LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE D’ABIDJAN : L’AGONIE D’UNE MEMOIRE COLLECTIVE ?

 


 J’aurais voulu la voir reconstruite immédiatement, magnifiquement et magiquement sous chaque mot coulant de ma plume, cette Bibliothèque, comme si j’eus été, l’instant d’un rêve, Merlin l’Enchanteur en personne… Etre Ecrivain, comme je le suis, c'est-à-dire un créateur littéraire, et voir, à travers l’agonie magistrale de cette Institution de la culture, le naufrage des intelligences, c’est métaphoriquement comme Dieu regarderait l’humanité, « assis sur le rebord du monde », pour voir ce que les hommes ordinaires en ont fait (Francis Cabrel).

 


Notre Bibliothèque Nationale d’Abidjan se meurt au vrai sens du mot, non pas seulement par son architecture, aujourd’hui désuète et ridicule, qui accable, avec une certaine tristesse, les regards de passants ne voyant là qu’une épave misérable de ce qui était, jadis, le dépositaire monumental de notre Histoire culturelle, mais aussi par son équipage livresque en perdition. Allez en visite à cette Bibliothèque : clôtures envahies par la broussaille et infectées par la promiscuité délabrée, murs salement noyés d’affichettes incongrues, portails mangés par la rouille, terrain d’intérieur devenu le dépotoir des mal famés, des rôdeurs et des maraudeurs, édifice baignant littéralement dans cette insalubrité incommodante et honteuse qui insulte la morale des puritains… Tout, dans l’enceinte de cette bâtisse, respire le désespoir, le sinistre, l’anéantissement. La fin d’un temps, la fin de quelque chose. Quant aux livres, qui y sont engrangés, qui ne sont maintenant que des épaves de créations momifiées et oubliées dans leurs caveaux mortuaires, que donnent-ils aussi à respirer ? Simplement l’odeur de la mort des… Arts. Qui irait s’instruire dans un tel cimetière de livres ? Qui irait se laisser attirer dans une telle grotte fantomatique ? L’âme et la mémoire de la Culture n’y sont plus que des ombres qui font fuir les lecteurs et les chercheurs, les apprenants et les savants…

Tous tournent casaque et vont joliment à l’Institut culturel français, qui n’est pourtant que l’appendice de la Bibliothèque Nationale de Paris, dans notre pays. Là-bas, tout respire le beau, le bon, le bien. Tout y est parfait. La Culture s’y montre resplendissante, à tous, et ouvre héroïquement ses bras à quiconque veut voir, toucher, feuilleter, lire, découvrir les livres de penseurs et d’écrivains, la culture du monde. Là-bas, la création littéraire, toute disposée à satisfaire la curiosité intellectuelle, invite même à être des créateurs, pour contribuer à perpétuer l’universalité des Arts créatifs. Comment ne pouvons-nous donc pas rester si loin de cette vocation universelle de la Culture, quand regarder mourir théâtralement notre bibliothèque Nationale d’Abidjan n’interpelle même pas notre ministère de la Culture et de la Francophonie, et l’écrivain émérite qui en est aujourd’hui le ministre ?


SYLVAIN TAKOUE,

Ecrivain-Journaliste ivoirien,

Critique littéraire et d’art

sylvaintakoue@yahoo.fr

Tél. : (225) 58 30 40 00.

 



16/12/2011
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