LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

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« Les Affres de l’Existence » de Charles Nokan : Identité africaine ou gourmandise du pouvoir ?

Charles Z. Nokan est le père des pièces dramatiques « Ya koi » et « Havouo et Koimea ou Les voies divergentes », qui constituent « Les Affres de l’existence », œuvre parue aux éditions PUCI en décembre 2006. L’iconographie  est on ne peut plus expressive. De cette image de  ce vieillard assis, avec la bouche en forme d’un puits blanc et le bras gauche levé, on perçoit toute la gloire et la pureté de l’AFRIQUE ancestrale. Il semble implorer son ascendance pour sa descendance ; et c’est  à juste titre que l’on peut voir  juste en dessous de lui, une femme et un enfant qui ne cherchent qu’à découvrir par leur posture. Cette image de la première page de couverture de l’œuvre de NOKAN semble  une prière en faveur d’une race handicapée par un égoïsme remarquable, au nom de la tradition.

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Ya Koi

La première pièce « YA KOI »  de sept scènes expose de manière hiérarchique les événements. Notre auteur épluche dans un style assez original la question de succession chez les peuples du centre de la Cote d’Ivoire. Le texte s’ouvre sur une mélodie très mélancolique, de quoi susciter de l’émotion chez le lecteur-spectateur. Le personnage premier de cette scène est YA KOI, chef incontesté de la grande famille  YA.  

Alors que le premier tableau évoque  l’arbre généalogique de sa famille, le second tableau nous transporte dans un univers de larmes et de douleurs avec la mort de Faliè, membre de la famille. Sur la question de l’organisation des obsèques de Faliè et de sa succession, les hommes et femmes s’entredéchirent et brandissent la tradition, repère infaillible pour les uns. En effet  depuis des lustres,  il n y a que les neveux (les enfants de la sœur) qui ont le droit d’hériter  du défunt.  Katatché , membre de la famille YA,  ayant étudié en EUROPE n’entend  pas la chose de cette oreille, et propose un changement. Le conflit est inévitable entre partisans de la tradition et défenseurs d’un ordre nouveau.  Parviendront-ils à trouver un consensus ?  La suite des événements semble étioler l’orage naissant, seulement à la mort de YA KOI, le grand chef de famille, ce conflit refait surface et culmine par une meurtre.

 

Havouo ou Les Voies divergentes

« Lorsque tes parents ont voulu te mettre à l’école et que le directeur avait refusé de t’inscrire, prétextant que tu étais trop jeune …j’intervins, et tu pus commencer tes études primaires… j’espère que tu m’aideras  à mener à bien ma politique » , c’est avec ces mots que NOKAN , nous introduit dans le premier tableau de sa seconde pièce. Ici, HAVOUO , personnage principal, président d’une république africaine entre en scène avec une certaine imposition voilée. Dans cette conversation avec son cousin  KOIMEA, diplômé d’une université européenne, il semble lui rappeler qu’il a gravi les échelons grâce à lui. Et pour cela il ne doit rien lui refuser. Ce président véreux  veut hisser son sang dans son pouvoir afin de mieux berner le peuple et le spolier davantage. Il entend faire de la démocratie une monarchie voilée en faisant de son gouvernement une affaire de famille. Népotiste avéré ! Tribaliste confirmé ! Oui ! ‘’koiméa , je te prie d’aider mon frère. Il a tracé des sillons.il a créé une immense plantation. Il faut que, comme de coutume, chaque membre de notre famille y travaille afin que nous ayons tous à bien manger’’ intervention de FATEBA,frère de HAVOUO. Heureusement qu’il reste encore des âmes sensibles à la vertu de l’intégrité, de la sagesse et du sens  vrai du patriotisme. Mais au prix de quel sacrifice pour tenir bon dans ses convictions ? Ce frère qui doit tout au cousin, se voit mal dans la peau d’un politicien. C’est donc de toute évidence que le président essuie un refus de sa part. Traîné au tribunal des anciens dans les tableaux 2 et 3 , KOIMEA payera durement son « non » . Victime d’une conspiration et accusé à tort, la prison sera sa demeure à vie. Mais tapis dans sa cellule, il chante le soleil vert de demain en ces phrases ‘’…je vis un affreux drame. Pourtant j’espère encore.je sais qu’un jour des camarades avec ou sans  moi renverseront le régime arbitraire d’Havouo’’. Ironie du sort : lui qui ne souhaitait entrer en politique se voit entrain de rêver faire une révolution. Ne dit-on pas que « si tu ne fais pas de la politique elle et fera ? ».

 

Ces deux pièces, j’avoue sont de véritables appels à la méditation. La course à l’héritage existe aujourd’hui dans nos sociétés sous d’autres formes, le népotisme et le tribalisme sont dans  nos mœurs…Charles Z. Nokan  encore une fois expose dans ses pièces l’AFRIQUE dans tout ce qu’on lui connait. Seulement faut-il réduire l’Afrique à ces errements ?  Le continent ne souffre-t-il pas d’une mauvaise application de ses propres traditions ?  

                                                                                                                                 Atte sostene

Les affres de l’existence Charles Zegoua Nokan, puci ,2006

 

Publié dans Le Nouveau Courrier d'Abidjan du 11 avril 2014



13/04/2014
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