LES EDITEURS SE MUENT EN PRESTATAIRES
Les éditeurs se muent en prestataires de services par Serge Grah, jeudi 10 novembre 2011, 09:41 La pratique est devenue récurrente. Raisons évoquées ? La rigidité budgétaire, d’une part, et d’autre part, ne plus condamner ses textes à moisir au fond des tiroirs. Etre publié. Mieux, être enfin lu. Faire partie du club très envié des écrivains. En tout cas, la pratique connaît ces dernières années un boom. En effet, ils sont de plus en plus nombreux ces Ivoiriens qui paient pour que leur œuvre soit publiée. C’est ce qu’on appelle l’édition à compte d’auteur. Payer pour être édité. Dans cette période de crise généralisée, c’est tentant de demander à un auteur de délier sa bourse pour la publication de son livre. En tout cas, les éditeurs ivoiriens n’hésitent plus à le faire. Et c’est très souvent qu’ils l’imposent même. Dans ce cas, ils offrent différentes prestations qui vont de la correction du manuscrit à la distribution, en passant par la composition, l'impression, les formalités de déclaration légale (dépôt légal et l’International Serial Book Number) et la gestion des commandes. L’édition à compte d’auteur se présente ainsi comme la seule issue pour les auteurs qui veulent absolument être publiés chez un éditeur. Car, il existe aussi l'autoédition qui, elle, consiste à faire appel directement à un imprimeur sans passer par un éditeur. Qu’on ne s’y méprenne surtout pas. Cette option éditoriale n’est pas propre aux éditeurs ni aux auteurs ivoiriens. En France, une maison d’édition très connue des universitaires ivoiriens s’en est presque spécialisée. Elle qui exige des auteurs des manuscrits retenus la prise en charge de la prépresse (correction, mise en page) et n’accepte que le prêt-à-clicher. Les auteurs des ouvrages ainsi publiés ne touchent de droits d’auteur qu'après la vente du millième exemplaire. Autant dire jamais. En plus, ils doivent acheter en moyenne 250 exemplaires du tirage. Pour les auteurs, il n’est plus tenable de qualifier cette maison d'éditeur à compte d'éditeur. En outre, les éditeurs à compte d’auteur n’assument aucun risque éditorial. Et pourtant, c’est très souvent qu’on remarque dans les contrats qu’ils s’octroient tous les droits de l’auteur. Ainsi qu’on l’imagine aisément, l’éruption de l’édition à compte d’auteur montre combien est profond le sinistre du secteur du livre en Côte d’Ivoire. Une situation qui sonne suffisamment la sonnette d’alarme pour que nos gouvernants s’intéressent un peu plus à ce secteur et le soutienne effectivement. Et ce, pour sortir le livre de cette ornière. Afin que l’éditeur conserve son rôle traditionnel et noble d’éditeur et l’écrivain reste tout simplement, l’écrivain.
Serge Grah
écrivain/éditeur
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