LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

COMMENT DEVENIR ÉCRIVAIN ?

 

 

 

Comment devenir écrivain ? A cette question, Amin Zaoui, un écrivain et talentueux chroniqueur littéraire répond d’une manière vraiment originale. J’ai tenu à vous faire déguster ce qu’il a dit. En tout cas j’adhère…Des extraits.

 

Les écoles de formation d’écrivains me font rire. Comme celles pour la formation des peintres. Les ateliers d’écriture, à mes yeux, ressemblent à un cirque dont les numéros des comédiens sont ratés ! Dans l’écrivain cohabitent le feu et l’eau, l’ange et le démon. Ils sont frères. Ils tètent au même sein ! Le même lait qui n’a pas uniquement cette couleur : Blanche. Il est aussi noir, vert, rouge… il peut être aussi sans couleur ! Y a-t-il une recette magique pour devenir écrivain ? Un grand écrivain à l’image de Tolstoï, Haruki Murakami, Mohamed Dib ou Naguib Mahfouz ! Peut-on découvrir une ordonnance pour devenir un bon écrivain, comme celle d’un  dermatologue pour combattre la gale ou la démangeaison ?

….Pour devenir écrivain, il faut rester clouer à votre chaise en train de regarder le papier blanc et l’encre noire ou bleue, des heures et des heures ! Et méditer sur le jour qui passe sur la pointe des pieds devant le bord de la fenêtre ou sur le dos d’un nuage en forme de cheval !...

Pour être écrivain, il faut ne pas dormir, veiller pour regarder les étoiles dans les livres et humer l’odeur des lettres qui montent d’une rue désertée par les gens de la lumière du jour et occupée par les enfants de l’obscurité, les SDF.

 Pour devenir écrivain, un bon écrivain à l’image de Wollé Soyinka, Tayeb Salah ou Le Clézio, il faut lire aussi et avant tout les livres blasphématoires ceux d’Al Maâri, de Voltaire, de Dante, de Proust ou de Salman Rushdie…

Pour être écrivain, un bon écrivain à l’image de Mahmoud Darwich, Jean Sénac il faut se demander pourquoi voter, à quoi sert le vote dans un monde où la liberté ainsi que la démocratie sont confisquées, ne pas écouter les discours moralistes et mensongers, tout simplement parce qu’un écrivain n’aime pas les cérémonies et les discours cérémoniaux monotones. N’aime pas mettre la serviette ni prendre la fourchette avec la main gauche et le couteau par la droite.

Pour être écrivain, un bon écrivain à l’image de Khalil Gibran, Charles Baudelaire ou Garcia Márquez,  il faut aimer tes enfants et, en même temps, les détester, les bercer mais aussi les éventrer, parce que tes enfants sont tes livres. On n’est jamais satisfait de son livre !

Pour être pour être écrivain, un bon écrivain à l’image de Mohamed Choukri, d’Albert Camus ou de Mahmoud Messaâdi, il faut se conduire comme un très mauvais conducteur : prendre le chemin dans le sens interdit. Il faut toujours rouler dans l’interdit. Il faut brûler les feux rouges, s’arrêter quand c’est vert pour déranger les impatients et les retardataires !

Si tu veux être écrivain, un bon écrivain à l’image de Nawal Saâdaoui, de Nabokov ou de Henri Miller, il faut savoir déguster la pomme de la tentation !

Pour être être écrivain, un bon écrivain, à l’image Garcia Lorca, de Pablo Neruda ou de Mikhail Nouaima, il ne faut jamais marcher sur les traces de quelqu’un d’autre, ne jamais prendre le chemin déjà foulé par les pieds du passeur ou du passé !

…Pour être pour être un bon écrivain à l’image d’Al Mutanabbi, de Paolo Coelho ou de Ali Douadji, il faut marcher tout seul dans le désert des déserts, se perdre jusqu’à mourir, ne laissant de trace dans le sable chaud que tes chaussures, ou atteindre la mer, si mer existe-t-elle !

Pour être un bon écrivain il faut savoir aussi où enfoncer le clou, dans la société vécue. Parce que la chute de l’alpiniste est similaire à celle de l’écrivain.

 

Amin Zaoui

 

Lu sur le site de La Cause Littéraire



20/12/2011
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