Interview avec Ankon Justin Miessan, Auteur de Tombe Nuptiale
Ankon Justin Miessan est l’auteur du roman Tombe Nuptiale publié aux éditions Les Classiques Ivoiriens. Après la lecture critique que nous avons faite de son roman qui brille de toutes les diableries de la vie, nous l’avons rencontré. Une belle occasion, pour lui, de mieux défendre son œuvre. Entrevue…
Tombe nuptiale… comment vous est venu ce titre?
Ce titre pour exprimer et/ou mettre en valeur la trame de l'histoire. "La tombe", c'est le noir dans sa plus grande laideur. "Nuptiale" est tout ce qui attrait au mariage, à la joie, au grand bonheur. Deux mots donc opposés qui s’accrochent comme dans un combat. Cette oxymore pour démontrer le contraire à qui croit qu'il n'y a point derrière l'obstination un calme amer. Et j'espère que l'ensemble des critiques seront satisfaits.
Pour une première, on peut vous dire « chapeau ! », surtout pour votre sens de l'imagination. L'histoire est-elle celle d'un proche?
(Rires) Non, ce n'est pas celle d'un proche. C'est de la pure fiction, essayant toutefois de sortir de ces amours qui embrassent toujours la lune, ces amours à "l'huile d'olive macérée" pour vous citer cher Manchini.
Akomian, jeune homme très ambitieux, jeune homme très porté vers l'avenir se retrouve entre les seins du vol, de l’invraisemblable, de la haine rouge, de la nécrophilie, de la folie, pour l'amour de Boussouman. Quelle est la moralité finalement?
L'obstination n'est pas toujours une qualité. Il faut pas vaille que vaille vouloir conquérir le cœur de quelqu'un. En toute chose, la raison est un remède. D'ailleurs, c'est le seul à mon avis qui soit efficace. On connaît des gens prêts à tout pour pomper l'air à l'humanité juste pour des ambitions dont eux seuls ont le pouvoir de dire aux autres que c'est la volonté d'un dieu. C'est diffus! Horrible.. Aimer est une belle démonstration pour dire au monde qu'on vit. Mais aimer est "un chant doux" (Manchini). Alors toujours porter ces lunettes pour voir que le monde est silicone. C'est important.
Toute cette compile de noms folkloriques qui bavardent, énervent même parfois, c'est à quelle fin? Pour montrer le toit de votre "africanité"?
C'est un style. J'ai voulu faire comme l'Africain qui est chevillé, solidement attaché à sa culture. Et j'espère que les critiques comprendront.
Boussouman qui meurt, l'amour qui fait place à la haine, Akomian qui fait l'amour avec le cadavre de Boussouman, cette jeune fille qui n'a aimé que ses cadeaux et son argent, faut-il croire que vous êtes un faiseur de drame?
Je ne suis pas un faiseur de drame. J’estime qu’un écrivain à travers son livre doit susciter des émotions chez le lecteur. Ces émotions peuvent être la peur, la joie, la tristesse, l’envie de se venger, la colère … Si, en me lisant vous avez été choqué c’est que cet objectif est atteint.
Vous décrivez Boussouman, dans votre livre, comme fille vertueuse tout simplement parce qu'elle a refusé l'amour d'Akomian, un ami, un frère. Comment expliquez-vous que la vertueuse se fasse tripoter entre midi et deux par son professeur d'anatomie, un homme marié de surcroît?
Sincèrement, si vous voulez mon avis, je crois que Boussouman a bien fait de refuser l'amour d'Akomian, qui accueilli par ses parents, est devenu comme son frère. Et dans notre culture, cela n'est pas normal.
Vous utilisez "comme", ce qui veut dire qu'à l'origine Akomian n'est pas le frère sanguin de Boussouman. Pourquoi alors vous militez carrément pour que le monde accepte cette fille comme une sainte vertueuse à cinq dans? Et puis quelle culture interdit l'amour entre un homme et la fille de son tuteur?
Pour moi, avoir un enfant sur son toit fait de l'un son propre enfant, et de l'autre son propre père. La culture africaine dont je suis imprégné le recommande. C'est vrai, tout le monde ne peut l'accepter. Vous avez demandé mon avis, je vous l'ai donné. Pour moi, l'amour entre Akomian et Boussouman devait avoir la couleur décrite dans le livre. C'est une union qui ne devait pas. Et vous devez comprendre mon action en tant que militant africaniste.
Bien que l'argumentation soit "imprégnée" de recommandations, il n'y a rien qui explique ce non-lieu. Vous supportez une fille qui a refusé l'amour d'un homme venu d'ailleurs, qui a avalé son argent et ses cadeaux, et qui ne lui a donné que colère et haine?
Non. J'avoue, je ne partage pas cette attitude de la jeune fille. Je dis simplement que je féliciterai Boussouman d'avoir refusé cette relation si elle était ma fille. Pour le reste, nous sommes tous juges. Et si elle était ma fille, je la punirai pour le reste. Parce que, bien que morte, si Akomian a couché avec elle dans sa tombe, c'est aussi de sa faute. Même si l'attitude d'Akomian est inhumaine.
Un homme qui aime aveuglement une fille, et qui par obstination, couche avec le cadavre parce qu'elle aurait refusé son amour, pensez-vous que ce genre d'animosité est possible de nos jours?
Non je ne crois pas. Actuellement, les gens ont mieux à faire que bafouer leur vie pour des choses de peu d'importance.
La fin du roman montre une certaine lassitude, aviez-vous peur de choquer d'avantage?
En réalité, je ne voulais plus rien ajouter. J'ai voulu laisser les lecteurs imaginer une suite... par eux-mêmes.
Alors, Tombe Nuptiale, voyage nuptial vers une vague de questions, que souhaitez-vous qu'on retienne de vous et de votre première œuvre?
D'abord, je ne veux pas que les lecteurs me prêtent l'intention de faire l'apologie de la nécrophilie. Jamais. Sinon Akomian ne serait pas devenu fou à la fin de l'œuvre. Il ne serait pas mort non plus. Je veux juste qu'on retienne que l'obstination tue. Et évitons d'être ces fous.
Interview réalisée par Manchini Defala
in Le Nouveau Courrier du 20 septembre 2013
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