LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

Coup de gueule : Les 124 vertiges de l’écrivain ivoirien

Le livre est l’orchestration aboutie du paysage intellectuel. Il révèle la mémoire, renoue le pacte originel de l’esprit avec le monde et vise un noble idéal, celui d’empêcher que le monde se défasse. Le livre, c’est la vie, cette voix qui relate le passé, nourrit le présent, proclame le futur. Le livre, c’est l’achevé fermé. Et l’écrivain, la rose sur une île scellée, l’axiome sur une neige claire. L’écrivain ralentit la vie pour mieux écouter la voix des héritages, c’est le squelette où le dépotage des saveurs rêvées qui n’ont pu passer le sacré, abordent leur naissance.

L’écrivain, c’est l’éclair qui brille de tous les côtés. Il est la synthèse qui contient les données de la vie et les dépasse tout à la fois. Dans un livre, le passereau trouve une maison, l’hirondelle un nid où elle dépose ses petits. Dans tous les livres, l’écrivain annonce le matin. Heureux celui qui lit, car il s’instruit de la VIE… Pourtant en Côte d’Ivoire, ce romantique des Lumières souffre des 124 vertiges de l’existence. Parce que certainement… l’ingratitude est littéraire. Et le dire n’est rien moins que la réédition de vieux refrains. Et c’est en souci de la permanence des choses et du non sens que nous levons la plume pour alerter !

C’est illusion de croire que la littérature est placée en première ligne dans le concert culturel de notre pays. La reconnaissance dont Dame Littérature et ses soldats se gargarisent leur exempte de toute gratitude envers le monde culturel, et les autorités ivoiriennes en général. Car, même si très peu d’écrivains ont eu cette « chance » de se retrouver - propulser - à de hauts postes, l’on ne peut nier l’ingratitude que connaissent les écrivains et tous les journalistes et critiques littéraires qui aident à la culture du livre en Côte d’Ivoire.

D’une manière générale, l’argent n’aime pas le Livre, et plus encore, la reconnaissance n’aime pas les écrivains, encore moins les journalistes de culture et critiques littéraires. L’écrivain, contrairement à un artiste quelconque, passe les chemins des cités sans être interpellé, ni même remarqué. Non qu’il ne veuille pas mais voyez-vous, avec sa pauvre photo d’identité collée à son œuvre qui manque cruellement de promotion, avec une tête qui pue la misère, avec ses pas qu’il cherche tout seul, sans tribune devant un écran, avec un petit article éclair dans un journal lambda, article pour lequel il aura payé difficilement de sa poche une « bonne fortune », comment peut-on repérer un mec qui a passé sa vie à ne rien faire d’autre qu’à écrire des milliards de formules sans lendemain, sinon au pire, s’y intéresser ? Parce qu’il ressemble exactement à ce monsieur de la rue pigeon que la vie a malmené et qui a cherché en vain la face du succès sans jamais y parvenir. Cabale ? Non, c’est la réponse à ceux qui se demandent encore à quoi peut correspondre vraiment la vie d’un écrivain. Le propos n’est pas courageux, le raisonnement n’a rien d’intelligible et la langue n’est point d’une redoutable précision. Cette vie, hélas, se pavane librement dans le vent de la consternation. Elle, c’est la vie de tous les écrivains qui n’ont d’autre métier qu’écrire. Etre écrivain, croyez-le, c’est faire du bénévolat et enrichir les autres en ayant fait un pacte muré avec l’esprit. 

Écrire un article sur l’ingratitude que subissent chaque jour les écrivains est un sujet bien délicat, mais qui mérite d’être abordé de plein front. Que doivent faire les écrivains eux-mêmes pour déshydrater leurs frustrations ? Déjà se réunir tant que la vie le leur permet pour créer un climat d’ambiance, de confiance, où les plus jeunes se frottent aux aînés, où chacun se sent concerné et paye régulièrement ses cotisations, où l’entraide est de droit. Dans cette optique, des auteurs et/ou critiques littéraires méritent d’être encouragés…

Dans l’autre sens, que peut faire l’Etat pour biffer la misère et l’ingratitude dont souffrent les écrivains ? Beaucoup. Même si des actions ont été posées, la loge du désespoir est immense. Car là où il y a de l’embarras il n’y a pas de plaisir. Une chose est certaine, c’est bel et bien un roman sentimental qui lie l’auteur et le lecteur, et/ou généralement l’Etat, puisqu’un livre est de l’or poli pour tout Etat. Les auteurs doivent avoir une grande tribune, devant l’écran national, dans la presse écrite, pour parler de leurs « affaires », pour jouir de leur travail. Un auteur a besoin qu’on lui reconnaisse au moins d’avoir posé un pas dans la création, et cela est vital. Il faut encourager chaque jour les plus jeunes en leur donnant des médailles pour les enthousiasmer. Il faut motiver les ivoiriens à la lecture, en créant du buzz autour de tous les livres. C’est en cela que le Livre aura tout son sens, la lecture toute sa lumière, et les écrivains, journalistes et critiques littéraires riches de par la reconnaissance qu’on donne à leur travail.

Manchini Defela

 

in Le Nouveau Courrier du 3 mai 2013

 



04/05/2013
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