LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

Coup de gueule: La littérature ivoirienne et le fusil

Il suffit juste d’une manifestation littéraire pour voir les mêmes vieux tyrans sur la place publique, avec leur vieil orgueil et leur vieille veste : auteurs et éditeurs confondus. Les petits sont écartés, que valent-ils ? Pis, le Ministère de tutelle est « finalement » représenté après des milliards de tentative.

 

Que vaut une fête du livre dans ce pays ? Franchement, la fête d’igname prend mieux la parole… Rien à dire, on fait tous de la culture !


Investir l’espace public en Côte d’Ivoire à travers un acte littéraire est souvent vécu comme l’exercice d’une liberté aliénable. Lorsque l’occupation de l’espace public s’est produite, que la représentation a eu lieu – par pure grâce du Bon Dieu - le lendemain la rue apparaît comme une grève dont se seraient retirées les vagues. Pourquoi la vérité factuelle ne passe-t-elle pas ? Parce que l’on a toujours l’impression que cette représentation, par désir de simplification, va à la caricature, au langage tout fait. À la radio ou à la télévision, on entend dix clichés à la minute. Les tyrans parlent. La culture roucoule !

 

C’est là du langage mort, il fait semblant de nous faire passer dans la réalité, mais, au vrai, il forme barrage à la réalité. Par désir d’efficacité et parce que nous sommes formatés à voir ce que l’on a envie de voir et ces tyrans à montrer ce qu’ils ont envie de montrer, ils font passer des clichés. Du pur discours qui ne va pas à la complexité du réel ! Bref. Sur l’ensemble des prétendants à l’édition, une infime minorité parvient un jour à se faire publier. Pourquoi ? Manque de talent ? Méconnaissance des éditeurs ? Non. Un éditeur veut vendre, quoi de plus naturel ? Et vendre une tête connue est toujours plus facile qu’une tête inconnue, reléguant ainsi au fond des présentoirs les petits écrivains, queues de gondoles. Mais chose incroyable, comme des masos, ces petits écrivains adorent les grandes maisons d’édition. Ils s’y accrochent… parfaitement. Ils les veulent... absolument. Ils en rêvent. Et un jour, très peu réussissent. C’est là que commencent leurs gémissements ! Ils boivent toute l’eau de la mer ! Car même édité, la partie demeure loin d’être remportée. Quand on a la chance, malgré les embûches et les chausse-trappes d’avoir pu être publié par un éditeur audacieux, reste encore à franchir les obstacles de la diffusion et de la publicité. Et les grandes maisons d’édition n’en font pas. Elles n’en ont pas besoin. Sinon elles s’en moquent royalement. Parce que votre livre et son pauvre titre ne les intéressent pas. Elles font juste du label afin que les langues n’avouent pas cette vérité unanime : « elles ne s’intéressent qu’à l’édition des ouvrages scolaires, c’est leur source de revenu – la Culture du Livre, ce n’est pas leur apanage ! » Le monde de l’édition est-il vraiment gangréné ? Nul doute, les grandes maisons d’éditions ivoiriennes sont des machines à sou. Ne tombez pas niaisement dans l’illusion, sinon des cauchemars vous embrasseront tout de suite.

Le Prix Ivoire ! Sacrilège ? Regardons un instant à la composition de son jury. Depuis 2008, date de la première édition - même si pour son titre, et par pure magie en 2012, le président actuel de l’AECI a été associé au club des oints - les membres du jury sont les mêmes. Les mêmes noms pullulent le jury comme des demi-dieux. Incroyable ! Brigue !


Jetons un petit regard vers le salon du livre de Paris. Ils vont encore partir… Et ce sera encore les mêmes. Ces auteurs « connus », ces petits éditeurs devenus grands par leur fortune et non leur travail. Et ce Ministère, éternel démissionnaire quant il s’agit du Livre, chantera toujours moins que le coq. Et bien, on fait tous de la culture ! Vous voulez aller au salon du livre de Paris, ridicule de croire que votre livre et ses expérimentations littéraires intéressent quelqu’un. Vous avez l’argent ou non ? Si oui, allez voir la voix pour la ballade littéraire. Tous des pourris ? Et bien, la bière est servie ! 


Manchini Defala

 

in Le Nouveau Courrier du samedi 23 mars 2013



25/03/2013
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