livre de Mathurin Irié va certainement susciter des débats qui dans tous les cas participeront à mieux penser et panser l’école blessée.

Etty Macaire


Mathurin Goli Bi Irié, La Lycéenne, roman, les éditions Matrice, 2012

 

 in Le Nouveau Courrier du vendredi 22 février 2015

 



22/02/2013
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