LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

Coup de gueule / Pourquoi les événements littéraires n'attirent pas de monde?

Nous sommes submergés, aujourd’hui, d’événements littéraires qui se succèdent, tous plus essentiels les uns que les autres. La société médiatique, dans laquelle nous baignons, nous force à encourager ce phénomène. Parce qu’il est frappant et immédiat et nous arrache à ce qui l’a précédé. Mais quel contraste quand le monde qui y vient pour participer est si infime, si pitoyable !

 

On ne cessera jamais de l’entendre : « Si les évènements littéraires n’attirent que 10 personnes, c’est parce que la politique du Livre est d’une catastrophe légendaire ! » Ce qui n’est pas faux. « Le ministère de la culture fait bon ménage avec tous les arts sauf avec le Livre qui paraît tout bonnement le parent oublié. » La direction du Livre « ne se résume qu’à une seule personne, qui, il faut le reconnaître, ne peut aller partout à la fois. Mais ce qui paraît indiscutable, c’est que le copinage est de taille. » Nous vous les concédons chers écrivains ! Cependant, n’oublions pas que l’Etat n’est qu’une superstructure régie par « une bande de copains » qui vient servir des intérêts, ses intérêts. Alors, quand nous ne le savons, devons-nous continuer à l’accabler, à griffer la tutelle devant ce marasme qui dure plus d’une décennie maintenant ?  

Sans vouloir brûler la mémoire, pour moi, les vrais responsables de ce maléfice sont d’abord les Editeurs et Libraires, les Ecrivains eux-mêmes, et enfin les journalistes. Pourquoi ? Ne pouvant rien attendre de l’Etat, qui lui est fort occupé à créer des bibliothèques dans les écoles publiques (même si ce n’est en réalité pas le cas), à animer de grands colloques à coûts de millions sans jamais passer à leurs pratiques, à soutenir tous les arts avec un budget national de 0,17% alloué à notre tutelle, que font ceux qui produisent et vivent du Livre ?

Les Editeurs et Libraires : Voici ceux qui attirent le ridicule. Car dans la chaîne du Livre, ce sont eux les architectes et les commerçants. Ils doivent donner vie et sens au Livre. Mais que constatons-nous en Côte d’Ivoire ? Les Editeurs n’ont d’yeux que pour le scolaire. Evidemment, ce sont des entreprises, et le scolaire paye à coûts de milliards. Les Libraires ne vendent que ce qui leur rapporte des chiffres. Pas besoin de s’emmerder. Et quand par hasard, l’éditeur tire au sort ou par copinage un manuscrit à publier, il estime avoir donné une chance à l’écrivain sans se soucier du reste. Erreur ! Peut-on donner la chance à quelqu’un qui, pour finir, vous videra les poches de 10% (s’ils sont payés bien entendu !) ? Vendre une œuvre littéraire, c’est comme vendre de la bière. C’est dire qu’il faut mettre les moyens pour que le produit se présente bien (donc avoir un critique littéraire au moins), annoncer le Livre dans tous les médias avant sa sortie officielle (donc faire publier les « bonnes pages ») et accompagner l’auteur dans la promotion du Livre. Car celui qui gagne, ce n’est pas vraiment l’auteur, c’est l’Editeur et le Libraire. Et les derniers devraient songer à organiser des journées nationales du Livre (comme une fête du Livre), en se focalisant moins sur leurs revenus mais sur l’avenir du Livre et de la lecture dans notre pays. Rappelons-le, ils ne le savent peut-être pas, vendre un produit, c’est le connaître d’abord, l’aimer comme son âme et le vulgariser à travers une communication intraitable et une envie de lion.

Les écrivains et leur association : Déjà qu’ils ne sont pas nombreux, ils demeurent hostiles à la solidarité. Les uns veulent que tous soient à leurs dédicaces, quand eux refusent de se pointer au tour des autres, ou choisissent carrément où ils doivent mettre les pieds pour souvent 5 mn, juste le temps de prendre une photo avec des poignets de mains hypocrites. D’autres estiment, avec l’égo surdimensionné qu’on leur connaît, que leurs livres sont les meilleurs, alors tout le monde doit l’avoir quand eux-mêmes crachent sur ceux de leurs confrères. Et nombreux sont ceux qui sortent un livre et attendent sur l’oreiller que « l’étrange » maison d’édition les appelle pour promouvoir leurs « propres » livres et faire des communications autour. Brigue, arrêtez d’être dupe ! Aussi, beaucoup boudent-ils l’association pour des raisons fondées ou non, quand la dernière depuis une décennie ne fait pas l’unanimité. Si les écrivains commençaient à se fréquenter régulièrement, à se retrouver aux dédicaces, à soutenir chaque action livresque, à être les premiers clients de leurs confrères, les choses auraient moins d’odeur.

Les journalistes d’art et de culture : S’il y a des gens à mépriser parfois, c’est bien cette catégorie de journalistes. Si ce n’est souvent par fortune qu’ils se retrouvent à contempler l’art, c’est parfois des aventuriers qu’on ne sait où placer qui parlent de Lettres sans en avoir la moindre idée. Et ils sont nombreux ceux qui ne lisent pas et plaquent le résumé de 4ème de couverture d’un livre, sans le moindre effort, avec parfois des maladresses insoutenables. Et si ces journalistes se formaient en critique d’art et/ou de littérature, un lecteur pourrait avoir envie d’acheter un livre.

 

Manchini Defela,

Journaliste, critique littéraire 

 

in Le Nouveau Courrier du 17 mai 2014     



18/05/2014
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