LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

A LA DECOUVERTE D'AZO VAUGUY


Il ya quelques jours, nous avons publié une interview que le poète Azo Vauguy nous avait accordée. Dès le lendemain, le téléphone n’a pas cessé de crépiter. Pendant que les aînés nous félicitaient d’avoir fait parler le poète, nos cadets, eux, exprimaient à la fois leur admiration et leur étonnement. Ils ne connaissaient pas l’artiste. De là, nous est venu l’idée de faire découvrir, Azo Vauguy, l’homme et le poète.

 

 

Azo Vauguy (à droite) et son disciple l'écrivain Benjamin Irié

 

Tous les témoignages concordent : Azo Vauguy est un homme spécial et une plume spéciale. Son poème Zakwato est un énorme exploit artistique, qui s’inscrit au chapitre des chefs d’œuvre d’inspiration oraliste.


L’homme


Azo Vauguy est fils unique de sa mère. Enfant du monde rural, il a passé sa vie printanière dans les effluves et l’espace des rizières. C’est certainement là qu’est né son sens de la contemplation et son goût de la poésie. Au cœur du tumulte de la capitale, où l’a parachuté son aventure intellectuelle, il est resté humble, loin des postures ostentatoires. Démarche tranquille. Voix posée voire apaisante.

Il est pourtant un repère, une personne ressource dont l’avis en matière de littérature compte dans notre pays. Atypique dans son « rendu » comportemental,  il a toujours étonné ses proches par sa façon toute particulière d’appréhender la vie. Combien de fois, l’avions-nous vu en costume ? Qui se souvient l’avoir vu porter une cravate ? Décomplexé, Azo, a transcendé les considérations construites sur l’apparence. Son malaise face à la cravate est devenu proverbial : « Mon cher disciple, avoue-t-il à l’écrivain Irié Benjamin, je n ai jamais porté de costume. Aussi, la cravate m étouffe. Quand je la porte, j arrive pas à avaler ma salive ». Et c’est ce côté « marginal » justement qui fascine. Azo donne l’impression de vivre dans un autre monde, hors ou au-dessus de la multitude empêtrée dans les luttes matérialistes. Son univers ce sont les idées, les livres et l’écriture rebutant ainsi tous ceux qui sont pris au piège des convoitises et de l’avidité.

Bien que grave et sérieux, il ne manque pas d’humour quand il le faut. Ecoutons Josué Guébo le raconter : « Azo et moi étions confrères. Lui membre de la rédaction culturelle du Journal Notre Voie et moi stagiaire au quotidien frat-mat. A ce titre, nous nous rencontrions très souvent, sur des lieux de reportage. En 2004, nous sommes retrouvés à une foire organisée par des tradipraticiens. Ces spécialistes de la médecine par les plantes vendaient toutes sortes de remèdes. Azo me prit par le bras et me conduisit, net vers un étal où étaient exposés des aphrodisiaques, me disant "voici au moins un remède qui a de l'intérêt". Il demanda alors, sans sourciller, à goûter les produits du commerçant. Le tradipraticien lui servit une poudre, qu'il ingurgita sous nos yeux ! Quelques minutes plus tard, il affirma ressentir les effets du produit. Il se mit dès lors à taquiner tous les autres confrères et se mua du coup en commercial du tradipraticien. Azo, le poète venait ainsi à se révéler à mes yeux comme un personnage, plus qu'atypique, détendu et profondément accessible. Et plein d’humour ».

Sollicité pour nous livrer son témoignage, le poète Henri Nkoumo laisse entendre : « C’est toujours avec beaucoup d’émotion que je parle d’Azo Vauguy, mon ami, mon compagnon de route qui, de façon forte, dit et vit son rapport singulier à la poésie ; je veux dire, à la vie tout court.

D’aucuns pensent, en le voyant promener son pas lent et sa démarche quelque peu paresseuse, qu’il est l’expression aboutie de l’inertie. Que non : ils se trompent ! Azo est avant tout l’un des symboles de la non-violence, de la violence castrée, évidée, vouée aux gémonies. Azo est un être qui célèbre la vie calme, apaisée, celle qu’on caresse et célèbre avec les mots les plus doux. Il va le monde au rythme lent de la vie, pour reprendre le beau titre de l’admirable romancier Ibrahima Sy Savané. Nulle part en lui ne s’affirme cette masse de muscles faite pour bousculer, pour détruire, pour faire mal. Sa voix est toute de douceur, d’amour ; ce qui n’est pas fait pour plaire aux porteurs de poils, aux hommes violents qui voient en lui un signe de couardise. Cette voix m’apparaît comme l'une des expressions fortes de la féminité couchée dans l’Homme. Une féminité faite pour assurer la vie et non la mort. Une féminité qui me semble recherchée par ceux qui portent en eux, de façon ontologique, la non-violence. Elle témoigne efficacement de son rapport à la quiétude célébrée par les poètes. Poète, Azo l’est dans la vie. Cela fait dire à biens des gens qu’il est constamment dans les nuages, hors du monde. Heureux qui comme lui sait s’offrir l’ambroisie, l’élixir, dans ce monde de violence dans lequel nous vivons!  Poète, Azo l’est par son rapport si singulier à la vie. »

Pendant plusieurs années, il a participé, souvent dans un environnement vicié par la politique, au combat épique en faveur du triomphe des lettres et des arts. Son rêve démentiel n’était ni plus ni moins que d’amener le peuple de Côte d’Ivoire vers les choses de l’esprit. Critique littéraire, il a démontré par la rigueur et la profondeur de ses analyses que la lecture critique est un véritable genre littéraire, un discours gorgé de littéralité. A la publication de son poème Zakwato (coédité avec Morsures d’Eburnie de Henri Nkoumo), les hommes de lettres l’accueillent comme un véritable orfèvre. Tous les discours des exégètes sur sa création sont fort laudatifs.


Zakwato, un chef d’œuvre

 



Il y a une semaine, interviewant le poète, j’ai affirmé que son poème Zakwato est certainement l’un des plus grands textes de la littérature ivoirienne de tous les temps. Il s’est trouvé des gens pour s’étonner de mon assertion. Mais ont-ils pris le temps de lire Zakwato ? Il faut le lire et le relire pour humer la fragrance du talent et de l’inspiration. Zakwato est un texte mâle, ruisselant de grandeur, debout comme l’iroko tant par le forme que par le fond. Ce poème au corps d’athlète est une prouesse artistique mais plus : un appel à l’élévation, au sacrifice ; un chant sacrificiel susceptible de susciter les sentiments de grandeur et de don de soi. Et Hyacinthe Kakou, écrivain et critique littéraire de dire : « Zakwato est un bel et bien un chef-d’œuvre de la poésie épique africaine. Aussi fort   que Soundjata   ou  l’Epopée  mandingue» de Djibril Tamsir Niane, pour ne pas en dire plus ». En s’exprimant ainsi, le célèbre dramaturge n’est point guidé par un esprit de flagornerie. Loin de là. Il n’a dit que ce qui est.

Ayant poussé dans un espace rural, Azo a pris le temps de plonger ses racines dans l’humus de la poésie authentique africaine et de têter à la mamelle de l’oralité. Dans sa région,  la parole de deuil respire du grand art où viennent s’exprimer les savoirs-faires des plus grands bardes. En pays bété, « sont frères jumeaux le poète et le pleureur, car c’est un mot unique qui les désigne » (Sery Bailly).

C’est dans cette science poétique et mélodique qu’Azo a tiré son énergie, son inspiration. Sa poésie vibre de la beauté de son terroir et son terroir se renouvelle du point de vue artistique dans ses vers. A travers Zakwato, Azo a rendu plus de service à sa terre natale que tous les hommes politiques qui, comme des sangsues, sucent son sang.

 Zacharie Acafou, chroniqueur littéraire, résidant en France, pense avec conviction qu’Azo a écrit, indiscutablement un chef d’œuvre : « Ah quel poème, quelles ailes, c'est plus grand que du Baudelaire, au moins par moments, comme éclats lyriques. Car, là où « les fleurs du mal » penchent la tête dans la mélancolie, celles d'Azo Vauguy se redressent imperturbables vérités qu'on peut contempler sans peine dans les profondeurs de Ouragahio. »

Avec Zakwato, nous sommes loin de ces petits textes qui souillent les lettres ivoiriennes, ces dernières années. Henri Nkoumo, poète et critique d’art est du même avis. Eplucheur talentueux de livre, qui mieux que lui pour juger l’œuvre d’Azo Vauguy ?:
« Zakwato est un texte de haut vol, une lumière admirable faite pour la gourmandise de nos yeux. Merci, Azo, de nous rappeler l'"Afrique se doit de s'arracher les paupières pour ne plus avoir à dormir" de son sommeil de loir. »

Qu’on le sache une fois pour toutes : Notre pays a donné naissance à de grands poètes. Nous pensons à Bernard Zadi, Jean Marie Adiaffi, Bohui Daly, Ebony X etc. Mais nous pensons aussi à Azo Vauguy. Lisons ou relisons Zakwato, pour ne pas oublier que le pouls de l’Afrique a toujours battu avec la poésie, dans sa forme la plus achevée.

Etty Macaire

 

in LE NOUVEAU COURRIER du samedi 23 mars  2013

 

 



25/03/2013
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