LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

MONTHEZAUT L’HONNEUR DE LA TRIBU de DESIRE ANGHOURA / UNE AUTOPSIE DE LA GESTION DU POUVOIR POLITIQUE EN AFRIQUE


Le roman "Montezaut L’honneur de la tribu" du romancier ivoirien Désiré Anghoura est le deuxième du projet d’une trilogie axée sur la problématique du pouvoir en Afrique.

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L’Afrique politique est un champ que visitent régulièrement les écrivains africains depuis l’époque coloniale. Il n’est plus question pour eux, comme la réputée autruche, de fermer les yeux sur les dérives liées à la gestion du pouvoir politique sur le continent noir. Désiré Anghoura dans ce roman Montezaut ou l’honneur de la tribu descend dans l’arène avec une formidable verve. De plain-pied dans les réalités de son continent, il fouine dans les palais, visite la psychologie des acteurs politiques, interroge les versants de la gouvernance, questionne la gestion du pouvoir politique.
Dans cette œuvre romanesque, son personnage principal, Montézaut, en veut à N’Zrama, le Président de la république en exercice qui, selon lui, n’œuvre pas assez pour les hommes et femmes de leur tribu commune, les Mangeurs de Criquets. Pour l’honneur de la tribu, Montezaut décide de conquérir le fauteuil présidentiel par tous les moyens. Encouragé et aidé par Gépété, symbole des puissances occidentales, il accède au pouvoir par un coup d’État militaire. Mais une fois au pouvoir, il perd progressivement ses facultés mentales et sombre dans la folie.


Le personnage de Montézaut semble être le prototype de l’homme politique africain. Son parcours révèle un homme terriblement assoiffé de pouvoir. L’argumentaire sur lequel il se fonde pour faire un coup d’État est simplement farfelu : il reproche à N’Zrama de ne pas favoriser les hommes et les femmes de leur tribu dans la distribution des richesses du pays. Un tel prétexte montre simplement que souvent les politiciens sont loin d’être des hommes de valeur. Le conseil que Gépété donne à son filleul en dit long sur le sens de la politique: « …En politique, on ne te demande pas d’être particulièrement honnête, si tu veux obtenir des résultats tangibles. Il faut apprendre à mentir et pas n’importe comment. Il faut de la méthode ! Le mensonge, le bon mensonge doit être dit de façon méthodique» (p 170). En cela N’Zrama, l’écrivain et homme politique, ne répond pas au profil du bon politicien. Montézaut, cinéaste, par son métier, capable de s’adapter à tous les scénarios, est l’homme de la situation. Il incarne le tribalisme, l’opportunisme et l’arrivisme. Son commerce avec les puissances occidentales dans le but de solliciter leur tutorat et le coup d’État qu’il finit par perpétrer achève de convaincre le lecteur sur la nature abjecte de l’homme. Chritophe Montézaut, figure toutes les tares qui grippent le pouvoir politique en Afrique. Sa démence à la fin de son parcours est une sorte de sanction consécutive de son obsession du pouvoir. 
Sous la plume de Désiré Anghoura, la politique est un champ où règnent la trahison, la duplicité et l’hypocrisie. Là, les règles sont loin de la morale ou des valeurs sociales. La quête du pouvoir exécutif n’a pas pour autre but que de permettre aux politiciens de jouir des avantages et délices qui y sont rattachés. En même temps que l’auteur fustige les dérives et excès des hommes politiques africains, il flétrit l’avidité et la voracité des puissances occidentales représentée dans le livre par Génial ou Gépété, peint ici sous la forme d’un monstre au pouvoir illimité. En termes clairs, l’Occident n’est pas près d’abandonner l’exploitation des richesses de l’Afrique. Manipulateur, rusé et souvent brutal, l’Occident se présente sous le visage d’une puissance insatiable et impitoyable. De là se comprend l’intérêt pour l’auteur de l’identifier à un monstre omniscient, omniprésent et omnipotent.
La beauté de ce livre n’est pas liée uniquement à sa thématique. Désiré Anghoura se révèle ici comme un conteur pétri de talent. Il narre l’histoire avec tous les ingrédients littéraires qui font la force d’un récit. On y trouve scène d’exposition, péripéties, nœud et dénouement. Le récit bénéficie à profusion de pauses descriptives et des répliques qui assurent sa vivacité. Des poèmes surgissent souvent au milieu de la narration lui imprimant ainsi un nouveau souffle qui en rajoute à sa splendeur. Cette oscillation entre la poésie et la narration inscrit cette œuvre dans le style n’zassa dont Jean Marie Adiaffi est le chantre et héraut. Satirique et réaliste, le roman surfe également sur les registres comique, humoristique et même fantastique. L’auteur, à l’instar des premiers romanciers ivoiriens, manient la langue française avec dextérité. Le lecteur attentif découvrira, cependant, l’emploi excessif du coordonnant d’addition « et » dans toute l’œuvre. Est-ce une façon de faire la somme de toutes les plaies qui souillent la gestion du pouvoir politique ?

MACAIRE ETTY

Désiré Anghoura, Montézaut L’honneur de la tribu, éditions Nambekan et L’harmattan CI, roman, 2015

In Fraternité Matin du samedi 14 mai 2016



03/06/2016
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