LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

Mahoua S. Bakayoko : La rébellion de ZANTIGUI . Entre espoirs et terreurs.

 

 

On fait usage des premières pages de l’œuvre. Répétitions presque mots pour mots d’évènements tristes bien connus en Côte d’Ivoire.


 

Combien de livres sur ce sujet naturaliste avons-nous déjà lu ? Une centaine avec pour certains la tombée facile dans le pathos, l’un des pires ennemis de la littérature quand elle n’est point maîtrisée. La guerre qui y a éclatée et les formes psychologiques rudimentaires que l’auteure s’est empressée de décrire, comme pour faire accompagner ses dires, et cela à notre dépit.Hélas.

 

J’avais cru d’abord que cette morale intransigeante, que ce style sec à l’image d’une éthique de l’essentiel, que cette allure de récits ignorerait dans leur simplicité, les zones obscures de cette guerre où s’est tapit l’inquiétude et où a veillé l’angoisse. Mais je sus dans le prolongement de ma lecture de la fausse et mauvaise considération que j’avais de cet auteur. Précocement jugée sans finir son œuvre, je passais là à côté d’une auteure considérable qui marquerait sans doute mes premières lectures de l’année 2013. 

L’histoire du roman débute à Sinfra, ville du centre ouest de la Côte d’Ivoire où vit Zantigui, personnage turbulent mais sensible à l’argumentation des plus convaincantes. Il vous « promet sur l’honneur », jure « Allah » la main sur le cœur de tenir telle ou telle parole et une fois cette parole accordée, l’histoire devient tout autre pour notre héros... Cet anti-héros nommé Zantigui verra la guerre en Côte d’Ivoire éclatée sous ses yeux. Malin au possible, il parviendra à échapper à la mort et prodige, sera malgré lui entrainé dans la rébellion jusqu’à gravir tous les échelons et devenir « chef Zantigui », nom qu’il portera avec fierté sans jamais quitter son « moi Zantigui», chaque fois qu’il parlait de lui. 


Drôleries, situations cocasses, belles trouvailles vont émailler sa vie et son existence déréglée à l’envi, qui feront passer Zantigui, d’un être admirable à celui d’un personnage fort détestable qui fera de son combat, l’un des pires cauchemars des habitants de Tampakro, ville où il régnait d’une main de fer. 


C’est par là que ce roman nous retient et nous attire. Par des cheminements souterrains qui passent par un récit savamment imbibé de culture malinké, de pratiques mystiques nous immergeant aisément dans le dozoya (la pratique du dozo), et le souci encyclopédique qui l’accompagne, Mahoua S. Bakayoko sait nous faire vivre dans les moindres détails, les travers de cette rébellion de Zantigui.

On fait de nouveau une plongée dans les flots tumultueux de cette rébellion devenue des plus affreuses avec Zantigui et ses acolytes. (Pillages, escroqueries, trahisons, mensonges, abus extrêmes de pouvoirs et tutti quanti…). Si les paysages sans cesse renouvelés confèrent à l’œuvre toute son originalité, l’on cabre souvent sur certaines facilités de l’auteur à justifier les travers de Zantigui (sur l’affaire du pare-brise par exemple dont on se passerait bien (page 150) où les sources wikipédia que l’auteur s’approprie un peu naturellement pour définir ses notions. Source internet participative, qui faut-il le rappeler, ne peut toujours pas être fiable quand il s’agit de donner dans la recherche ou la définition la plus originale. 

Mais, l’on ne peut s’empêcher à la lecture de cet ouvrage d’affirmer, d’insister et de reconnaître le caractère considérable de cette œuvre qui interdit toutes les démissions de la bonne pensée, du parti pris pour nous relater les débuts d’une crise politico-militaire qui marquera des années encore, l’histoire de la Côte d’Ivoire. Dictée par une connaissance de tous les replis honteux du cœur humain, Mahoua S. Bakayoko a tracé au pinceau, le plus délicat et le plus vrai des nuances, jusqu’aux grâces de nos vices. Telle est l’auteure. Et l’esprit unique qui a produit cet œuvre fera des heureux. Ceux qui se méfient comme moi des normes, des pensées convenues, des actions convenables, des engagements confortables et des moralités creuses. A lire donc sans modération. CQFD.

 

Zacharie Acafou

Chroniqueur littéraire en France


Mahoua S. Bakayoko : « La rébellion de Zantigui » , Editions Dhart, Canada, 2012, 172 pages.

 



22/01/2013
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