LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE

LITTERATURE/REINE DE LA RUE PRINCESSE DE MESMIN KOMOE AU-DELA DU REQUISITOIRE, UNE PLAIDOIRIE EN FAVEUR DE L’INSTITUTEUR

 


 

Reine de la Rue Princesse, Frat-mat éditions . Le nom de l’auteur suffit pour cristalliser l’intérêt du lectorat ivoirien. Il s’agit de Mesmin Komoé le secrétaire national du MIDD (Mouvement des Instituteurs pour la Défense de leurs Droits). Il a été, ces dernières années, le responsable syndicaliste le plus en vue de notre pays. En parcourant le livre, nous n’avons pas été surpris de découvrir qu’il place l’instituteur, le maître, au centre de ses préoccupations. Sur les onze nouvelles, huit évoquent sur un ton satirique et pathétique le martyre que vivent les instituteurs dans les exercices de leur métier. Le livre de Komoé se veut, en effet, un féroce réquisitoire contre un système qui a réduit l’instituteur au rang d’un moins que rien, un sous-fonctionnaire condamné à végéter et à pousser des râles étouffés dans les cales de la précarité. Salaires chétifs, zones déshéritées, outrages mortels, humiliations permanentes…sont quelques euphémismes pour dire le chemin de croix du maître.

 

Dans ces huit nouvelles, les personnages principaux, tous des enseignants, sont de malheureuses victimes de la méchanceté des hommes. Ils sont victimes de villageois ignorants et ingrats, victimes de jeunes filles-dévoreuses d’hommes, victimes de guerre, victimes notamment de leurs patrons, ces demi-dieux. La plume révoltée de l’auteur y dénonce les pratiques mafieuses des inspecteurs de l’enseignement primaire (IEP), qui usent de leur position pour plumer et humilier les enseignants craie en main. « Mais pourquoi cet acharnement sur une corporation qui était appelée à faire germer la graine de l’intelligence, donc du développement ?  Pouvait-on avoir une Nation forte si les ingénieurs de l’esprit étaient méprisés… ? »S’interroge le narrateur à la page 72. Réné Dramane est condamné injustement pour meurtre. Guy Djoré, accusé injustement d’avoir violé une jeune fille, est interpellé et jeté en prison. Biankpa et Konan Jean sont pris dans la machine infernale d’une rébellion stupide. Claude est abusivement radié de la fonction publique selon la volonté de son IEP. Omeko Koffi est lynché pour un délit d’adultère « préfabriqué ». Reine Marie, digne dans l’épreuve est freinée dans sa trajectoire pour avoir refusé de sacrifier son intimité au patron. D’une page à une autre, les maîtres sont dépeints comme de véritables martyrs anonymes. A la page 25, l’écœurement du narrateur éclate en ces termes : « Malheureusement, le salaire de cette œuvre plus que sacerdotale est le mépris. Mépris exacerbé par un système à broyer du maitre. Mépris né d’une image dépréciative du maître dans une société où la valeur ne se mesure qu’en termes de puissances matérielles. Combien sont-ils ces instituteurs qui ont souffert de la dictature bestiale des chefs, véritables réincarnations des dieux de l’époque médiévale ? »

En fin de compte, Komoé se veut « la bouche » de ces travailleurs « qui n’ont point de bouches », le déchiffreur des différentes formes de leur calvaire.

Le parti pris de l’auteur-syndicaliste est si fort, si passionné qu’il n’a pas pu échapper à la tentation d’idéaliser son « héros ». Le maître est-il sans reproche ? Est-il ce fonctionnaire toujours sérieux, toujours honnête, toujours travailleur, toujours consciencieux, tel qu’il est décrit dans ces pages ? Ne doit-on pas lui tirer les oreilles lorsqu’il subit dans le silence les affronts et boit comme une éponge l’eau sale des humiliations ? Seule Reine-Marie dans la dernière nouvelle redresse la tête pour dire le « NON » de la liberté et de la dignité. « Je pense que quand un système est mauvais il faut le combattre. Nous autres Noirs en général et particulièrement cette corporation d’instituteurs…sommes prompts à la résignation », opine cette maîtresse exemplaire à la page 145. Cette nouvelle « Le prix de la dignité » qui clôt le livre vient comme un contrepoids aux premières et sonne sous la plume du syndicaliste comme un appel au réveil et à la révolte. En tout état de cause Reine de la rue princesse foisonne de toutes les thèses qui fondent le combat du syndicaliste depuis quelques années. Ce recueil de nouvelles, vibrant de la passion de son auteur, échappe souvent aux règles du genre pour se muer en une forme qui n’est pas loin de l’essai, tant l’argumentation écrase le récit. L’écriture de Komoé est pragmatique, directe. Elle se garde des ornements stylistiques et des fards rhétoriques. C’est que le plus important pour lui, c’est de transmettre un message, c’est de désigner le mal, sans artifice, ni circonlocution.

Malheureusement, la langue de l’auteur, lui-même « maitre » et « ingénieur de l’esprit » boitille et claudique à plusieurs niveaux. Elle foisonne de coquilles et de fautes révoltantes voire humiliantes. Nous en citerons juste quelques exemples et laisserons au lecteur de trouver la forme juste. Nous avons d’abord des fautes de conjugaison : « Elle n’était pas remis de ses émotions et articulaient difficilement les mots »(P9) ; « …Sans que personne ne suquoi faire »(P40)  « C’est une vieille femme qui proposa que les amis de la défunte laporte »(P41) ; « En effet, les rebelles sesaisir de nous »(P50) ; « Ce qui me fait peurse sont les femmes »(P87) ; « Que fallait-il attendre de personnes qui portait des armes… »(P111) » ; « …la troupe qui détenait l’enseignant surpris un groupe de fuyards… »(P117) ; « L’année qui suiviefut… »(120) ; Monsieur Pélé averti les parents de Sophie »(P122) ; « Elle mis au monde un enfant »(P123) ; « Il la rattrapa etrepris sa machette »(P126). Nous avons ensuite des fautes d’accord : « Ils étaient plutôt occuper à harmoniser ces deux corps… »(P102) ; « ; « …tout ce qui lui étaitarriver… »(P133). Nous avons, en outre, des fautes d’orthographe : « La plupart des villageois ne partagent pas cette engouement »(P97) ; « la permission de l’enmener»(P133) etc. Enfin, du point de vue grammatical, nous notons le caractère douteux de certaines phrases. Un exemple :« Alors que fils unique d’une famille de riche planteur, il baignait dans une aisance remarquable, ce n’était pas le cas pour Aya Rose, qui n’ayant jamais connu son père était la charge de son oncle »(P30)

Nous n’évoquerons pas la confusion des valeurs d’emploi de l’imparfait et du passé simple, la négligence des accords liés au COD placés avant le participe passé, etc. En somme, ces fautes jettent le discrédit sur toute la corporation des nouveaux maîtres. Faut-il imputer la faute à l’auteur, titulaire d’un DEA en lettres modernes ou à la maison d’édition qui ne manque pas d’hommes de lettres ?...Un autre débat intéressant en perspective !

 

ETTY Macaire

 



09/10/2011
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