LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

Confidences de Michel Gbagbo : un hymne à l’affliction ?

 

Confidences. Ainsi s’intitule le première œuvre individuelle de Michel Gbagbo, publiée en 2006 aux Editions NEI-CEDA, à  Abidjan.



Déjà, l’image de la première de couverture annonce les couleurs. L’homme qui écoute paraît angoissé, devant les révélations troublantes qui lui sont faites. De plus, la bigarrure nous donne un avant-goût de la diversité thématique de ce recueil poétique.

C’est un cocktail de 53 textes rimés où l’âme émue du poète se trouve pris sous l’étau de la dualité liesse / douleur.

De prime abord, Michel se souvient avec émotion d’une enfance à cheval sur joie et blessures. A nous, se confie t-il :

« Le feuillage piquant de ma tendre enfance

Griffe mon âme dans le silence complice »

Mais ces pliures bien que réelles ne l’incitent guère à la haine. A aucun moment il n’entend garder une dent contre ceux qui lui ont voulu du mal. Le vers allégorique suivant est assez expressif :

[le silence complice] Etouffe les murmures de la vengeance.

(Le feuillage piquant, Page 7).

Cette disposition à pardonner apparaît comme un état d’esprit chez Michel, lui qui déclarait dans une entrevue, en 2006, que « le pardon est une nécessité ».

On note par ailleurs que tous les poèmes de Confidences se constituent de quatrains. Tous les poèmes, à l’exception d’un seul, « Eburnie », où le poète relate, la mort dans l’âme, les affres de cette bourrasque meurtrière qu’est la guerre. Il ressasse, au travers de 36 vers regroupés en six sizains, les blessures de sa mère patrie, la Côte d’Ivoire, accablée de maux fétides. Alors, pourquoi ce poème, justement, n’obéit pas au schéma général, à savoir la constitution en quatrains ? Une chose est certaine, cela ne relève pas d’un simple hasard. Toujours est-il que de ce poème se dégage une émotion écarlate :

 

« Pour nous, fils de la terre d’Eburnie,

Cette nuit où le sang d’Ivoire coula,

Où les canons de Ouaga, de Paris,

Piétinèrent fils, filles, mères,

Nos larmes mouillèrent les pieds des pères,

L’illusion d’être aimé s’envola. »

(Eburnie, P 26-27)

Aussi le poète n’oublie-t-il pas de pointer du doigt la maltraitance dont sont victimes les prisonniers en général. Sont-ils privés de leurs droits les plus fondamentaux. Ils sont légions, ceux qu’ont retrouvent assassinés. En témoigne le sort de son compagnon de prison, un dénommé Franck dont il parle en ces termes :

« Mais un matin, son pauvre petit corps

Fut retrouvé mutilé aux abords

Des cuisines. Mes larmes de rage

Coulaient, mais en vain, nous étions en cage ».

(Franck et Linne, P 77-78)

Ce texte referme le livre. Alors, serait-ce un choix délibéré ou un pur hasard ? Toujours est-il que le thème de la prison est récurrent dans l’œuvre, notamment au travers de « souvenir de prison » (P 58-59).

Quand bien même les souvenirs fuligineux de la prison ne cessent de le hanter, quand bien même les maux ne cessent de lui faire les yeux doux, il est indéniable que comme le poète ivoirien Amoy Fatho dans Chaque aurore est une chance, Michel, par la puissance des vers, prend l’ascendant sur ses douleurs les plus intrépides. Il a vaincu la souffrance par la force de l’amour, sentiment divin qu’il a choisi d’opposer au mal. D’où la place de choix qu’occupe ce thème. En un mot, le poète sort vainqueur de toutes ses angoisses. Il l’exprime dans son adresse intitulée « Au poète » :

(…) Et s’il est vrai que, parfois, il souffre

De ses pensées qui le plongent dans un gouffre,

Si son âme subit mille fléaux,

Il en revient, Messieurs, toujours en héros ».

(Au poète, P 71-72)

 

Cédric Marshall KISSY

 

Michel Gbagbo, Confidences, poésie, Nei-Ceda, Abidjan, 2006



13/03/2013
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